Je
pense que vous en avez assez des œuvres de John Salminen mais que
voulez-vous, elles me posent toutes des questions auxquelles j’essaie de
répondre.
Si vous m’aidiez, vous aussi à y répondre, ce serait gentil.
Mais ce serait trop simple.
Il faut d’abord trouver quelles questions posent l’œuvre, et je sais qu’elle ne pose pas les mêmes à chaque observateur.
Puis, quand vous avez enfin une question qui vient, il reste à y répondre…
J’aimerais
que vous commenciez votre devoir par « Ce fut un chagrin désordonné »,
comme écrit Maupassant dans « Un cœur simple ».
Ce serait chouette
aussi que vous le terminassiez sur « Le centre du combat, point obscur
où tressaille la mêlée, effroyable et vivante broussaille, » comme
disait Victor Hugo dans « L’expiation »
J’eusse aimé que vous y casassiez aussi le célèbre « L’espoir changea de camp, le combat changea d’âme. »
(Je ricane car Adrienne va devoir éviter la trop grande concision qui est sa marque de fabrique... Hi hi hi...)
« Ce fut un chagrin désordonné » qui s'empara de mon être, lorsque j'entendis la nouvelle. Je rentrais de manif nous étions le 13 mars 2020, la nuit il avait un peu neigé. Les trottoirs étaient verglacés. J'avançais avec prudence. J'avais laissé mes hauts talons et mon parapluie rouge était replié. Seule flottait au vent mon écharpe pour la circonstance. Nous étions nombreux encore à battre le pavé et chanter en cadence au rythme du chiffon rouge balançant nos banderoles et nos drapeaux. Les nouvelles n'étaient pas bonnes. Depuis le début de l'hiver, une bien curieuse maladie, une maladie inconnue, dangereuse et trés trés trés grave, mortelle même se répandait aux quatre coins du monde sans qu'aucune raison ne puisse l'expliquer. Et là, comme venant à la rescousse d'un pouvoir inflexible, elle s'attaquait à l'hexagone. Tous cela en plein conflit social au sujet d'une réforme dont personne ne voulait. La rue chargée de colère ne désemplissait pas. Avec d'autres, je pestais, je criais, je hurlais. Mais rien n'y fit. Le pouvoir restait sourd et même muet. C'est alors que vint à point une idée de génie : on allait donc nous imposer comme unique médication de rester enfermé. Avec le reste du monde, on serait confiné. Dés lors, les gens autour de moi fuirent. Tous se replièrent sur eux mêmes. La peur les tenaillait. La sphère médiatique à laquelle ils se montraient sensibles inondait le monde de suppliques : "Restez chez vous, n'embrassez personne, laissez partir votre grand mère sans même un adieu. Si vous sortez : pas plus d' une heure et tout à côté de chez vous. Les masques absents sont de toutes façons inefficaces, les désinfectants, eux aussi absents des chaines de production, ne le sont pas plus, un seul moyen d'éviter la propagation, rester chez soit, enfermé sans parler à personne ((on ne sait jamais !)"
Certains firent remarquer qu'il ne suffirait peut être pas de se cloitrer et de fuir comme un ennemi, son voisin, son frère, son père, sa mère et ses enfants. Que sans doute il faudrait redonner les moyens qu'on avait précédemment supprimés. Que les hôpitaux envahis de malades étaient démunis de personnel et que peut être pour soigner les uns, il fallait retrouver des autres. Certains allèrent jusqu'à proposer de rouvrir des usines dont matériel et compétences étaient encore présent. Qu'il suffisait d'une volonté politique pour retrouver des moyens et réactiver un savoir faire qui ne serait pas superflu. Mais rien n'y fit. Sourds mais pas muets, nos grands hommes d'état se déployaient sous tous les cieux, d'un bout à l'autre de la planète en criant à l'effroyable empoisonneur. Sur tout les tons, à tous les temps, ils se répandaient en discours, se contredisant à chaque virgule, enchaînant mensonges et contre vérités avec l'aisance qu'on leur connait.
Puis vint un homme de science avec des solutions, avec des propositions. Toutes rejetées en bloc sans même les examiner. Mais lui et quelques autres y croyaient. Ils se battaient bec et ongle pour qu'éclate la lumière et la vérité, tandis qu'n haut lieu on interdisait, on bafouait, on dénigrait ses méthodes, qui cependant marchaient.
« L’espoir changea de camp, le combat changea d’âme. » Ils furent de plus en plus nombreux à rejoindre le grand maitre jusque là incontesté. Ils partageaient leurs expériences, leurs connaissances, ils cherchaient des solutions efficaces, et dénonçaient les causes d'une seule alternative basée sur le profit. Le monde s'enflammait. Pour les uns les mensonges devenaient vérités. Les autres, dubitatifs, s'interrogeaient. Aux questions posées, aucune réponse, aucun autre choix que celui décrété par un pouvoir autoritaire et borné.
