Emouvante et belle.


81 ans qu'elle existait. La vieille dame a rendu l'âme. Sur l'autel du profit. Sur l'autel de la finance. Sur la voie du libéralisme et sur celle de la dérèglementation. La SNCF, il s'agit d'elle, met aujourd'hui son dernier habit. Demain ne seront plus que des ruines de ce qui fut une belle aventure quand cheminant à travers la campagne, en bordure des vertes prairies, elle transportait sans crier gare des passagers et non des clients que regardaient passer les vaches, ruminant à l'ombre des pommiers.
 Cinq sociétés anonymes et anonymes simplifiées vont la remplacer dès demain   à l'heure où vous célèbrerez la nouvelle année. Cinq sociétés anonymes ouvrant la porte en grand à la privatisation, comme ce fut le cas pour les PTT mais encore EDF et bientôt d'autres services publics dont notre régime de protection sociale, déjà mis à mal par les différentes réformes passées et présentes comme nos retraites en subissent actuellement l'attaque.
Une manifestation contre la dite réforme se déroulait aujourd'hui encore. Si moins de monde que les autres jours y participait, l'intensité et la puissance de cette dernière n'étaient pas moindres, loin s'en faut. C'est ainsi qu'un faire part de décés tint lieu d'appel et nous défilâmes au son d'une marche funèbre, derrière  un corbillard, de noir et de pourpre habillé, au sein d'un cortège où les cheminots tenant bonne place, au terme d'un mois de grève, ne demandaient rien d'autre que d'être respectés. Comme travailleurs d'abord, comme êtres humains aussi mais surtout comme artisans de l’œuvre collective que fut ce grand service public de transport dont le rôle et l'utilité économique ont fait leurs preuves.
Un discours des plus émouvants fut prononcé, rappelant  qu'en mettant un terme à cette entreprise d'état, c'est  notre liberté et  notre autonomie qu'on sacrifie. Dit  de cette façon, cela peut paraitre succin, voir simpliste, car je prends des raccourcis, vous faisant grâce d'un discours sur les politiques publiques, conduisant à terme à la destruction de notre patrimoine économique, humain, social, écologique. Pourtant qui peut être meilleur garant de notre indépendance, de notre équité et de notre égalité collective, que des services publics forts et bien traités?

Ce fut l'occasion aussi de rendre hommage à l'un d'entre ses militants qui firent l'honneur de notre patrie. Pierre Sémard.  Et puisqu'on parle beaucoup d'otages que prendraient les cheminots grévistes, j'en profite pour pour rappeler que Pierre Sémard fut fusillé le 7 mars 1942, comme otage des nazis,  à la prison d'Evreux.
Emouvante la cérémonie consacrée à la symbolique dépouille de feu la SNCF, quand la foule des manifestants entonna le poing levé, devant un cercueil non moins symbolique, un chant dédié aux luttes que nous sommes entrain de mener.
 Aujourd'hui encore, j'ai été particulièrement fière d'appartenir à ce peuple debout qui se bat contre un pouvoir Injuste et obstiné.
 Aujourd'hui encore, cheminots mes frères, vous nous avez donné une belle leçon de courage et de dignité.
Aujourd'hui encore, je sais pourquoi je suis venue manifester.
Avant de terminer l'année et de vous souhaiter à tous une merveilleuse soirée, je voudrais vous offrir cette superbe chanson qu'a écrite le regretté Alain Leprest, magnifiquement interprétée par la sublime  Francesca Solleville, en hommage à Pierre Sémard.

 

Enorme !



Énorme, encore hier, la manif pour la défense de notre système social et de retraite par répartition.

