Champagne !

Je me rends subitement compte que nous sommes vendredi, qu'il est 17 h 15 et que depuis le devoir de lundi, je n'ai rien écrit cette semaine. Cela n'est pas grave en soi et je ne vous sais pas si impatient non plus. Pas eu d'occasion de le faire, rien de particulier ne s'étant produit. La routine quoi ! la routine routinière d'une semaine quelconque où il ne se passe rien. Enfin ce fut vrai jusqu'à hier, mais hier, je me suis dit je raconterai demain car , car... la journée n'est pas finie ! Black Friday, qu'ils ont dit les américains, grand connaisseur de ce qui est black et de ce qui ne l'est pas. Surtout de ce qui ne l'est pas d'ailleurs.  Donc hier,  ceci : écrit en tout petit sur mon téléphone portable avec cette toute petite phrase :



Donc le friday qui comme son nom l'indique est le jour du poisson, ne fut pas black, mais plutôt rose. Rose pale peut être, compte tenu du temps que cela à pris : 5 ans et demi quand même. On était au courant, mais quand même ! On va surtout dire qu'on est patient, trés patient même !
 
Donc, le champagne, on ne l'a pas bu sur le champ, car la journée était seulement à son zénith et surtout la lauréate en question, avec qui on aurait volontiers trinqué, était à son travail. On aurait pu le boire aujourd'hui, remarquez. Mais d'autres raisons ont fait que. Alors,  Champagne ou pas ? Ben on va dire qu'à chaque fois que j'aurais eu l'occasion d'en boire une petite coupe, une raison poussant l'autre, il s'en est trouvé une  en trouble fête, pour ne pas profiter de la fête.  Et ce matin, le réveil difficile même sans champagne, mais avec des cauchemars me vit assez peu prompte à en boire un verre au petit déjeuner. Je remarquais que Petit Lion n'était pas venu ni cette nuit, sur mon lit, ni dans la cuisine réclamer sa tartine. Je m'inquiétais donc et le découvris groti sur le fauteuil, l'air souffrant et misérable. Le temps de trouver un vétérinaire, et la journée, a filé comme une étoile filante en plein mois d'aout. Examens, analyses, radio, rien de concluant, 200 euros en moins, nous en sommes toujours au même point.
Et bien vous voulez que je vous dise ?  Le champagne on va le boire , et pas qu'un peu, tiens ! on ne va pas attendre qu'une raison encore plus mauvaise nous tombe dessus, et puis, hein, on a bien assez attendu, non ?
 Et puis aussi, hier soir, dans mon petit bled, 


Parmi toutes les chansons, magnifiques et magnifiquement interprétées, certaines   me parlent particulièrement en ce moment  et n'ont pris aucune ride. Mais j'aime particulièrement celle là.  Gilles Servat, Un artiste comme il en reste encore.
 La première fois que je l'ai vu, c'était il y a si longtemps, sur la scène du théâtre de verdure à la fête de l'Huma, à la fin des années 70 ou début 80 ? La première fois que je l'ai vu dans mon petit bled, c'était il y a 19 ans, la Ponette était toute jeune et s'en souvient encore.

Souvenirs du temps passé

Quelque chose m’est suggéré en regardant cette toile.
Mais vous ? Que vous dit cette toile ?
Si voulez bien faire ce « devoir de Lakevio du Goût », commencez-le par cette phrase « J’ai arpenté pendant plusieurs jours le XVIème arrondissement, car la rue silencieuse bordée d’arbres que je revoyais dans mon souvenir correspondait aux rues de ce quartier. »
Et closez le par « Ce fut un chagrin désordonné. »


