Au théâtre ce soir.

 Elle fait une drôle de tête, cette dame peinte par Mary Cassatt.

Quelle idée semble la préoccuper ?
La scène ?
Les spectateurs ?
À vous de le dire.

Prudence regarde avec attention le public qui se faufile dans les gradins, histoire de dire qui était présent à la première de cette pièce si attendue du grand Palace.

Elle ne se doute pas qu'elle même est observée par un de ces scribouilleurs qui font les ragots des gazettes pour gens ennuyeux et toujours enclins à la propagande d'un monde passéïste.

Est ce que les soeurs Robertson sont présentes, cette fois ci ? 

Il lui semble les reconnaitre , tout en bas au premier rang. A leur nuque et la chute de leur cou sur leur dos dénudé et engageant, elle pense que les deux oies blanches (c'est ainsi qu'elle les nomme, par jalousie peut être, craignant qu'elles se fassent une place au soleil dans ce monde  du Beaver Hall qu'elles ne fréquentent que tout juste et auquel,  elle, Prudence, se garde bien d'appartenir même si elle le fréquente assidument ). 

Il est vrai que les jeunes soeurs ont un atout maitre dans leur jeux. Leur insouciante beauté. Et ce n'est pas le moindre. Leur talent et leur sens des relations feront le reste, elle en est certaine.

Mais Prudence sait bien que toute gloire est éphémère et que leurs traits une fois fanés  laisseront moins de trace que les toiles qu'elle va exposer dans le plus grands musées.