Plus de 15 000 personnes, pour une ville de taille moyenne, soit à peu prés un 10éme de sa population. Quand nous avons remonté la rue depuis notre stationnement, ce n'était que cortèges ou groupes joyeux de gens qui agitaient banderoles, fanions ou drapeaux  au son du Chiffon rouge ou d'autres slogans improvisés sur des airs de chants révolutionnaires pour la plus part. Quand nous avons rejoint le point de départ de la manifestation, au sein du cortège des cheminots voyant la foule s'agiter, les uns immortalisant ces instants à l'aide de leur portable, les autres applaudissant, je fus saisie par la beauté de l'instant. J'en eus la chair de poule et pleurais sur le champs. C'était beau, c'était grand ! Je retrouvais "ma" classe ouvrière tout comme aux temps les plus forts de son histoire. La classe ouvrière des années charnières de la lutte, celle de 89 de 36, de la libération, de  68 et de 1895 à 1995. Celle que chante Jean Ferrat, celle que j'aime, celle dont me parlait souvent mon père, celle qui m'a vu naitre, grandir  et me construire et j'en fus fière. J'en fus fière car cette classe là qui fait l'histoire et qu'on méprise dans les salons de Matignon, dans les dossiers de l'Histoire que raconte monsieur Bern à la télé le soir, celle dont le président insulte la mémoire, n'est pas prête de baisser pavillon. Elle a de la ressource, du courage et  des convictions. Elle est contrainte de se battre pieds à pieds, souvent muselée, elle a le poing levé,  elle détient les clés du progrés. Celui qui sert l'humanité. Celui qui fait les hommes libres et heureux, égaux en droits,  en devoirs et en dignité.





Entre le boeuf et l'âne.



Elles s'appelaient Berthe,  Zénaïde,  Génie, Maria ou Anna. Leur existence fut rude et leur destin tragique bien des fois. Il leur fallut du courage et elles en eurent plus qu'il n'en faut quand braver le sort est un défit quotidien et que l'existence en dépend.

Elles entretenaient une basse cour, un potager et s'échinaient aux travaux des champs. Entre l'âne et le boeuf, tirant le joug, poussant charrue et lourd brabant, creusant la terre. faisant les foins. De leurs deux mains filant la laine, triant le grain. Au lavoir lavant le linge et au routoir, rouissant le lin.
 Femmes de labeur, femmes   servantes, de leur maitre et de leur terre, répondant à toutes les exigences, elles supportaient tout en silence, car il leur fallait nourrir leurs enfants et parfois même leurs petits enfants.  Besogneuses au sens le plus bas, rien ne les rebutait. Ravalant leurs larmes et leur fièreté, elles remplaçaient parfois l'âne quand il venait à manquer.
La Berthe pour se nourrir, tricotait des chaussettes que personne ne pouvait porter, en gardant ses 2 vaches qui lui assuraient un peu de lait. Ma mère  lui donnait de l'ouvrage contre un gros morceau de lard, c'est tout ce qu'elle avait pour la payer. Génie tricotait pour les gens de la ville en gardant son maigre troupeau. Elle travaillait aussi sa vigne, quelques arpents sur les coteaux volcaniques en contre bas du Puy de Liards. Maria louait ses bras à la journée, dans quelques maisons bourgeoises et revenait le soir aider sa vieille mère qui n'en pouvait plus de s'user sur le pan de terre qui leur restait.
Quelques poules, un potager, une vache et un âne, voilà toute leur fortune, et une vie à trimer.
Montmartre en 1848
Zénaïde vivait au flanc de la butte, entre culture et servitude. Je l'imagine descendant la rue des Saules conduire le bœuf et l'âne à l'abreuvoir  après une longue journée. je l'imagine dans ce quartier entre ruisseau et marais partageant son temps entre carrières et vignes ou potagers. Le jour charriant le schiste, le soir puisant l'eau  pour entretenir un petit bout de jardinet et le dimanche conduisant l'âne au moulin, moudre le grain. Montmartre en ce temps là ressemblait à un village où lavandières  et jardinières se côtoyaient.
Si pour nombre de citadins, de villageois ou de ruraux de confession judéo chrétienne, l'âne et le boeuf sont symbole de fête de la nativité, comment ne pas penser à tous ces jours entre l'âne et le boeuf, où nos ancêtres ont subsisté menant une existence pas meilleure que celle des bêtes de somme aux quelles il fallait parfois se substituer, n'ayant que leurs seuls bras pour travailler et  pour Noël, pas même une orange à partager.


