Destins tragiques ou croisés.

 

Et bien, voilà quelque chose de bien. Figurez vous que ce midi, autour d'un pot au feu maison, comme maman aimait les faire, un morceau ou deux morceaux de viande dans les bas morceaux parce que ça coûte moins cher, une peu de poireau, quelques carottes, une branche de céleri, un navet, un rutabaga soustrait à la ration de vaches et des cochons (ils ne nous en voudront pas !) un peu de persil, de thym et de laurier cuits pendant plusieurs heures (elle, sur sa cuisinière à bois,  moi sur le gaz vite fait bien fait, en gardant le bouillon pour le soir pour une bonne soupe de vermicelle, comme on l'aime avec un peu de crème fraiche ou de bon vin rouge , mais à la crème c'est bien meilleur), nous devisions, le Patou et moi.
De quoi, parlions nous ? De choses et d'autres, entre autre de souvenirs heureux. Moi, ce sont ceux de ma frangine au multiples pépés. Le Charles de Baye, qui n'habitait pas à Fournols, parc que la Marguerite, comprenez vous, n'aurait pas vu d'un si bon oeil que ça,  la fréquentation avec son époux, le pépé  Labaye, (que je ne sais même pas comment il s'écrit),  qu'il  partagea quelques canons ; son vrai pépé, qu'elle n'a jamais connu, sauf en images et en témoignages, parce que lui partit en 59 et qu'elle vit le jour en 60. Le pépé Jean, bien entendu, dont le brave curé Joubert leur révéla à tous, un jour de catéchisme, la cruelle destinée,  mort seul et oublié de tous retrouvé longtemps aprés, dans les décombres de sa maison, dont tout s'effondra, ne laissant qu'un trou béant au fond d'une cave humide.  Et puis le Charles, notre brave Charles, trouvé derrière sa porte, par le facteur, inquiet de ne pas le voir depuis plusieurs jours, à demi mangé par son chien.  Ah ! elle en avait des pépés, notre petite soeur ! Trouvée, elle aussi au bout d'une semaine, gisant dans son sang et ses excréments, un soir de juillet, où il faisait trés chaud. Je me souviens bien de la dernière fois que je la vis. C'était une petite quinzaine avant le drame. Elle était tombée et présentait de multiples hématomes. Je lui demandais de prendre d'urgence un rendez vous avec son médecin. J'aurais dû le faire à sa place, n'évaluant pas le stade auquel elle se trouvait et c'était un dimanche, le lendemain, lundi, mon frère s'en occupa. Le lendemain, en effet, il la conduisit chez son médecin, qui programma une série de soin à domicile qu'il se chargea de réaliser. Pendant une semaine. Puis, pris par d'autres tâches, il relâchât sa vigilance, qui pourrait le lui reprocher ? De mon côté  j'étais  repartis comme j'étais venue, laissant lâchement à d'autres, le soin de s'en occuper.   Elle m'avait dit alors, ne t'inquiète pas, je sais comment ça finira. Mais elle le disait à chaque fois, depuis plus de dix ans, alors ? Et Puis je serais débarrassée. Tout cela aurait dû m'interpeler, m'inquiéter, me pousser à réagir.  Elle ne voulait qu'une chose, rejoindre sa petite soeur, dont elle disait toujours, "c'est pas juste, c'est moi qui aurait dû partir à sa place et elle, rester auprés des siens". 