J'ai arpenté pendant plusieurs jours le XVIème arrondissement, car la rue silencieuse bordée d'arbre que je revoyais dans mon souvenir correspondait aux rues de ce quartier.
J'avais été nommée, suite à un concours des PTT, dans le rue de Jasmin, il y avait bien longtemps maintenant.  Désoeuvrée, comme la plupart de celles qui comme moi avaient atterrit ici, je me baladais l'âme en peine dans les quartiers  huppés où rien ne m'était familier. Nous étions fin novembre. Je venais de quitter mon village, que la neige recouvrait déjà et je recherchais l'illusion de mon pays abandonné. Je marchais sans but et passais de villa en villa, de jardin arborés en jardins d'agréments sans vraiment faire attention à ce que je voyais. Ce monde n'était pas le mien. Rien ici ne me parlait, n'évoquait mes hivers sur la neige gelée quand par temps de froidure il fallait aller chercher le pain ou quelqu'autres denrées dont nous devions nous approvisionner. Ici pas un oiseau ne chantait, pas une bête apeurée. Plutôt que de s'enfoncer, légers dans la poudreuse fraichement tombée, mes pas sur le béton résonnaient. Je repensais à la grande maison qui bordait le chemin de notre école et je revoyais la propriété toute bordée de lilas, des blancs, des mauves, des violets et son hôte toujours bien habillée, nous saluer au passage. Je revoyais la vieille Francine monter le chemin jusque chez Borvo pour nous préserver des galopins et nous offrir un carré de chocolat qu'elle avait pour nous garder bien au fond de sa poche. Parfois, on redescendait jusque chez elle, où l'Ambroise, son homme, nous faisait déguster une poire cuite en guise de goûter. Ces moments chèrement enfouis au fond de ma mémoire me ramenaient inexorablement à mon enfance, que j'aurais voulu voir s'éterniser. Quand je réalisais enfin où je me trouvais, je n'avais plus de courage, j'avançais sans vraiment savoir où aller. Je repense parfois à ce temps si lointain. Il m'arrive aussi de retrouver des émotions alors éprouvées. Je ne saurais les décrire maintenant car tant d'autres les ont remplacés. Les évoquer ici ne me fut guère  salutaire, tout se mélange à présent, mais je retrouve parfois l'impression que cela me procurait. Et cela je peux vous le dire. Ce fut un chagrin désordonné.




Couleurs.

Il est revenu (non pas le temps du muguet, mais il reviendra !) le soleil avec les premiers frimas. Moins un ce matin quand j'ai pris la voiture pour emmener Ti-Lion  se faire opérer (non pas de l'appendicite ! m'engin !). Son copain Flocon le cherche partout, tout surpris de ne pas le voir lui sauter dessus et sa copine Plume travaille pour rien en lui rapportant des souris.

 Le givre a fait son apparition et j'en ai profité pour aller faire quelques photos. Je suis descendue au vieux moulin. J'ai pataugé dans les mouillère. Puis je suis allée voir un autre moulin. Deux heures de marche et les pieds trempés. Cela fait du bien de revoir les ruisseaux et les rivières bien alimentés. 












C'est une journée agréable et je suis contente qu'elle soit belle, avec de vraies couleurs d'automne. Par contre je suis un peu déçue, il a beaucoup plu, les feuilles sont restées vertes et elles commencent à tomber sans s'être endimanchées.

Des racines et des ailes.

Nul ne guérit de son enfance, c'est ce que disait un prêtre, ce matin dans une petite église de province. Nul ne guérit de son enfance. Et c'est bien vrai. Nul ne guérit de son enfance et ils étaient des milliers à l'écouter. Nul ne guérit de son enfance, et nous sommes tous là pour en témoigner.
La mienne à courir dans les champs, pour une fleur, un papillon, mais pareille à la sienne quand faite de sueur et de terre, de sang qui se mélange à la terre par un genou écorché, par une blessure encore mal cicatrisée.  La mienne prés d'un char de foin, ou de bois qu'il fallait charger puis tirer, pareille à la sienne pour le pain si durement gagné. La mienne aux profondes racines, tout comme la sienne à celles qu'il a toujours gardées.
Quand il lui poussa des ailes et qu'il s'envola vers les sommets, je le suivais dans ses échappées belles et de loin je l'admirais. Comme des milliers qui sont venu le saluer, pour son dernier sprint sur sa dernière ligne d'arrivée.
Ce matin dans et autour de la chapelle de Saint Léonard, des fleurs. Des fleurs par dizaines de milliers. Il y pleuvait des larmes, des larmes et des fleurs pour l'accompagner. Si des officiels étaient là pour se faire mousser, tel les ministres, qui peut être, sans doute,  entendaient parler de lui pour la première fois, mais savent par nature, bien se placer au bon endroit et au bon moment,  il y avait surtout la foule qui l'avait si souvent acclamé. Cette foule qu'il ne manquait jamais d'honorer, de gratifier. Cette foule immense venue une dernière fois le saluer.
Ce matin, ses racines une dernière fois ont pris leurs ailes. Ces racines d'homme de la terre, qui ont creusé profond pour ne jamais perdre pied. Nul ne guérit de son enfance, pour savoir d'où l'on vient et savoir qui l'on est,  ça il ne l'a jamais oublié. C'est aussi ce la légende retiendra de sa fabuleuse destinée.