Quand La Génie, ma grand mère, prit la petite Danielle dans son foyer, la gamine ne savait pas ce qu'était Noël. C'était la première fois que quelqu'un lui offrait quelque chose. cette année là, 3 ans aprés la guerre, (nous étions en 1948), il n'était pas rare, encore, que le vieux bonhomme sensé passer dans toutes les cheminées, en oublie quelques unes au passage. Ma mère et ma grand mère, qui n'étaient pas riches et devaient faire le travail des hommes pour gagner quelques deniers, mon grand père venant de mourir de ses blessures de guerre, avaient bien à coeur de célébrer  un Noël comme auraient dû en connaitre tant d'enfants. Quand Danièle découvrit cette orange dans son sabot, elle ne sut pas ce que c'était. Il fallut lui expliquer. Ma mère me parla souvent de l'émerveillement et des yeux brillants qui s'extasiaient devant de si minuscules présents. Pour nous gens de peu, gens de la terre, l'âne et le boeuf étaient avant tout symbole de dur labeur et de pauvreté.

Ce soir à la lune.

Sur cette plage étrange, je pressens des évènements surprenants se déroulant sous la lumière de la Lune
(Et ne dites rien, le TLF dit que l’on peut mettre un accent grave à « évènement » comme le laisse entendre la prononciation).
Dites nous ce que vous inspire cette inquiétante lumière traversant avec difficulté ces nuages tempétueux.
Je vais tenter quant à moi d’y lire quelque chose d’ici lundi…  


 Ce soir à la lune, je reviendrais pour voir si je ne me suis pas trompée. Figurez vous qu'hier, en marchant sur le sable mouillé, j'ai eu l'impression de glisser. Je me promenais tranquille quand tout à coup, sous mes pieds, une chose étrange s'est déplacée. Les rayons de lune se reflétaient dans l'eau laissée par la marée. Je crus d'abord à une méduse, mais la forme qui ondoyait tout prés ressemblait à une sorte de baleine miniaturisée. Peu certaine de ma découverte, je me penchais davantage, mais la chose s'enfonça dans la vase prés d'un rocher. Je me cachais longtemps histoire de surveiller la chose, mais elle ne réapparut point, si bien que je m'en allais frustrée. Quand je rentrais à la maison, je fis part de l'étrange à Marcus qui me rit au nez. Pensez donc, me dit il, ce sont les nuages qui provoquaient ce reflet que votre imagination démesurée aura  pris pour une baleine ! et de rigoler ! C'est alors que je décidai de revenir à la première marée descendante, mais  ce que j'avais vu la veille n'était plus qu'un mirage à peine dessiné. Le ciel était sans nuage, les vagues au loin se balançaient. Plus d'écume sur les rocher encore immergés. Plus que le sable sous mes pieds. Pas une algue, plus de galet. Mais sur quoi, avais je bien pu marché ? 
Je reviendrai donc ce soir à la lune, pour voir la mer se retirer.

Devoir accompli.

Je ne sais pas vous, mais moi, j'ai le sentiment du devoir accompli. Nous étions trés nombreux à la manif ce matin. Je suis partie bien avant la fin, c'est la deuxième fois que je ne termine pas depuis prés de 50 ans  ! La première fois, c'était en 2015, je venais d'être opérée d'un problème intestinal. Aujourd'hui c'est pour une autre raison tout aussi importante. Il y avait tellement de monde qu'à un moment j'ai coupé par une rue adjacente et me suis retrouvée presqu' en tête du cortège. Mais n'en pouvant plus, j'ai continué un bout et suis revenue à la voiture. En tout cas avec ou sans moi, il y avait du monde. Je crois qu'il y avait longtemps que je n'en avais pas vu autant. Cette journée comptera dans l'histoire sociale du mouvement ouvrier. Sir Edouard et son chef de bande ne pourront pas dire que... En attendant, j'envisage de me reposer et sans doute d'aller faire une balade en bord de rivière aprés manger, quand j'aurai réceptionné mon nouveau portable, car en ce moment, c'est compliqué, tout va de mal en pis. Le portable qui ne tient plus la charge va aller au rebus et je vais devoir me familiariser avec ces nouveaux outils qui font bip bip quand on ne s'en sert pas. Sinon mon Ti Lion  est hospitalisé depuis deux jours. Son état n'est pas brillant. Samedi dernier je l'ai envoyé chez le vétérinaire de garde, qui a fait tout un tas d'examens mais qui n'ont servit à rien parce qu'inexploitables au dire de ma vétérinaire habituelle qui a dû tout recommencer mardi parce qu'il avait toujours trés mal au ventre malgré les antibios et les anti- douleur. Il n'est pas tiré d'affaire notre petit Lion et  on ne sais pas à l'heure qu'il est s'il en réchappera, mais une chose est sure, c'est que nous avons bien fait de boire le champagne dimanche, car aujourd'hui, on en a pas envie. Quand je vous  dis qu'à chaque fois c'est pareil, vous me croyez maintenant ?
Sinon balade d'aprés manif, quelques photos en même temps que celle d'hier où j'ai perdu mon bâton et moi sans bâton, c'est dur de marcher !
aujourd'hui :

 Hier :




Lorette et le morceau de lard.