Je ne sais pas si un jour je me remettrais de ce drame, ce que je sais, c'est qu'elles me manquent cruellement, toutes les deux, les deux plus jeunes de la fratrie. Il n'y a pas d'ordre, et souvent les derniers sont les premiers. Une chance ou pas, je suis la première. J'appréhende et ne le voudrais pas être la dernière.  
 Je ne sais pas trop pourquoi j'écris tout ça , ni pourquoi je vous le raconte ici. C'est sans importance et ne reflète que mon état d'esprit. Sans doute ne sommes nous pas ce que nous croyons être. Ni même à l'image que nous entendons donner aux autres, de nous même, toujours faussée par l'illusion  d'un paraitre avantageux, toujours cherchant à se valoriser, plutôt que d'accepter d'être ce que nous sommes. Nathalie, souvent me reprochait  d'enjoliver les choses, lors de mes écrits. "Tu essences toujours notre père, mais saches, qu'il n'était pas l'homme que tu décris. " 
?  
 Et non, les souvenirs des uns ne sont pas ceux des autres. J'étais la première, elle, la dernière, entre nous, treize ans nous séparaient. La vie, le temps, ont passé. Il en faut moins que ça pour que le temps fasse son oeuvre.  Mon père, je ne l'encense pas, j'en ai le souvenir d'un homme jovial, farceur, plein d'humanité lors de mes premières années. La maladie, les difficultés de vivre, de faire face au quotidien en ont modifié le caractère. Mes perceptions de cet homme ont alors évoluées. Il a fallu se battre, contre le sort, contre l'injustice, contre les mauvaises années, les mauvaises récoltes, la pauvreté. Faire face jour aprés jour à une réalité faite de précarité, d'incertitude. Les maladies bovines qui ont décimé les troupeaux, le vent, la grêle, le froid, ou le chaud, déjà en déséquilibre sur une planète déréglée. Le remembrement, voulu par les puissants désireux d'accroître leur patrimoine au détriment des plus petits. La disparition programmée des petites exploitations au bénéfice de plus grandes, toujours plus grandes et d'une agriculture toujours plus productive, il a fallu y faire face et résister. Avaient ils le choix ?  L'histoire, malheureusement, nous démontre que non, ils n'avaient pas le choix. Gourdenec avait raison, tout comme ceux qui dans son sillage, ont relevé la tête et fait  front. ici.
Je me souviens revoir mon père l'oreille collée au poste de TSF, écouter sans en perdre une miette, les évènements qui retransmis à la radio, nous parlaient de la lutte de ces paysans Bretons, la même partout sur tout le territoire et même bien au delà  de nos frontière pour défendre leur terre et avec elle, à travers elle, leur condition et l'avenir de leur profession. Une autre conception (l'avenir aussi nous a donné raison) de l'avenir de nos générations futures, comme le reprennent les divers conceptes de l'écologie aujourd'hui, la bobodisation en moins.
Oh, il n'a pas toujours été tendre, notre père, ni avec nous, ni avec nos animaux. Mais peut ont reprocher à quelqu'un d'avoir souffert dans sa chair, dans sa dignité, d'avoir un jour été blessé, lésé, dépossédé ? 
Moi, à travers ses écrits, ses lettres qu'ils m'écrivait, il m'offre l'image de quelqu'un qui aimait ses enfants, qui nous aimait. N'est ce pas  ce qui compte ? N'est ce pas ce que je dois retenir de ses actes ? Pardon pour les chats qu'il a blessé (il n'aimait pas les chats, enfin pas tous, parce que je peux vous certifier qu'il aimait mon gros Blanchou, mon gros Jaunet et la minette tricolore qui n'avait pas de nom, mais qui m'ont bercée de leurs caresses dès mon berceau, jusqu'à ce que  le chien de la Clémence, cette maudite, qu'elle le soit, cette cruelle,  la garce, pour tout le mal qu'elle leur a fait, rendant responsables de ses p^ropres fautes, tous ceux qui l'entouraient, ne nous les tue devant le soupirail de la cave, qui en hiver était fermé. ) Quand la patience paie un tribu, lourd,  à la résistance, nul ne peut garantir qu'une fois les limites dépassées, on puisse résister à la vague fracassante  de la nervosité. 
Sans doute, excédé, il n'a pas toujours était trés juste, ce père qui aurait dû réconforter, aider, éduquer. Sans doute a-t-il failli de nombreuses fois à son devoir. Mais qui donc, plutôt que de lui jeter la pierre à cherché à l'aider ? Pareil pour notre mère. Ils ont fait comme ils ont pu, avec les moyens dont ils disposaient. Point. C'est tout. Je ne leur jetterai pas la pierre, ni aucune pierre. Je déplore juste ce qu'il en a résulté. Par contre, et ça c'est la vie qui me l'a enseigné :  Ne nous pressons pas de juger, mais hâtons nous de comprendre. Cela me semble nécessaire, car rien ne nous préserve jamais ni des mauvais coups, ni des mauvais pas. Soyons et sachons le rester, humble devant l'adversité. Pardon Pour les victimes, sachons les aimer et les accompagner et s'il n'n'est pas encore trop tard, aidons les à avancer. C'est ainsi, c'est la vie. Personne ne choisi vraiment ce que sera la sienne. Les routes, les croisements qui composent notre   destinée sont un hasard avec lequel nous devons composer.

