Il s’en va.
Mais où ?
Pourquoi ?
Si vous avez une idée, faites en part lundi…
Dans son vieux pardessus rappé, il descendait chaque matin l'escalier. Sa croute il fallait la gagner.
Je me souviens qu'il ne partait jamais sans sa musette contenant son déjeuner.
Ce jour là je courus derrière lui car il l'avait oubliée. Je ne m’aperçus pas tout de suite de cet oubli. Il était déjà loin quand je l'appelais. Mais il ne m'entendait pas. Mon cri appelant "papa" restait perdu dans l'escalier. Lorsque j'arrivais sur le trottoir, espérant encore le rattraper, il avait disparu dans la nuit froide. Je restais là sur le pavé, ne sachant que faire de cette musette qui m'encombrait. Dépité, je remontais chez nous. Je posais la musette sur la table de la cuisine et je me mis à repasser ma leçon de mathématique car nous avions un devoir de composition cet aprés midi et je n'avais pas cours ce matin. Je n'étais pas doué en math, mais j'avais à coeur de ramener des notes honorables à la maison. Je lui devais bien ça, à lui qui trimait 6 jours sur 7 pour ramener la pitance à la maison. "Tu verras, petit, me disait il, un jour les choses changeront. Avec les camarades, nous saurons construire un monde meilleur, et tu ne seras pas obligé comme moi de te lever avant l'aube pour aller à l'usine fabriquer des pièces pour la construction de voitures que nous ne pourrons jamais nous payer. Mais pour cela il te faudra aussi bien travailler en classe afin de te construire un avenir meilleur que le mien". Il y croyait, moi aussi, qui m'appliquais tant que je pouvais.
Plongé dans mon devoir de math, je n'entendis pas la sirène et son cri strident. C'est seulement quand on frappa à la porte que je réalisais que quelque chose d'anormal se passait. On frappa trois coups secs contre la porte, comme si c'était un ordre qu'on m'intimait. Les coups se répétèrent une fois et pris d'un mauvais pressentiment, j'ouvris machinalement la porte. Les gendarmes se présentaient devant moi.
Sois courageux, petit, me dit l'adjudant, ôtant son képi. C'est à propos de ton père. Le laminoir. Le feu. Tombé. Trop tard . Nous n'en savons pas plus. Tout se mélangeait dans ma tête, mes jambes flageolaient, je faillis m'effondrer. Je ne réalisais pas encore ce qui m'arrivait. J'étais seul à présent. Ne savais pas non plus ce qui allait se produire. Quel serait mon avenir désormais. Je me souviens juste que je n'ai pas versé une larme, comme si tout cela m'était étranger. Je pensais juste que cette musette posée là sur la table, ne servirait plus jamais. Que cet oubli était prémonitoire et que mon père savait qu'il n'en aurait pas besoin. Il était exactement 10 h 38 quand son destin a basculé. Et c'était un lundi.
Quel texte poignant ! tu racontes bien !
RépondreSupprimerMerci Ambre. Je n'ai pas le coeur en joie en ce moment. Sans doute le reflet de la vie qui reprend son cours aprés la fin des vacances qui n'ont pas étaient d'un cru exceptionnel non plus, mais c'était les vacances tout de même. Un espace où le temps arrête un peu sa course pour laisser un petit peu de place au être ensemble, à un espace de liberté conditionnelle, mais un intermède dans le monde sauvage qui nous happe comme une machine à broyer.
SupprimerC'est d'une tristesse ce texte, Ambre a raison, c'est poignant, je n'ose demander si c'est une histoire vraie.
RépondreSupprimerBon alors, ici aussi ça se met à buguer ? Voilà que mon com a disparu ! Je te disais un peu la même chose qu'au Goût, même si ce n'est pas une histoire personnelle, elle n'en reflète pas moins une certaine réalité où tous les jours des gens meurent au travail, dans la rue, chez eux, d'accidents, de maladie laissant des enfants sur le bord de la route.
Supprimerles textes du jour ne sont pas très optimistes, mais le tien donne envie de pleurer!
RépondreSupprimerL'mage de cet homme marqué par le poids de la souffrance m'a évoqué ce genre de texte. La vie est moins drôle qu'elle le parait.
SupprimerHé bé !
RépondreSupprimerPas gaie, ton histoire.
Comme Heure-Bleue, je me demande si ce n'est pas une histoire vraie.
Cette histoire n'a pas besoin d'être vécue pour être vraie. Il y en a des tonnes des histoires comme celle ci, il s'en produit tous les jours, hélas. Tous les jours des papas, des mamans meurent au travail. Tous les jours des enfants sont en deuil et en souffrance plus qu'on puisse l'imaginer. Tous les jours des patrons se frottent les mains d'avoir vu leurs profits encore augmenter.
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