C'était samedi. Un samedi ordinaire où tous en famille on venait de terminer de déjeuner. Après avoir regardé Petit Poney faire la vaisselle, plus que de l'avoir aidé, nous partîmes en balade profiter du soleil et de la belle journée. Des chevaux galopaient au milieu des prés. Un chat blanc et roux se frotta aux jambes de la Ponette, un chien baveux vint enlacer Petit poney qui ne sachant plus comment s'en défaire, choisit de le laisser l'embrasser. Mes belles Rousses au poil frisé pâturaient une herbe rase et sèche où la motte affleurait.
Quand nous revînmes au logis, le Patou et son fils avaient quitté les
lieux.
A peine quelques minutes aprés notre retour, le Patou revint de
chez Casto ou Brico, où mécano, ou je ne sais trop quel mot en o dont il
est familier. Le grand air lui faisant défaut, il partit au jardin. La
lune ayant terminé son noeud, (il ne faut pas jardiner si noeud lunaire
il y a, c'est le précis du guide Clause qui le dit, alors !) il sema ses
petits pois. Dans quelques mois, nous allons donc pouvoir manger autre
chose que les balles de fusils que j'ai acheté chez Grand Frais et qui
ne voulait pas cuire !
Mais pourquoi je vous raconte tout ça, moi ? Je voulais juste vous dire que j'étais contente d'avoir mes petits et que je fus trés triste quand ils sont partis !
Ben oui, Poney et Ponette de leur côté et mon grand chez lui, là bas, dans mon pays.
Mais pourquoi ils me manquent tant ?
Du coup j'en ai profité pour terminer le pull de la Ponette. Je l'ai même lavé et même qu' un orage de grêle (giboulées de mars !) s'est chargé de le rincer copieusement.
Comme d'habitude quand je mets mon linge dehors, il m'arrive des bricoles. Si ce n'est pas les voisins qui l'enfument, ce sont les paysans qui le parfument et là madame est servie ! purin d'un côté, matières plastiques carbonisées de l'autre, cachés dans un recoin du hangar de l'empereur, verts résineux qui fument à profusion sur le terrain squatté par le marquis, et dont le vent transporte les cendres je n'ai plus qu'à recommencer et faire sécher à l'intérieur ! le comble quand il fait beau. Donc hier, le voisin au boulot, le marquis dans sa tour, ne restaient plus que les paysans qui avaient déjà fumé leurs prés, j'ai tenté mes lessives, pas de bol, grosse pluie abattit grand vent. Qu'importe nous sommes tous en vie !
Samedi c'était aussi un anniversaire. 28 ans qu'il est parti. C'était un deux mars. Je ne l'ai pas oublié. Tous les détails encrés dans ma mémoire. Les larmes. La douleur. La séparation. Le retour à la maison. Les volets fermés oubliant que la vie continuait. Tout. J'ai tout gardé.
28 ans aujourd'hui qu'il repose dans son dernier habit.
Sous un soleil radieux, nous l'avons accompagné. Le fourgon marchant premier, ma soeur aux premières loges. Nous derrière. Arrivés au tournant des Bèzes, de gros sanglots montèrent en moi. C'est alors que je réalisai que pour lui, c'était la dernière fois. Lui qui tant de fois avait franchi ce tournant, tant de fois gravi la rude côte qui monte aux champs de la Bugette puis s’adoucit jusqu'au Lavadour pour remonter sur quelques mètres jusqu'à la route de Lospeux. Passant par la Pinatèle où il fallait faire la trace les mois d'hiver tant la neige était épaisse. Nous avions choisi cette fois de passer par le moulin de Géry, nous n'étions pas pressé de l'emmener et voulions rester le plus longtemps possible derrière lui. Lui qui tant de fois nous avait montré le chemin. Tant de fois nous avions mis nos pas dans ceux de ses sabots ! Lui qui disait toujours avec regret et contrariété :
"Il faut encore que je passe le premier"
Une fois de plus, il est parti d'abord. Laissant la Francine loin derrière lui. Ils étaient du même age. Non. Elle avait un an de plus.
Non je n'ai rien oublié.
Hier son premier petit fils avait 40 ans. J'y ai pensé toute la journée, mais ce n'est que ce matin que je lui ai envoyé un message pour lui souhaiter. "Bon anniversaire, mon grand". Je sais que tu ne me liras pas. Mais je pense quand même à toi.
Bisous, si quelqu'un me lit et le lui dit.