Entre deux.

 C'est calme sur la toile en ce moment. Je présume que chacun emploie son temps à bon escient. Pas comme moi qui crapote, qui pianote et n'avance point. Le matin je me lève assez de bonne heure , j'ouvre la fenêtre et voilà ce que je vois :


Le soir, avant de refermer la fenêtre et les volets, voilà ce que je vois :

Entre les deux ? Rien !

Veillée.



 C'était il y a trés longtemps. En ce temps là on pouvait aller et venir librement. On ne fêtait pas noël avec des agapes et des victuailles venues du monde entier. On consommait bio et local. Les hospitaux n'étaient pas surchargés vu qu'ils n'existaient pas.  On accouchait chez soi entre la table et le banc à sel, sur la paillasse contre le mur de l'étable. 

 En cette belle nuit de ce jour qui n'était pas encore Noël, Marie venait de donner la vie à son premier enfant. 

Marie était la fille du sabotier et son mari était charpentier. pour compléter leurs maigres ressources, ils avaient un âne et un boeuf qu'ils faisaient travailler à la vigne  et aux champs. De temps à autre, ils échangeaient un peu de vin, de légumes ou de blé contre de la laine que leur procuraient les bergers venus de la montagne.

Ce jour là, venu parfois de trés loin, comme Gaspar et son confrère le berger, tout le village était regroupé pour la veillée.. Car on veillait autrefois, souvent cardant la laine, épluchant les chataignes, tissant la toile ou tressant l'osier. Quand les premières douleurs la prirent, Marie, pour échapper aux regards indiscrets, alla se cacher dans l'étable, entre son bon vieux bourricot et le boeuf qui la réchauffait de son halène parfumée de foin bien sec. 

Lorsque les cris du nouveau né se firent entendre de l'autre côté de la cloison, tout le monde accourut et admira l'enfant qui vagissait dans son panier, allongé sur un coussin de paille.

Tous se penchèrent sur cet osier pour prodiguer les bienfaits qu'ils détenaient d'un ancêtre parfois fort éloigné.

Victor prédisait qu'il serait poète et devrait s'exiler.  A ses côtés, le mage en faisait un sage qui porterait la bonne parole dans le monde entier. A genoux, le druide récitait des prières pour lui prodiguer la bonne santé. Face à lui, Gérard lui prédisait un destin exceptionnel et une grande renommée. Chacun avait pour l'enfant les meilleures prédictions et allait de son couplet. Seule Marie ne disait rien. Elle pensait. Elle pensait qu'il serait bien difficile de l'élever et de le nourrir jusqu'à sa majorité. Elle pensait aux lessives qu'il lui faudrait faire pour les gens aisés, si elle voulait lui donner à manger. Elle pensait que plus tard, lui aussi serait charpentier, et qu'il porterait sa croix quand son tour viendrait de quitter le foyer. Elle pensait à toutes ces choses bonnes ou mauvaises qui parsèment l'existence avant de vous emporter. Elle pensait ce que pensent toutes les mères, sans pouvoir le confier. Tous n'avaient qu'une idée : faire la fête et trinquer à la santé de ce nouveau né.

Mes histoires de chats : Minette.

 Comme je n'ai pas grand chose à dire en ce moment, que je n'ai déjà dit d'ailleurs et que mes sources d'inspiration sont sèches, pourquoi pas parler d'un sujet qui apaise et qui est des plus intéressants. Je veux parler de les chats. 

Minette, la jolie minette que nous avions récupérée sur un marché pour remplacer le défunt  chat de la grand mère qui venait de se faire écraser (le chat, pas la grand mère).

Nous l'avions ramenée à la maison dans sa boite en carton. Sitôt déposée dans les bras de romain, elle s'était mise à ronronner. Cette chatte qu'on nous avait présentée comme indépendante et peu câline, redoublait d'attention pour celui qu'elle avait choisi comme son petit camarade de jeu. 

Cela allait être déterminant, d'ailleurs, pour son avenir. C'était un samedi, le lendemain, je devais aller travailler, et le Patou et les enfants allaient eux, en profiter pour conduire Minette dans sa future demeure. Ce qui fut fait. Sauf qu'au moment de repartir, Romain se saisit promptement de Minette et la   serra dans ses bras avant de repartir avec elle dans la voiture. La Grand mère au comble de la déception lui dit, "mais tu ne me la laisse pas ? Elle était bien pour moi ! " Ah ben non, dit -il, c'est la mienne ! la messe était dite et Minette resta prés de nous toute sa vie durant. 