Les preuves irréfutables d'une gigantesque manipulation s'additionnaient. Ceux qui avançaient ces thèses furent vilipendés, calomniés.
Les premiers n'eurent de cesse de les faire taire, les disqualifiant à chaque instant. Les plateaux télé, les réseaux sociaux, les journaux, toutes les armes d'un combat inégal furent mises à contribution. Des mesures liberticides mises en oeuvre au service d'une seule et même cause s'enchainèrent. Aucune résistance ne put dignement s'exprimer sans être discréditée.
"Le centre du combat, point obscur
où tressaille la mêlée, effroyable et vivante broussaille," s'intensifiait...
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Deuxième partie
Renaître
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« Ce fut un chagrin désordonné »
lorsque je vis pour la première fois depuis mon départ, le spectacle
que m'offrait ce pays désert, ces champs, bien que recouverts de neige
envahis pas la broussaille, ces arbres dont la pousse anarchique
recouvraient ce que furent nos cultures, ces clôtures hasardeuses dont
les barrières défoncées jonchaient le sol. Que s'était il passé ? Plus
loin vers Lospeux, la maison du Lanton avait fini par s'écrouler. Il
n'en restait plus qu'un pan de mur caché par les noisetiers. La pinatèle
s'étendait loin maintenant et me cachait complètement mes Enclos. Du
village où j'étais née, il ne restait que maisons closes, plus une
cheminée ne fumait désormais.
Je compris alors que je ne retrouverais que l'ombre de mon passé.
Lorsque
j'entendis le vent hurler dans la hêtraie voisine, je fus prise de
panique. Les loups n'avaient pas tout emporté. Il restait le vent. Le
vent mauvais qui avait tout dévasté et avec lui les hommes qui avaient
bradé ce pays. Bradé n'est pas vraiment le mot. Car ils avaient fait en
sorte que personne ne vienne vivre sur ces terres en les rendant
incultes et inhospitalières. Le gigantisme dont ils avaient fait preuve
ressemblait à la politique de la terre brulée.
Par curiosité, je m'avançais encore et longeais le bois jusqu'à la ferme des Bordes. Le
confinement avait changé beaucoup de choses. Il n'était plus question
de vivre comme avant. On devait réinventer une autre vie. Se réinventer.
Renaitre, comme le phénix de ses cendres.
Le
champ derrière les maisons étaient cultivé de frais. Déjà poussait un
blé d'hiver que l'on devinait percer sous les plaques de neige. Les
étables avaient une nouvelle toiture. A l'intérieur, je devinais le
souffle apaisant des grands boeufs endormis. Un bruit de chaine me
confirma leur présence. Je m'avançais de quelques pas et passais ma tête
dans l'encadrement de la porte. ils étaient bien là en effet. Damiant
et Brillant, Charmant et Bruno, les grands boeufs Salers avaient
retrouvé la place que je leur connaissais. La grande Jolie à leur côté
ruminait tranquillement en attendant que "la" Renée vienne la traire,
détachant son petit veau pour la rassurer. Mon père n'était pas loin qui
viendrait bientôt la chercher. Elle remplacerait le Cadet à l'attache et sous le joug lors du trait. Ma tête s'emplissait de projets que je pensais appartenir à un passé révolu et enterré à jamais. C'est alors que je réalisais l'ensemble
des possibilités. Si des hommes avaient résisté ici, il était encore
possible de reconstruire ailleurs. Il faudrait du courage et de la
ténacité. Mais l'enjeu était de taille et valait les batailles que nous
avions à mener.
« L’espoir changea de camp, le combat changea d’âme. »
Je ne m'étais pas battue en vain pour que revive et renaisse ce petit
bout de terre qui était le mien. Je compris alors que tout était à
nouveau possible. Qu'il suffisait de presque rien pour que tout
recommence comme avant. Si des hommes avaient détruit, d'autres allaient
reconstruire. En plus dur, en plus solide, en moins grand. Il allait
être à nouveau beau mon pays. La vie disparue allait revenir, le bois
des Barthes allait s'illuminer de soleil pour permettre à celui qui
l'entretiendrait, de vivre de son travail sans massacrer les arbres, les
champs et les prés.
Nos campagnes allaient être « Le centre du combat, point obscur
où tressaille la mêlée, effroyable et vivante broussaille, » la vie serait la plus forte et tout le monde y gagnerait.
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Bonne lecture à tous 😉