La vie comme elle va.

 Pendant que le 0568000... poursuit son harcèlement ( 5 fois hier et déjà 2 ce matin) beaucoup plus depuis plusieurs années maintenant (c'est une plaie tout de même,  malgré mon silence et refus de répondre  qui ne les découragent pas !), l'oeuvre de la cuisine se concrétise petit à petit et moi, je m'affaire à d'autres tâches, plus ludiques. 

Bientôt avec la nouvelle cuisine, ce sera un plaisir de me rendre utile. Mais on n'en est pas encore là et le Patou Bricol'tout a encore du boulot. 

 L'année commence ou plutôt continue sa route. Les enfants ont repris le chemin du boulot, moi mon tricot, agrémenté de quelques pauses (il le faut bien) vidéo. Ce matin je suis tombée sur une qui racontait la vie d'autrefois. Telle que j'ai pu la lire dans les romans terroir que j'affectionne tout particulièrement.  Telle que ma mère et la Francine ont pu me la raconter. Cette vie si rude, si dure et que pourtant tant d'hommes et de femmes ont affrontée, parfois, jusqu'à la perdre et ce dès leur plus jeune âge. La Francine née en1910,  fut bergère dès ses 7 ans. Familles nombreuses et nombreuses familles, ce n'est pas si vieux et semble pourtant si lointain. On ne s'imagine pas aujourd'hui voir un enfant de 7 ans affronter les loups gardant aux pâturage, devant les chasser pour préserver le troupeau que le maître lui avait confier. On n'imagine pas combien encore moins chanceux travaillant à la mine, dans les filatures, dans l'odeur fétide et moite des tanneries, des papèteries ou dans les usines où les tâches les plus ingrates leur revenaient. On imagine d'autant moins ces choses là, quand nous voyons nos jeunes adultes tuer leur temps à coup d'écrans vidéo en jeux guerriers.

Pourtant c'était leur vie. La solidarité en résultait. Solidarité obligée souvent, par besoin de bras pour accomplir leur dur labeur. Malgré cela je crois qu'ils savaient être heureux. Ne comptaient pas leur peine, ne ménageaient pas leur temps. Ne se plaignaient jamais.  Sachant affronter la rudesse de leur sort ils savaient aussi aimer la vie. 

Effet Papillon.

 Sur une proposition d'Adrienne,  (que je remercie) décidément trés inspirante.


Elle n'est pas rousse, mais Brune, c'est ainsi que ses amis la surnomme et cela lui va trés bien. 

Elle  lit beaucoup  et aime le thé, les livres et les chats. Sa maison s'est retrouvée vide un beau jour. Elle qui avait connu tant de vas et viens. Alors, elle se replonge dans son passé, dans ses livres où elle puise une force immense. Ce joli chat noir, elle n'avait pas spécialement choisi de l'avoir. Mais on le lui a laissé en garde un jour et depuis, elle s'est attachée à sa compagnie, au point de ne pas pouvoir le lâcher aujourd'hui. C'est décidé, elles vieilliront ensemble, car c'est une jolie minette en habit de velours, si attachante et même un peu intrépide. On dirait le chat que nous avions quand nous étions enfants. Sirus, il s'appelait à cause de l'autre Chah, celui d'Iran. Elle l'adorait ce chat, et c'était réciproque. Elle était sa seule amie. Sa confidente. Pareil pour lui, il en a reçu des pleurs d'enfants ! Il en a reçu des larmes de toutes sortes.  

Depuis que son petit dernier a quitté le nid, elle se sent seule, peut être désemparée. Oh ne me dites pas qu'elle ne l'est pas ! je sais ce que c'est, va ! Le mien vient de repartir chez lui  aprés deux semaines passées avec moi, 4 si je compte celles que je venais déjà de passer avec lui. Ce n'est pas beaucoup, 4 semaines, pour une mama, c'est presque rien, même. 