Quand nous partions en promenade, Minette nous accompagnait, marchant du même pas, s’arrêtant si nous nous arrêtions, repartant avec nous quand nous repartions. Parcourant de nombreux km en notre compagnie. Elle me suivait dans les bois; ne s'écartant pas du chemin, comme si elle avait peur que je me perde, bien que moi je connaissais parfaitement le chemin et pas elle, mais elle était attentive et attentionnée comme pas un autre chat ne l'a été dans la nombreuse colonie dont j'ai eu la charge. 

Si une bagarre se déclenchait au sein de la communauté féline, elle s'interposait et distribuait coups de pattes aux protagonistes, histoire de les mettre d'accord,  pif, paf, pan et s'en retournait comme si rien ne s'était passé.  Tous la respectaient et les bagarres cessaient. Elle n'était pas une chatte dominante, seulement la doyenne et à ce titre, en imposait. Elle eut 5 chatons, qu'elle mit au monde dans un grand carton, dans la salle à manger. Les enfants présents admiraient ses petites boules gluantes et la façon dont Minette les nettoyait. Les chattons ont grandi un peu, puis sont sorti dans le jardin. Toujours blottis sous les voitures, deux se sont fait écraser. Ce fut un drame, y compris pour Minette qui les chercha, puis comprit qu'elle ne les reverrait pas. Un autre fut donné à la grand mère pour remplacer le sien toujours mort écrasé. Un quatrième fut empoisonné par le voisin qui n'aimait pas les chat, restait la petite dernière que nous avons gardé jusqu'à ce ce jour maudit où elle se fit piquer par une vipère. Sa mort quasi instantanée  laissa les enfants désemparés. Minette était triste elle aussi et s'ennuyait. C'est alors que nous avons récupéré une petite Lolotte sur qui elle veilla aprés avoir quand même essayé de la perdre dans les bois. Lolotte à chaque fois réapparaissait et se faufilait prés d'elle, comme pour lui dire, tu vois, je t'ai retrouvée !. A moins que ce n'ait été pour lui apprendre justement à ne pas se perdre dans des endroits inconnu et que ce que nous prenions pour de la malice ne fut rien d'autre que de l'éducation. Les chats ont leur langage et nous sommes loin de le maitriser. 

Ainsi, Minette, attentionnée et maternelle, éduqua tour à tour, ses enfants bien sûr, Jaunet et Chippie, puis Lolotte, Biscotte, Frimousse et Chaussette, la Grise et sans doute aurait-elle continué si la maladie ne l'avait emportée prématurément. 

 Avec les enfants elle se montra d'une patience d'ange, ne sortant jamais griffe ni ne montrant les dents. Acceptant tous les châtiments dont le principal était de se laisser promener en landau ou en poussette et même dans un petit panier.


Les enfants ne la maltraitaient pas non plus démesurément et c'est souvent penchée sur leurs cahiers qu'elle  surveillait leurs devoirs, avant de passer à table quand venait l'heure du souper. 

Minette une maitresse chatte dont on garde le souvenir d'une inoubliable complicité.

Le bonheur, c'est quoi ?

 Je ne sais pas ! surtout en ce moment. Mais sans m'interroger davantage sur la question, je crois que c'est avant tout un état d'esprit. On éprouve de la joie ou de la tristesse et le bonheur prend un tout autre visage. On apprend de bonnes ou de mauvaises nouvelles et le bonheur change de direction. On est bien ou on est mal, il se cache ou réapparait. Le bonheur est une chose fuyante qui ne pense qu'à disparaitre quand vous voulez l'étreindre. Il se voit de loin ou se cache derrière vous. Il revient parfois avant de nous quitter pour de longues périodes.

Le bonheur en ce moment pour moi, c'est de passer mes doigts dans la fourrure épaisse d'un petit lion qui ne demande qu'à ce que je lui fiche la paix. Alors, je le laisse s'enfuir et mon bonheur s'estompe pour resurgir quand derrière la vitre petit lion demande à rentrer. Il me regarde de son air suppliant et je laisse ses pattes mouillées souiller le carrelage que je viens de lessiver. 

Petit lion est malin, il sait trop bien venir me consoler. Le soir sur mes genoux si je suis triste ou préoccupée, il vient se blottir et ronronner. En ce moment je suis gâtée.

Le bonheur pour moi en ce moment c'est de tricoter des lainages bien chauds pour une petite minouchette qui n'a plus de maison. Quand j'aurais terminé je m'occuperai des minouchets. 

Le bonheur pour moi c'est de penser que Noël viendra quand il pourra mais que l'amour qui se concrétise par des cadeaux et des fêtes ce jour là, lui ne disparaitra pas.





