Évidemment, cette toile de Thierry Duval me rappelle quelque chose.
Mais à vous ?
Rappelle-t-elle quelque chose qui commencerait par « La joie venait toujours après la peine ».
Et
si en plus votre récit se clôt sur « Pendant quelques heures, nous
posséderons le silence, sinon le repos. Enfin ! » ce sera parfait.
À vous de jouer !
À lundi.
La joie venait toujours aprés la peine. Cela peut être déroutant, voir culpabilisant mais les peines même les plus grosses ne peuvent dispenser de quelques instants de bonheur parfois même de trés grands... La vie est ainsi faite. C'est ce que venait de me dire madame doc gynéco, alors que je sanglotais à gros bouillons en recevant la nouvelle de l'arrivée future d'une petite graine qui poussait déjà dans mes entrailles. Marchant le long des quais de la Seine, je pensais à mon père qui venait de nous quitter. Le printemps s'annonçait doux, nous étions fin mars et les arbres déjà avaient leurs premières feuilles. Comme la vie qui poussait en moi, ils renaissaient du long hiver qui les avait dépouillés de leurs attraits. Moi j'étais triste. Il faut dire que cette tristesse ne m'assaillait pas par hasard. Une certaine culpabilité en découlait que je ne parvenais pas à maitriser. Selon les anciens, qui le répétaient souvent quand une lumière s'éteint, une autre s'allume. Je pensais sans cesse à ce moment où je l'entendis de la bouche de mon père. Mon grand père, son père à lui, venait de s'éteindre. 8 jours plus tôt une petite loupiote s'était allumée. Nous savions que le vieil homme allait bientôt partir. Mon père nous répéta souvent que cette nouvelle lumière allumée dans la nuit, remplaçait celle qui venait de s'éteindre. C'est ainsi que ma petite soeur endossa le message et ne se vit qu'en remplaçante, toute sa vie, et encore aujourd'hui. Je me disais que moi, en choisissant de donner la vie, c'est la mort que je provoquais. Je ne parvenais pas à me défaire de cette idée. Plus le temps passait, plus je culpabilisais. Si bien que lorsque le grand jour arriva de ma délivrance, en voyant cette petite être si fragile, je crus lire en elle tant d'inquiétude, tant de souffrance, celle que malgré moi, je lui avais faite porter et je culpabilisais davantage encore. De ne pas être à la hauteur, de ne pas avoir consacré plus de temps à préparer sa venue, de l 'avoir laissée seule et démunie pendant que dans mon ventre, elle grossissait, de ne pas l'avoir aimée plus alors qu'en devenir, déjà elle ressentait le poids de tout ce qui l'entourait, d'avoir fait peser sur elle une chose si lourde... J'étais LA mauvaise mère, celle par qui le malheur arrive et se perpétue. Celle qui, égoïste n'avait pensé qu'à sa peine et pas au bonheur nouveau d'être ensemble avec cette nouvelle personnalité. Que tout cela n'allait pas l'aider à grandir... et malgré moi je la surprotégeais, n'arrivant plus à m'en détacher, aggravant par là même le problème de fusionnalité. Car fusionnelles nous l'étions désormais. Longtemps aprés nous le sommes restées. Peut être même, sans doute, sans aucun doute, nous le sommes toujours.
Il m'arrive encore aujourd'hui de penser à tout cela et de me dire qu'au fond si les choses étaient ainsi, ce n'est pas le verre à moitié vide, qu'il faut voir mais au contraire, la fin étant inéluctable, la naissance est l'éternel recommencement. Elle ne remplace pas l'absence, elle ne comble pas un vide, elle est la source du bonheur inépuisable, celui sans lequel on ne peut avancer. C'est le sens profond des paroles de mon père : la joie vient toujours aprés la peine. Imprégnons nous en. Pendant quelques heures, nous
posséderons le silence, sinon le repos. Enfin !