Adieu Poupou, tu resteras dans l'histoire, quand tant d'autres couverts de gloire seront oubliés.



Raymond tout simplement.


J'aimerai que vous me parliez de vélo, nous dit le Goût pour cet atelier du lundi.
Parler de vélo en ce triste jour, veille des obsèques de Poupou, voilà qui n'est guère facile, sans parler de lui.
J'avais 7 ou 8 ans quand j'ai commencé à m’intéresser  à la petite reine, et à ces beaux champions dont j'entendais les noms à la radio. Ma mère, elle aussi passionnée par les exploits des frères Magne : Pierre et Antonin, des frères Maès : Sylvère, Charles et Romain, ou Bartali, qui faisaient la gloire du temps de de sa jeunesse. Puis des dynasties suivantes : Bobet : Jean et Louison,  Géminiani : Angello et Raphaël, Fausto Copi, Robic,  Anglade...
Elle nous racontait comment au retour de l'école ou au retour des champs, quand venait l'heure du midi, ils se précipitaient son frère et elle sur la porte de leur voisin pour emprunter le journal qui en dépassait, afin de découvrir les dernières nouvelles du Tour de France.
Plus tard, elle  ne manquait jamais de se renseigner et de nous renseigner sur les arrivées d'étapes du Tour.   Celui ci ayant toujours lieu en juillet, au moment des gros travaux de la ferme, mais aussi des grandes vacances, elle se détendait en écoutant un peu la radio, tôt le matin ou tard le soir. Nous écoutions avec elle, parfois,  et nous passionnions pour les exploits des géants de la route. Moi j'aimais bien Bahamontès, l'aigle de Tolède, qui s'envolait dans la montagne. J'ai toujours aimé passionnément la montagne.
Puis il y eut Poulidor. J'ai toujours en tête cette image parue dans les journaux de l'époque,  où on le voit près d'un lourd char de foin, accompagnant ses boeufs. Plus loin une autre page le montre en compagnie de ses vieux parents, Martial et Marie, autour de la table familiale dès le retour des champs. Ces images me parlaient tellement ! Symboles de la rudesse de la condition paysanne qui était la notre. Symbole de l'humilité  et du dénuement.
En ce temps là, nos idoles sportives étaient issues de milieux modestes. Bahamontès était un simple ouvrier agricole, Walkowiack un ouvrier d'usine, et Poulidor un  métayer des hauts plateaux du Limousin, terre acide de bruyères et pins.
Je me revois enfant, courant dans la campagne avec mon chien, un bout de bois en guise de guidon et rêver que moi aussi je réalisais des exploits. Parfois j'étais coureur avec plein de talents. Je rivalisais  avec ou j'étais l'un d'eux, parmi les meilleurs. C'est fou ce qu'on peut faire quand on est enfant !
Et puis j'ai grandi et je n'ai plus joué. Mais j'ai toujours gardé ma passion pour la montagne, pour le grand large et pour mes beaux champions. Avec notre voisin Charles, quand nous fanions son champs d'où on aperçoit si distinctement le Puy de Dôme, nous nous amusions a deviner leur silhouette en écoutant les étapes de la grande boucle, sur le  transistor que j'avais reçu en cadeau de communion. Nous, notre idole, c'était Poulidor et nous avions mal quand il souffrait. Nous étions heureux quand il gagnait, triste quand la guigne le poursuivait. Chacun de ses coups de pédale nous transportait.
Un jour avec mes petites soeurs, nous avons pris le car qui descendait sur Clermont. De là nous sommes montées à pied, sur le Puy de Dôme afin de  le voir passer et de l' encourager. Même si  l'instant fut bref, mais ma joie fut si intense que je l'éprouve encore aujourd'hui avec un pincement.
Poupou, je savais tout de lui, le nom de sa femme de ses enfants et même de son chien. Ma collection de ses  photos rivalisait avec  celle des photos de mes vaches. Bref, si les comices agricoles avaient lieu en même temps qu'une course cycliste à laquelle participait le champion, le journal de mon père ressemblait à une passoire avec d'énormes trous.
Quand mon père hérita d'un oncle, de sa vieille voiture, il interrompait les travaux des champs pour nous conduire sur l'étape du tour qui passait prés de chez nous. On emmenait parfois  Charles avec nous. Nous assistions au passage de la caravane et attendions impatiemment. Soudain c'était la rumeur parmi la foule : "ils arrivent, ils ne sont pas loin", entendait-on comme un murmure qui courrait à la vitesse du vent. La clameur "Aller Poupou" gonflait alors et apparaissait le peloton
 dans un panache en long ruban, de jaune, de rouge, de vert et de multicolore, ne laissant qu'un ciel de traine,  une illusion.
Le cyclisme en ce temps là, était la consécration, l'oeuvre des pauvres et chaque foyer modeste s'en sentait plus grand.  Les exploits de Poulidor représentaient  notre revanche à nous, les sans.
Il était bien l' un des nôtres, nous le reconnaissions et si tout le monde ou presque, aimait Poupou, ici, pour nous, c'était Raymond, tout simplement.