Les enfants on les élève et puis un jour, ils quittent le nid. C'est normal, c'est la vie, mais cela n'empêche pas d'être triste et non plus de se faire du souci.

Puis un jour, les enfants deviennent des parents à leur tour et la maison se regarnie. Un cycle qui dure depuis la nuit des temps et que l'on voudrait infini. 



tel est pris qui croyait prendre.

 


 

Pas pu venir avant ! panne internet , ça commence ! Qu'importe pour ce qu'on en attend de bon de celle là aussi. On sait bien qu'elle se profile dans la même ligne que la précédente. Même si on espère que quelques uns de nos souhaits se réalisent. Et comme disait ma mère, "bonne année, bonne santé pour l'an qui vient et si à la fin on est pas mieux au moins qu'on soit pas moins".  Naturellement je vous souhaite qu'elle soit bonne et que vos souhaits se réalisent. Il faut bien garder l'espoir, sinon, à quoi ça servirait.  
 Quel temps avez vous ? ici il fait froid, gris et humide. De quoi favoriser les rhumatismes. Les virus sont contents et les urgences surchargées. Les mauvaises nouvelles s'enchainent et continuent. Les bonnes attendront. 
Janvier sera riche en examens de notre côté. Que nous révèleront ils ? On n'en attend rien de bon.  Au moins on ne sera pas surpris. Et puis faudrait pas qu'on s'habitue, non plus. 
Janvier c'est le mois des étrennes aussi. Avez vous eu les votres ? Peut être que cela ne se pratique pas ou plus par chez vous, non plus. 
C'est une tradition qui se perd, ça aussi. Je me souviens quand j'étais enfant, elles étaient réservées aux adultes parce que le père Noël ne passait que pour les enfants.  Elles arrivaient généralement début janvier, quand on se rendait chez l'un ou chez l'autre, lui souhaiter la bonne année. 
Chez nous, les tatas de Clermont montaient au pays pour l'occasion. Ce qui me valu, je vous le laisse en mille, le pire cadeau de mon existence. J'avais sans doute une dizaine d'années, peut être un peu moins, nous étions encore en vacances. Il y avait de la neige, comme tous les hivers. Nous étions dans le cantou, comme tous les hivers, calés au coin du feu. Elles (les tatas) avaient bravé les intempéries pour venir souhaiter la bonne année à leur frère. Sitôt rentrées au chaud, l'une d'elle lança une question (piège, la question, mais je ne le savais pas) Il n'y avait que 2 cadeaux, nous étions 6 enfants, il n'y en aurait donc pas pour tous, mais je ne le savais pas non plus. La quelle aime les livres ? Demanda tata Paulette. Ce qui d'emblée éliminait mon frère.  Espérant meilleure offrande, je me précipitais la bouche en coeur et claironnais : "elle ! " en désignant ma soeur. Ce fut donc elle qui reçut le cadeau : La petite Poucette, d'Andersen, je crois. Mais quel ne fut pas mon dépit lorsqu'elle me déballa, enveloppé dans un modeste papier  d'emballage ménager, une vielle paire de chaussette. "Je le avais achetées pour Gérard (mon cousin) mais il ne les a pas voulu" me dit elle me tendant le paquet. Tel est pris qui croyait prendre !
 Quand aux autres, en particulier les plus grandes je revois encore leur tête, se voyant oubliées.  Une injustice de plus, mais il y en eut tant d'autres !
 Aller bonne année vous tous, avec ou sans chaussettes, restez au chaud !

l'hiver à la neige.

 En remplacement du devoir du lundi et sur une idée-proposition d'Adrienne. 


C'est l'hiver. Je ne suis pas aller en classe, c'est les vacances de Noël. A la rentrée, si les congères ne sont pas trop hautes, je retournerai à la grande école. Celle où il faut aller pour devenir grand. Pour apprendre tout ce qu'un enfant doit savoir. Tout ce qu'on veut qu'il sache, surtout.  Apprendre l'obéissance. L'ordre. La discipline. A devenir un homme, une femme, mais ce n'est pas pareil pour les deux. Il le faut bien. 