Spleen.


 Adeline vient tout juste de se réveiller. Elle est en retard pour partir au travail. C'est la quatrième fois cette semaine et nous ne sommes que jeudi ! Le patron va encore gueuler. Il l'a prévenue, si elle continue, elle risque de gros ennuis. Cela la tracasse jour et nuit. Elle ne dort plus. Ne mange plus. Sa vie est un poison. Elle voudrait bien partir au soleil, mais prendre des congés en période confinée, elle ne veut pas gâcher encore une fois les promesses de belles futures journées. Bien sûr elle a la chance de ne pas pouvoir faire du télé travail. Mais qu'est ce que c'est lourd parfois ! Alors elle se laisse aller à s'évader. Ses pensées la submergent, elle ne peut que constater.

Pluie, vent, grondement de la terre. Ceci n'est pas un bulletin météo, mais le temps qu'il a fait hier et c'était son jour de repos. Ce matin, dans la fraicheur, la nature resplendit. Le soleil est de retour et diffuse une lumière bleutée. Adeline aimerait pouvoir en profiter.

Les chats, tout à l'heure, sont sortis.  Elle se dit qu'il lui faut en faire autant. Mais une longue et dure journée l'attend. L'énergie lui manque. Mais qu'est-elle entrain de devenir ? Mal au dos, mal partout, le sommeil qui ne vient plus la cueillir la nuit. Et elle qui tourne et retourne dans un lit que la moiteur d'une sueur permanente ne cesse d'imprégner. Elle  ne se plaint pas. elle aurait tort. La souffrance ce n'est pas ça. Elle  la voit sur le visage de ses proches. Elle la devine parfois au téléphone, dans un spam, dans un sanglot. Dans les yeux embués de larmes d'un enfant qui a tout perdu. Impuissante à la soulager. Alors elle se tait. Elle tait la fureur qui monte en elle et la ferait hurler de rage. Non pas ça.  Comment peut il être infligé de souffrir autant, quand plus rien ne soulage ? Et pourquoi, surtout. 

La vie est parfois garce. Et pourtant chacun s'y accroche essaie de la vivre à sa façon, de la manière la moins violente qu'il puisse. Elle se dit qu'au fond, il suffit de presque rien pour que tout change et s'illumine. Qu'elle pourrait être belle. Un mot, un sourire. Un enfant. Un passant. Un oiseau sur la branche. Une fleur au jardin et tout peut changer. Mais le sort, la maladie, l'instant où tout bascule, le même presque rien et tout s'écroule.

Elle a ses deux jambes, ses bras et toute sa tête, même si parfois elle dit qu'elle ne sert à rien. Lui manque cette espèce de piment qui vous donne la force, le goût et l'envie de faire, de rire, de vivre quoi ! Elle entreprend 36 000 mille choses qu'elle ne termine jamais. Elle commence ses jours dans l'ennui et les termine dans la fatigue. Fatigue d'avoir juste laissé couler les heures, parfois,  sans en avoir rien fait. Coup de mou ? Peut être. Voie sans issue d'une année sans perspective, sans joie, sans contact. Année blanche. Mais pas pour tous. La petite minorité de multimilliardaires qui s'est enrichie encore davantage cette année, n'a surement pas le même ressenti. Blanche ? Noire plutôt, bien noire même. Sacrément noire. D'une ténébreuse noirceur, pareille à celle d'un tombeau. Les jours plus courts, les nuits plus sombres aidant, c'est la vie qui s'achemine doucement mais surement  vers les ténèbres. 

Il faut te ressaisir, ma fille, se dit-elle, sinon tu vas sombrer et dure sera la chute. Si dure que pour te relever, tu n'auras pas assez de l'énergie qui fut la tienne, quand tu tenais à bout de bras ton entourage. Le portant sur les vagues d'océans de tracas, pensa-t-elle, encore. 

Elle a le sentiment qu'on nous a tout pris. Nos familles, nos proches, nos libertés, notre joie de vivre et même la douleur qu'on ne peut plus partager. Est ce ça un état d'urgence sanitaire ? Est ce ça vraiment ? Rendre les gens encore plus pauvres ? Encore plus malheureux ? Encore plus seuls ? Plus précaires ?  Tout ça pour vendre d'hypothétiques vaccins dont chacun ignore les effets, la dangerosité et l'efficacité ? Elle en a peur. 