Au revoir.

Je l'avais vu en septembre dernier, sur ses deux roues,  dans un fauteuil, pas un de ceux où il avait si souvent été, non, un de ceux où on ne se réjouit pas d'être assis, à la merci de n'importe quel convoi. Il traversait le hall de l'hôpital, poussé par un serviteur comme on en trouve dans les hôpitaux. Pas un de ceux qui le poussaient naguère quand dans les cols il lui arrivait de dérailler. Pas un de ces vaillants guerriers  que l'on nomme "équipiers", toujours présents à ses côtés. Un de ceux qui restent dans l'ombre et qui pourtant jouent un rôle majeur, roulant jusqu'à l'épuisement et parfois bien davantage encore. Mais un de ceux appelés ambulanciers. La foule indifférente ne criait pas "Allez Poupou". Pourtant ! Combien il aurait mérité d'encouragements à ce moment où l'on sent la vie vaciller. Je l'ai regardé, prête à lui jeter des fleurs, à l'embrasser. Mais je me dis que je lui devais le respect et que sans doute, dans ces circonstances, il n'aspirait qu'à un peu de tranquillité.  Je le laissais donc filer avec toute la pudeur des grands, comme il l'a toujours été.
Quelques temps après j'appris par la télé qu'il venait d'être hospitalisé, dans l'hôpital de son village et qu'une immense fatigue le tenaillait. Puis la presse se fit discrète, de lui, on entendit plus parler. Jusqu'à hier. Jour fatidique où l'histoire a basculé.
Que dire encore de lui ? A part ce que tout le monde dit  et sait : qu'il était un grand champion, un homme hors du commun. Oui, on peut le dire et on le dira longtemps. Longtemps sa voix nous accompagnera. Longtemps son sourire bonhomme nous poursuivra. Longtemps de  sa gentillesse et de sa sympathie on se souviendra.
Je le revois, simple et modeste, homme de la campagne, paysan sans terre accompagnant ses boeufs sur cette terre de misère où l'Homme a tant de peine à arracher sa subsistance. C'est ce qui me fit aimer cet homme, l'admirer, le respecter. Cet homme humble qui gagna sa première course sur le vélo de sa grand mère. S'il en gagna beaucoup d'autres, ce fut à la force du jarret. Sa gloire, sa popularité, il ne les devait à personne. Lui seul en était l'artisan.
 Je le revois encore, en ce 4  décembre 2015. Nous commémorions le 120ième anniversaire de la création de la CGT. Une course était organisée pour l'occasion. De bonne grâce, il s'était prêté à la cérémonie et était venu en donner le départ aux côtés de notre secrétaire général, Philippe Martinez. Tous deux avec une grande  gentillesse et dans la plus grande modestie avaient pris le café avec les camarades. Il resta avec nous un long moment,  à échanger, discuter, partager. Sa grande sagesse lui conférait une philosophie dont bien d'entre nous devrions nous inspirer. Le monde en serait bien meilleur et plus simples nous rapports à autrui.  Puis il était reparti, comme il était venu, son journal sous le bras, aprés un dernier signe de la main pour nous remercier.  Il était ainsi Poupou. Nombreux sont ceux qui garderont longtemps son souvenir, et seront fier de l'avoir un jour croisé.
 Homme du peuple, Homme de la rue, fils de la terre et de la foule, tu vas nous manquer. Longtemps tu vas nous manquer. Et comme tu nous manques déjà...
Au revoir Poupou. Prends soin de tous ceux que tu vas retrouver.

