Je m'présente je m'appelle Henry. Henry-Martin Gall. Je ne suis pas prince, ni ministre, ni esclave. Mais chômeur. Comme chacun, je cherche du travail.
J'espérais en trouver ici, ou là. Ailleurs ou là bas. Monsieur le président, je vous fais une lettre que vous lirez peut être si vous avez le temps. Je ne suis pas bêcheur, je suis horticulteur. Ce qui ne signifie pas que je cultive des orties comme le présupposent vos gens de cour, vos gens de biens, ni que je sois propre à rien, ni à jeter ou mettre au placard.
Partout où j'ai cherché dans les rues, dans les bistrots dans les hôtels ou dans les bars, on m'a dit de repasser plus tard. J'ai pointé mon regard de l'autre côté des champs, pas ceux que je pourrais cultiver pour nourrir mes espoirs. Mais du côté de ceux où règne le pouvoir, où un roitelet de circonstance m'a dit : "motivé, motivé, tu es motivé et bien bien de l'aut' côté d'la rue va, t'faire voir !
C'est donc pour ça que je suis là ce soir. J'ai cherché partout, j'ai écumé les rues, de celle des Filles du calvaires à celle des Trois Frères, tout au long du chat noir, et à Montmartre, le soir. Je suis même aller aux Deux Frères.
Dans les cuisines de Jupiter où j'ai traversé l'enfer, en passant par quatre chemins mais de Carrefour à Bagatelle, des embuches, pas d'embauche et à chaque fois la sempiternelle rengaine : il n'y a rien pour toi, trop jeune, trop vieux, trop diplômé ou pas assez cultivé. Trop gros, trop mince, trop long, trop fin, trop pâle ou trop bronzé, c'était à n'y comprendre rien. Dans les tavernes, dans les troquets, dans les alcôves du pouvoir partout le même plat m'était servi en entrée et en sortie : Feignant, propre à rien, profiteur pauvre gueux, vieux pouilleux, alcolo, t'es de la racaille, tu fumes, tu bois, plus que tu travailles. Tu n'es rien, rien qui vaille, tu ne sais rien, tu ne vaux rien, vaurien, tu es vaurien !
Alors j'ai repris mon chemin, d'allées en boulevards, de ruelles en venelles, j'ai repris ma marche incertaine vers un destin commun à prés de 6 millions d'autres. Au bout du bout, des gens chantaient : les aristos c'est de la canaille, ça triche, ça pollue et ça fait ripaille. Les aristos c'est de la canaille, ça nous plume, ça se gave et ça nous mitraille... J'ai repris en choeur le refrain et j'ai ajouté un couplet : "Moi je voudrai cultiver des jardins, des jardins où pousse des pommes de terre car j'en ai marre des salades de jupiter. Moi je voudrai cultiver des jardins où les oeillets sont rouges et verts, parfumés de sueur. Moi je voudrais cultiver ma terre, celle des hommes pas celle de jupiter..."
D'autres m'ont suivi et avec moi ont marché en chantant dans les rues, les sentiers et même sur les trottoirs des grands boulevard, et ça c'était drôlement beau à voir.
L'un d'eux a dit je veux être celui ... qui vous rendra votre dignité, nous allons aller ensemble vers un sixième chemin, celui du bon sens ... Il avait le regard clair, le verbe simple, les mots humains et au bout du chemin, tout au bout, il n'y avait pas de rage, pas de colère, il y avait ... l'Espoir.