Un homme doit être fort, ne pas pleurer, commander, diriger, mais obéir aussi aux plus gradés que lui, bien sûr, car si on l'est moins, c'est à lui qu'il faut obéir. Une femme, elle doit être docile, bonne ménagère, bien tenir sa maison, être attentive à ceux qui l'entourent, bien élever ses enfants, prendre soin des vieux parents, des siens bien sûr mais de ceux de son homme, évidemment. Elle ne doit jamais protester, jamais se plaindre et bien gérer son foyer. Enfin c'est ce qu'on m'a enseigner quand j'allais à l'école dans les années 50. Oh bien sûr les choses ont changé depuis, les femmes ont appris à se rebeller et c'est tant mieux. Encore un pas, quelques pas, plutôt et l'égalité sera... ou pas.  

Pour l'instant, je savoure ma liberté. Je n'aime pas l'école, la maitresse est méchante. Elle ne m'aime pas, ni les enfants de ma condition. Pensez, une petite paysanne ! tout juste bonne à curer les vaches (ce qui ne me déplait pas, loin de là ! ) J'adore m'occuper de mes vaches. L'hiver justement, je vais à l'étable, je me blotti contre l'une d'elle, tout contre son épaule, elle me lèche de sa langue râpeuse et j'adore ça . Elle n'esquisse même pas un mouvement quand je sors l'étrille et lui enlève les grosses crottes qu'elle a sur son pelage, à l'arrière. Brave cette vache ! Plus qu'une vache, c'est ma confidente. C'est vers elle que je me réfugie, lorsque j'ai du chagrin. Par exemple quand papa est malade. Comme quand mon pépé est mort, l'année dernière. Comme quand maman a du chagrin et des soucis.  

Cet aprés midi, comme hier, quand le docteur est venu, je reviendrai voir ma vache pour lui confier un grand secret. Depuis hier, j'ai un nouvel attelage, un char avec des boeufs. C'est la tata Paulette qui me l'a eu au père Noël. Le père Noël, j'y crois plus guère, et ce depuis que je suis allée à l'école. C'est Martine, qui me l'a confirmé. Elle, elle a une grande soeur et une cousine, la Loulou, qui vit chez elle. Ce sont elles qui lui ont révélé la chose. Oh je m'en doutais bien un peu aussi ! vous pensez, un bon homme avec une longue cape toute rouge et une barbe en coton ! vous en connaissez beaucoup vous, des hommes avec une longue barbe en coton ? C'est bien le seul que j'ai vu ! d'accord, je ne suis pas bien vieille encore, mais quand même, faut pas me prendre pour une oie blanche, non plus !

 Tiens on dirait que le temps se lève un peu. Le soleil semble percer les nuages et éclaire le grand arbre devant la maison de la Francine. Le Roger coupe du bois au coin du chêne. La neige étincelle par endroits. Quand papa ira faire boire les vaches tout à l'heure, je le suivrai. J'adore m'occuper des vaches. Cet aprés midi avec mes petites soeurs, on ira aux Enclos, si la neige n'est pas trop haute sur le chemin de traverse. J'aime aller aux Enclos. Mes prés, mes champs ! toute ma vie quoi qui est là sur ces terres rudes à travailler. C'est papa qui les travaille, avec ses vaches, la Charmante et la Blonde, et la Jaccade et la Mignone, ou la Jolie, elles se relaient. C'est mieux d'en avoir plusieurs pour le travail. Comme ça quand il y en a une qui a son petit veau, elle peut se reposer et avoir plus de lait pour lui. Des fois quand il en reste, maman fait des fromages. Ils sont rudement bons ses fromages, même en hiver ! 

Quand on sera aux Enclos tout à l'heure, on ira voir le souterrain, prés de la maison de l'Erneste. Il parait qu'il y avait un château autrefois. Bien sûr je ne l'ai pas connu, moi, ce château. Il a brulé dans les années 1900, papa nous l'a raconté, un soir à la veillée. Il était petit, mais il s'en souvient. Bien sûr des choses comme ça, ça ne s'oublie pas, ça marque ! Les Enclos était un village relié aux châteaux alentours, celui de Montboissier, d'Echandelys, de Médat  de La Fayette et probablement d'autres encore. J'aime bien les Enclos parce que c'est tout prés du bois, et qu'il y a plein d'endroits pour se cacher, quand on garde en été (j'aime bien m'occuper des vaches ). Là les arbres sont sous la neige, comme sur le tableau que j'ai trouvé chez l' Adrienne. 