Quand te reverai - je, maintenant ?


La semaine  s'achève un lundi cette fois ci. Dehors il pleut, il fait gris. Le froid s'installe en ce jour cérémonie. Je pourrais m'occuper, m'activer, mais je n'en n' ai pas envie. Le gris habille trés bien cette journée morose. Tout à l'heure je suis aller au jardin chercher quelques légumes pour ta provision de la semaine. Puis j'ai emballé quelques restes de repas pour ce soir, pour ton repas. Quand tu rentreras chez toi, tu n'auras plus qu'à faire chauffer. Dans deux ou trois heures, tu m’appelleras pour me dire que tu es rentré. Demain ta semaine va recommencer. La mienne pareille à la précédente va s'écouler tout doucement, sans saveur et sans joie. Avec angoisse et ennui. Et cette question qui me brule : quand te reverrai - je maintenant ? Ainsi va la vie, inégale, incertaine parsemée de belles choses et de tant d'autres. Des qu'on ne dis pas, des qu'on ne montre pas. A quoi bon ? Profiter des bons moments, éloigner les mauvaises pensées. Se dire que tout va recommencer, parce que si ce n'est pas certain, c'est quand même peut - être et que demain est encore loin. Demain qui est un autre jour. Ne pas penser à demain.


Et vlan passe moi l'éponge.

"Et vlan, passe moi l'éponge !"   dit La Germaine au Fernand qui la regarde chaque samedi prendre son bain. C'est le rituel hebdomadaire, car il faut être propre pour la messe du lendemain.
D'abord, c'est lui qui investi le premier le cabinet de toilette. Il prend son temps, et religieusement devant la grande glace, il procède à un rasage méticuleux. Puis il rince son blaireau avant de le ranger dans une trousse d'un bleu douteux avant de prendre une douche vite fait, pour ne pas faire languir la Germaine à qui il tarde qu'il en finisse afin de pouvoir  à son tour occuper la salle de bain. Plus précisément la baignoire dans laquelle elle se fait couler un bon bain bien chaud. Un bain parfumé et plein de mousse où elle va plonger et se prélasser un bon moment pendant que Fernand se tient prêt à accueillir son corps tremblant contre sa robuste poitrine tiède et velue. Il la cueille comme on cueille une fleur et lui sèche délicatement le dos avec la grande serviette éponge qui l'enveloppe toute entière. Puis il la  pose là  tendrement sur le pouf où avec un soin plus méticuleux encore, elle insiste sur les replis les plus délicats de sa peau, avant de lui demander à lui de s'occuper de son dos. Plus particulièrement du bas de son dos, elle lui demande alors s'il ne pourrait pas.  Fernand aime bien lui entendre dire ces mots magiques : " fais moi gligli et zigouzi dans le dos". Ce moment où la matinée s'anime invariablement pour Germaine et pour Fernand,  le samedi devient  un  dimanche en semaine.
C'est Byzance à chaque fois. Ce jour là on passe l'éponge sur bien des choses. Au diable les histoires de vices de l'un et de versa de l'autre.  Fernand et Germaine, ne pensent plus, ils butinent un nectar si délicieux qu'à la fin du jour, ils ont vidé le calice jusqu'à l' hallali. 

