Mais qu'a bien pu écrire Paul Smitger à Miss Sarah pour qu'elle soit si en colère ?
Tens ? Une lettre de ce cher Paul. Voyons que me veut il encore ? La dernière fois c'était pour me réclamer la pension de sa mère, au prétexte que nous sommes toujours liés par ce foutu contrat, où nous nous serions soit disant promis assistance mutuelle en cas de défaillance de l'un ou de l'autre. C'était la condition pour toucher l'héritage. Jusqu'à présent, je n'ai guère connu de défaillance en ce qui me concerne. Par contre lui, c'est déjà la troisième fois qu'il me fait le coup.
La première fois, c'était pour assurer l'entretient de la maison. La toiture qui fuyait et une canalisation défectueuse. Il est vrai que cette maison dont nous avions la charge n'était pas de la première jeunesse. Depuis le décès de l'oncle Jacques, dont nous étions les seuls héritiers, la maison n'avait pas connu d'occupant, même à titre gratuit. Les hivers s'étaient succédés de même que les automnes venteux. Certaines tuiles s'étaient envolées, les soudures avaient pété sous l'effet du gel et lui, raide comme un passe lacet, ne pouvait pourvoir à la moindre dépense. C'est donc moi qui avait pallié à son état de carence en la matière. Cependant, j'ai pris soin de faire consigner la chose chez un huissier, on ne sais jamais. Je te rembourserai, foi d'animal m'avait il dit. Tu parles, Charles, cela fait dix ans à peu prés et j'attends toujours mes deniers, capital et intérêts !
La deuxième fois, il ne pouvait pas venir tailler les haies, il a donc fallu que je prenne une entreprise de jardinage pour couper les branches qui débordaient sur la chaussée. Là encore, il devait participer au frais engagés. Que néni ! pas le moindre centime qu'il m'a versé. J'ai soigneusement archivé la facture, avec toutes les autres, et le jour où la maison se vendra, je ressortirai soigneusement le dossier, faut pas poussé la vieille dans les orties, non plus ! ! Puis il y a eu cette histoire de madame sa mère, cette femme à qui je ne doit absolument rien vu qu'elle n'est que la deuxième épouse de son père, un frère de l'oncle Jacques qui m'a plus ou moins élevée à la mort de mes pauvres parents.
Je n'ai rien voulu entendre, qu'il se débrouille avec ses deniers à lui et ceux de sa chère Elysabeth, puisque "mère" n'en avait que pour eux. Enfin ça c'était avant. Avant qu'elle ne soit atteinte de la maladie d'Alzheimer et qu'elle ne se souvienne plus ni d'eux ni où elle a planqué le magot. Sauf que si elle ne se souvient plus, je présuppose que eux, savent trés bien chercher et ne manqueront pas de se servir avec la parcimonie qu'on leur connait, naturellement. Enfin, le centre de soin, réclamerait une copieuse somme à ce qu'il se raconte. La pension n'a pas été payée depuis plusieurs mois, alors !
C'est surement l'objet de ce courrier. Mais je ne l'ouvrirai pas. Cette affaire ne me concerne pas. D'ailleurs je me demande si je ne devrai pas l'adresser à mon huissier. A puis non, je vais la faire bruler, tiens ! ni vu ni connu. Personne ne saura si elle a bien été acheminée jusqu'ici. Par contre, il faut absolument que je lui fasse savoir qu'il a épuisé tous ses droits à partage avant qu'il ne soit trop tard.