Vous avez vu le temps qu’il fait ?
Je sais que vous avez, comme moi, plein de choses a dire sur l’automne.
Sans allez jusqu’à citer « Ô bruit doux de la pluie par terre et sur les toits », si vous parliez quand même de « ce cœur qui s’ennuie » et de ce que suscite chez vous cette ambiance si particulière de l’automne si triste et si beau ?
Si j'ai vu le temps qu'il fait ? Non seulement je le vois mais il m'empêche de sortir ! Voilà une semaine et demie qu'il fait la gueule, on se demande bien pourquoi. Si la pluie était venue quand nous en avions tant besoin, pour nos cultures, nos animaux, nos nappes phréatiques et la nature, nous ne lui en voudrions même pas de s'attarder. Alors que nous avons toutes les raisons de lui en vouloir de nous avoir si longtemps boudés.
Moi l'automne, je l'aime chaud, avec ses couleurs, ses saveurs et ses odeurs. Couleurs d'un roux mélangé d'ocre, d'ambré et d'or, marbré du vert des sous bois, des conifères et des vallées.
J'aime la brume qui se forme aprés l'averse et vient en panache animés nos champs juste labourés. J'aime les frais matin qui annoncent une belle journée. J'aime quand une rosée blanche perle au pied des sapins, avant de disparaitre absorbée par la terre assoiffée.
Quand le soleil descend et s'attarde sur les crêtes, j'aime ressentir cette fraîcheur qui nous dit qu'il est temps de rentrer. J'aime le bruit des sonnailles que font tintinnabuler les troupeaux de retour à l'étable. J'aime le chant des corbeaux sur les plaines en quête des derniers épis sur la glaise retournée. J'aime l'odeur des sous bois parfumés des derniers champignons sous les fougères jaunies par les premières gelées.
J'aime la saveur, des châtaignes à peine délivrées de leurs bogues entr'ouvertes et qui piquent les pieds. J'aime le goût des raisins oubliés sur les ceps des vignes et les prunelles chapardées aux oiseaux dans les haies
J'aime ramasser les pommes tombées le long des fossés. J'aime retrouver de vieux pommiers aux branches lourdes de leurs pommes charnues et colorées, fruits au goût sans pareil, comme ceux qui garnissaient mon cartable le soir en rentrant de l'école ou ceux qu'on allait ramasser à Charel, ou aux Enclos et qui embaumaient le cellier. J'aime aussi le goût âpre du cidre tout frais tiré comme celui que mon père venait de presser..
J'aime le souffle du vent qui fait tomber les feuilles et son chant dans les arbres qu'il fait se courber.
J'aimais aider aux récoltes de pommes de terre et de navets. J'aimais le bruit qu'ils faisaient en tombant dans la cave quand on les déchargeait. J'aimais le pas lourd de mon père quand rentrant des champs, ses sabots chargés de terre résonnaient sur le seuil de notre maison. J'aimais entendre le jappement du chien qui le reconnaissait. J'aimais ressentir cet arc dans les reins quand je me relevais d'un travail pénible que j'avais effectué. J'aimais les longues promenades qu'on s'autorisait parfois avec ma mère, quand le soleil d'une aprés midi bienveillante nous les permettait et que les travaux des champs étaient terminés.
Aujourd'hui, c'est au cimetière que je vais les visiter. Cela me rend mélancolique et triste en pensant à tout ça. Mais j'aime les chrysanthèmes jaune, rouge, blanc ou violet posés devant leur porte, comme eux, pour les leurs, l'ont toujours fait.
Mais j'aime par dessus tout, ce calme qui s'étend sur les landes parsemées de bruyères en fleur et de genêts séchés. Parfois un groupe de chevaliers pousse généreusement à leurs pieds, plus loin, c'est un rosé des prés, un cèpe ou une poignée de mousserons qui viendront agrémenter le repas du soir, que l'on prendra ensemble, juste avant la veillée.
J'aime toujours autant l'automne, ses couleurs, sa générosité et ses longues et belles soirées.