Et qui est ce qui s'apprête à mettre la table ? Hein, je vous le demande !
Cette image est tout de même douce comme un conte de Pagnol et fleure bon la campagne. Celle de mon enfance en tout cas, où pendant les fenaisons on s'abritait, étant enfants sous l'ombre des cerisiers des Enclos, la Lorette à nos côtés. La Lorette, c'était notre chien de berger. Elle nous accompagnait aux champs, aux prés. Quand nous gardions les vaches, maman et moi, la Lorette guettait et au premier "Hatchi ! Vé la care" elle savait quelle vache il fallait aller tourner. (pour les citadin qui ne sont pas Auvergnat, "hatchi vé la carre"  ça veut dire, "vas y, va la chercher", c'est du patois, et tourner les vaches, c'est les faire changer de direction, au moins pour qu'elles n'aillent pas trop loin dans le regain, parce qu'il faut vous dire aussi, qu'en ce temps là il n'y avait pas encore l'électricité sur les clôtures !).
La lorette, donc était aussi friande que moi de mon 10 heure. Composé de petites bouchées de pain et de lard du cochon tué l'année d'avant, juste avant qu'il ne soit trop rance, le lard, pas le cochon, nous partagions, Lorette et moi, pendant que maman tricotait. Je la revois agiter ses quatre aiguilles et les chaussettes s'allonger au fil des jours, son sac en toile posé sur le côté, devant elle son ouvrage et nous, jouant à ses pieds. Je repense aussi à la fois où Lorette sommeillait et où, moi, par surprise je suis venue la réveiller. Elle me sauta à la figure et ses crocs marquèrent mon nez ensanglanté. De trace, point n'ont subsisté, mais je sais depuis qu'il ne faut jamais réveiller un chien qui dort.
La Lorette a fini ses jour dans un fourré au fond du pré des enclos. Je ne me souviens plus si le soir elle était rentrée, mais ce que je sais c'est que le Boby, le chien du Jean notre voisin est venu le lendemain. Il rodait autour de mon père, comme s'il lui parlait. Mon père ne comprenait pas d'abord, mais le chien insistait. Quand mon père compris enfin qu'il voulait lui dire quelque chose, Boby arrêta de tourner, il partit la tête tournée vers mon père et le regard suppliant lui dit "viens, il faut m'accompagner". Intrigué, mon père le suivit alors. Boby le conduisit pile à l'endroit où Lorette endormi, attendait qu'on vienne la chercher. Sur caresse sur la tête et un mot gentil "c'est bien tu, es un bon chien", papa repartit, Boby à ses côtes de temps en temps levait la tête vers lui et son regard de bon chien disait "merci" merci de m'avoir suivi, merci pour elle et merci aussi de m'avoir compris. Papa prit la brouette et nous l'avons accompagné chercher Lorette. Nous l'avons enterrée sous les cerisiers des Enclos, là où nous avons tant joué et avec elle cabriolé.
Cela fait longtemps de ça et l'eau de la rase qui coule au fond du pré s'en est allée. S'en sont allé  Boby, le Jean, Papa, Maman et beaucoup de ceux qui nous ont aimé. Mais je n'ai pas oublié. Pas oublié le regard de ce chien. Pas oublié son odeur, ni la couleur de son pelage. Pas oublié Boby et son intelligence extraordinaire, ni sa faculté à dialoguer. Pas oublié nos jeux d'enfants, ni la saveur de nos étés. Il m'arrive d'avoir en moi, le goût profond du morceau de lard que maman coupait pour moi, en si fines bouchées. Il n'est pas rance, seulement un peu salé.

Il était une fois.