4 murs et un toit.

Oui, bon je sais ! Il y avait des travaux en perspective. Beaucoup de travaux. Mais nous étions jeunes encore et un peu fous. Quand nous vîmes cette maison, nous en tombâmes immédiatement sous le charme. Elle était spacieuse, délabrée, mais spacieuse. Ses grandes ouvertures à l'étage laissaient passer beaucoup de lumière. Nous serions bien l'été sur sa terrasse et l'hiver au coin d'un bon feu dans la grande cheminée. D'immenses pièces allaient nous permettre de créer des espaces à vivre merveilleux. Entourée d'un somptueux jardin donnant sur la baie, nous ne craindrions pas d'être dérangés. Nos enfants pourraient s'inventer des jeux que nuls autres enfants ne connaitraient. De grands cyprès plusieurs fois centenaire délimitaient l'espace rocailleux où nous entretiendrions un jardin méditerranéen. Devant l'entrée principale, une pelouse naturelle était bordée par de robustes pins parasols et des figuiers dont la récolte agrémenterait nos étés.
La maison de nos rêves, était là à nos pieds et nous n'avions qu'à récupérer les clés.
Une fois fait, nous nous attaquerions aux travaux. Ce que nous ne savions pas, c'est que cette maison était frappée d'alignement. Nous n’eûmes jamais les autorisations nécessaires, ni le permis de construire indispensable à son aménagement. Vouée à la démolition, cette maison était tombée en désuétude et aller le rester. Nous ne nous sommes jamais remis de cette mésaventure. Ni financièrement, bien sûr, ni moralement, naturellement. Voir s'écrouler le plus beau de nos rêves en même temps que des pans entiers de l'édifice sensé nous héberger, tel était notre destin tragique. Aujourd'hui quand j'y songe, j'en ai encore les larmes aux yeux. Nous nous sommes pourtant débattus face aux huissiers, aux agents immobiliers véreux, aux autorités responsables de toutes ces décisions absurdes et controversées. Mais comme un diable dans un bénitier, en vain. Nous sommes maintenant vieux, malades  et usés. Nous n'attendons plus rien de la bonne société. Personne ne peut plus nous humilier, mais toute notre vie en  a été gâchée.

Les hauts d'où hurle le vent.

Bien maussade ce temps de Toussaint. La Ponette pourra-t-elle venir faire du vélo ? Je l'espère quand même, il y a du vent et en ouvrant la fenêtre à Petit Lion,
j'ai vu qu'il y avait du vent mais qu'il ne faisait pas trés froid. Je ne sais pas si je pourrai aller me balader, j'aime bien ce temps doux et venteux. Le vent d'automne me donne des ailes et me pousse sous des latitudes où frétillent la truite, l'omble  et le  preux chevalier dont l'ombre se faufile à travers la montagne. Faute de  partir en escapade là  haut, où Aquilon s'engouffre sous la toile de mes chauds vêtements et hurle sur les sommets parsemés d'herbe rêche, de bruyère et de genévriers, hier j'ai profité des quelques rayons tardifs pour m'échapper un peu. J'ai fait quelques photos. Un château entouré d'eau sombre avait des allures de circonstance, j'aurais été enfant, j'aurais imaginé une histoire de sorcière, de chaudron, de crapaud cuisant à l'intérieur et de chiens à 5 têtes me poursuivant dans les bois alentours. C'est ce qui se serait produit sans doute  s'il n'y avait eu l'étang à traverser. Durant ma balade, une vieille femme me suivait marchant d'un bon pas, son bâton à la main. Tous les ingrédients étaient là pour donner le frisson aux enfants.





Il était une fois.