Les portes ont toujours suscité chez moi des questions ou donné des ailes à mon imagination.
Petites ailes certes et j’espère que les vôtres vont se déployer largement d’ici lundi…
Racontez des histoires s’il vous plaît.
Nous en avons tous besoin…
Ouais ! nous en avons tous besoin, encore faudrait il savoir ce qui se trame derrière !
Cette porte en haut de ce vieil escalier me rappelle des souvenirs.
C'était en 1976. Je venais de ma petite province tranquille où, le pensais je alors, il ne se passait rien, ou pas grand chose. En tout cas rien d'extra ordinaire. Moi pour qui il n'était pas question de rester à la ferme familiale, c'était une aventure. je venais de recevoir ma nomination pour cet ailleurs que finalement j'avais un peu hâte de découvrir. Tel que je l'imaginais alors, ma vie allait devenir palpitante. Je ne savais pas encore à quel point tout ce que je venais de quitter allait me manquer et combien j'aurais le coeur serré rien que d'y penser.
Aprés un court séjour dans la capitale, en compagnie de ma cousine Michelle, j'avais découvert Montmartre, le Sacré Coeur, plus exactement, car Montmartre, j'allais le découvrir quelques 5 ans plus tard, pour de bon, pour de vrai et sur son autre versant. Nous avions décidé de nous poser une semaine afin de découvrir Paris et puis nous étions rentrées chez nous. Elle à la ville, moi aux champs pour profiter pleinement de cet automne, le dernier. Comme d'une dernière moisson.
J'avais retrouvé mon cocon familial, mes habitudes, mes certitudes. Et puis, un matin de novembre, mon père m'avait accompagnée prendre l'autobus, celui qui venait d'Ambert pour se rendre à Clermont.
"Va me dit-il, ne te retournes pas". Il m'avait raconté comment, lui un matin de septembre, il avait pris ce même autobus, et comment arrivé en haut du chemin de la Maillerie, sans se retourner, il avait continué sa route, car me dit il, s'il ne l'avait fait, il serait revenu sur ses pas. Arrivée à Clermont, ma petite valise si lègère mais mon coeur si lourd, je pris le train. Sans rien manquer du paysage, j'arrivais le soir à Paris gare de Lyon. Demain était un autre jour. Aprés une nuit à l'hôtel, je pris le métro pour Montparnasse, où j'allais connaitre ma nomination. Nous étions nombreux à attendre dans la grande salle de la direction. On nous attribua nos places, nous indiqua un foyer où nous pourrions rester trois mois avant de devoir le quitter et nous trouver un logement.
Si j'en ai visité des logements sans le moindre confort ! Des petits trous à rats, où on avait posé un fauteuil convertible, vous savez un de ces objets en simili comme on en trouvait dans les années 50, en guise de lit, il avait dû être neuf un jour et appartenir à un ensemble dont le canapé son frère avait probablement connu le même sort pour un appartement de quelques m2 de plus, logeant un couple. Sans chauffage, sans eau, avec un robinet commun sur le palier, dans un cagibi servant de toilettes, par la même occasion. Je me souviens de celui là particulièrement car le lieu était en plus, sordide.
Et puis j'avais trouvé cette chambre de bonne composée de deux pièces meublées avec un coin cuisine. Le grand luxe ! Dans le 12ième, prés de la porte Dorée, un quartier plaisant et aéré avec sa petite ceinture, son métro aérien, ses immeubles cossus, pas loin de chez Maria la cousine de maman, à qui j'allais rendre visite de temps en temps.
C'est dans cette chambre de bonne, perchée sous les toits, que j'ai fait mes premiers pas.
J'y suis restée 2 ans avant de me voir attribuer un vrai logement, par les services sociaux de l'administration qui m'employait.
Maria voyait bien que je me languissais. D'ailleurs je ne lui cachais pas mon tourment quand nous évoquions Charel, ma petite Zibeline, maman, mes vaches et mes Enclos, là où j'avais usé mes premiers sabots. Que de fois j'ai pleuré en repensant à eux !
Mon père, mes soeurs et frère me manquaient, mais pas de la même façon. D'ailleurs mon frère et mes soeurs, aussi étaient déjà partis. Ne restait que la petite dernière à qui maman s'accrochait. Zibeline : moi la grosse, elle la petite, deux soeurs pareilles et différentes à la fois. Elle m'écrivait souvent me parlant de son école, de la maison et de l'étable, j'avais une telle hâte de recevoir ses lettres ! (tiens d'ailleurs cette nuit j'ai fait un rêve dans lequel la concierge de mon immeuble me remettait des lettres. Des lettres que j'attendais.)
Je n'ai jamais coupé le lien qui me relie à mes racines. Moins pesante aujourd'hui, j'en ai toujours la nostalgie.
Je suis une fille de la terre plus qu'une citadine. Je suis farouchement attachée à elle. Pourtant sans l'opportunité de quitter mon lieu dit, je ne serais probablement pas celle que je suis aujourd'hui. De cela j'ai bien conscience et je remercie la vie de la chance qu'elle m'a donné.