Si tel avait été l'intention de préserver notre santé, se dit-elle, on aurait commencer par le début : donner les moyens aux soignants de soigner, plutôt que d'en supprimer chaque minutes, chaque seconde davantage. Dans son service, il manque 15 postes et de départs en démissions, chaque semaine le nombre grandit. 400 000 supplémentaires seraient nécessaires  dans les hôpitaux pour permettre  un fonctionnement normal des services, chaque jour et pas seulement pour soigner un type de maladie au détriment de tous les autres.  On aurait donné des moyens aux chercheurs de chercher et peut être auraient ils trouvé ? Qui sait. La science au profit de l'humanité. Pas aux profits de quelques nantis du CAC 40.

Effets secondaires d'une crise dont on nous cache le nom. Le véritable nom.  Une crise nommée capitalisme dans un monde ultra libéralisé et sans pitié. 

La perspective des fêtes de fin d'année ne la réjouit guère. Elle n'a personne avec qui partager. En d'autres temps, elle aurait été l'invitée de quelques couples, de quelques familles qui n'auraient pas eu le coeur de la laisser seule. Mais cette année ? Pas plus de 6 qu'ils ont dit. Les pleutres ! N'ont ils pas de famille ? Personne à aimer, avec qui rire et chanter ? Ont-ils seulement un coeur  ? Ils ont des intérêts et sont prêts à tout pour les préserver, surtout. Elle ne se fait pas de soucis pour eux, elle sait bien qu'ils festoieront grandement avec les meilleures tables à leur disposition, aux frais de la République qu'ils n'ont de cesse de mépriser, de piétiner et d'en détruire minutieusement les moindres des aspects. 

Elle, comme tant d'autres,  sera  celle qu'on laissera de côté plutôt que celle qui complètera la tablée. Comment pourrait il en être autrement quand de nombreuses familles devront choisir entre la grand mère et le petit dernier ?  Lequel sera laissé pour compte ? Lequel sera sacrifié ? Et comment le lui expliquer ?

 Elle se souvient quand étant gamine à la ferme de ses parents, le jour de Noël, aprés avoir déplié l'orange trouvée au petit matin, dans ses sabots, sa mère l'envoyait chercher le pépé Jean, cet être sans défense, chassé par tous, au prétexte qu'il était un indigent. Ce jour là même le chien avait droit à sa part de festin.

Mais elle arrête là ses déshérences. Elle va encore être en retard au travail. Pas même le temps de finir son café.

 La tasse posée là, d'un café brulant qu'elle n'aura  pas le temps d'avaler. Le sac  à côté. Elle cherche en vain les clés de son automobile, mais où les a- t-elle encore planquées ?

Prospections- rétrospection.

 J'enchaîne les lectures en ce moment. Aprés les dessous de la terre, j'en reviens à ce qui vit au dessus. Sous oublier que ce qui vit au dessus a aussi des racines. Profondes parfois. Ma cousine avec j'entretiens des relations suivies m'a parlé il n'y a pas bien longtemps d'un livre, dont le titre n'est pas du tout évocateur de ce qu'il raconte : Le jeu de grâce, d'un auteur que je ne connaissais pas : Christian Vialle et dont c'est le premier livre. L'histoire se situe au tout début du siècle précédant et nous raconte l'histoire d'une femme, sa mère qui a eu l'occasion de fréquenter la même école que nous. Empruntant des chemins familiers, évoquant des noms bien de chez nous et dont nous connaissons au moins les descendants. Nos racines terriennes nous poussant à de bien belles découvertes, nous remémorant des souvenirs inoubliables, nous avons cheminé ensemble le temps d'une matinée, par nos chemins creux. 

Que de souvenirs alors effleurés sont remontés en nous ! De notre berceau, au tombeau de nos aïeux. Des bois, des prés et des champs dont nous n'ignorons ni l'une ni l'autre la dure épreuve qu'il fut de nous en séparer. Pas plus que les lourds travaux de nos parents  et auxquels nous donnions souvent la main. 

J'aime ces échanges où nous partageons la même émotion, où nous parlons le même langage, le patois ayant fait place aux mots simples et justes de ceux qui ont vécu les mêmes choses, les mêmes épreuves et ont aimé les mêmes gens. 

Les pierres s'en souviennent. Nos écorchures intactes qu'elles ont à peine recouvert de mousse sont là pour en témoigner. Il n'est rien pour moi d'aussi précieux que ces bouts de mémoire que nous avons su en nous garder. 

Quand je reviendrais là haut, sur les terres de mes Enclos, je creuserai encore pour redécouvrir quelle fut la vie de mes ancêtres et pour trouver la force de faire perpétuer l'image des ces paysans fiers et droits qui nous ont laissé un héritage qu'il nous faut à tout prix préserver.




Il était une fois.