Mais pour l'instant, il faut que j'aide maman, il faut s'occuper des petites, faire à manger, panser les cochons, faire boire les vaches,  s'occuper des poules et des lapins.. Tiens je vais commencer par eux. Aprés je m'occuperai de balayer un peu la maison.  Et puis j'irai m'occuper des vaches, peut être qu'il faudra casser la glace pour les faire boire au bac,  là, elles n'ont pas encore fini de manger (j'aime bien m'occuper des vaches).  

Me revoilà.

 Un mois ! un moi et plus aussi ; Je remercie tous ceux qui se sont inquiété pour moi. 

Bon. Me revoilà. Les nouvelles ? Elles ne sont pas que bonnes. Depuis plus d'un mois, pensez donc ! Un mariage, deux enterrements.  Des maladies, sournoises. Des avec des conséquences ? plus plus plus. Des avec des inconvénients, bien sur. Des comme on les aime pas trop, quoi. Bref on fait et on avance. Comme vous tous. 

Noël est passé, l'année presque aussi. On ne va pas épiloguer 107 ans pour dire qu'elle fut ni bonne, ni mauvaise mais plus mauvaise que bonne. 


La cuisine depuis  mi novembre est en chantier. Jusqu'à ? ...

Le mois de novembre s'est achevé par un mariage. Voyage à Lyon pour la cérémonie. Passage obligé (pour moi, par Clermont Ferrand, bref coucou à la famille, oblige). C'est au cours de cette journée ci que nous apprîmes le décés du Roger. Vous savez, le Roger, ce trop de Roger, comme disait sa pauvre mère, la Francine, dont j'ai ici beaucoup parlé. J'aimais, moi, la Francine. Le Roger, son fils, me faisait marrer. C'était le pauvre gars de notre enfance. Celui dont il fallait se moquer.  Celui dont les mille et une frasques nous faisaient nous délecter. Le tombereau chargé à bloc sur l'arrière et qui "levait". les boeufs qui se sauvaient à la Modière et qu'il fallait aller "camper" dans la neige et dans la nuit de février. ici .

 Le clou dans le pâté aux pommes qui tombait sur lui quand on le partageait. Le char de foin qui se renversait dans le tourant des Bèzes. parce que l'attelage avait mal été conduit. Le char qui s'encastrait dans l'arbre, les pantalons dont les petites soeurs coupaient les ficelles qui le maintenaient, pendant qu'il leur attrapait les branches de cerisiers trop hautes pour elles.  Les choses qu'ils avaient apprises chez les frères à Saint Germain. Son retour mouvementé de la caserne de Briançon où il avait cherché en vain la masse pour enfoncer le piquet d'incendie. Tant de péripéties. Tant d'occasions de se moquer ! L'enfance est rude parfois. Dure aussi. Et durs sont les petites têtes blondes et brunes ! Roger donc est parti. Avec lui une page de nous. De notre enfance. Le livre délite ses pages à l'infini ? Non car tout un jour fini. Le 30 novembre, c'est le jour maudit que choisit aussi mon beau frère pour faire une mauvaise chute, juste à la tombée de la nuit. Quand entre chiens et loups, l'horizon se noircit. Nous avons appris le lendemain son infortune. Nous avons enterré Roger le mardi. Mercredi, le lendemain, nous étions un 4 décembre, une mauvaise crise de goutte m'immobilisait et je retardais mon départ du sol Auvergnat. C'est ce jour là que Lionel nous quitta. Il n'a pas survécu à sa chute. Pas plus qu'au départ de Nathalie, dont il ne s'est jamais remis. Lionel...

Gentil Lionel. Serviable. Toujours prêt pour donner la main. Pour accueillir. Pour aider. pour aimer. Lui qui prit tant soin de notre  petite soeur. Jusqu'à son dernier souffle. Qui lui permit de rester jusqu'aux derniers moments chez elle, l'accompagnant de tant de soin et d'amour aussi. Lionel, donc est parti. 

Je ne pouvais pas faire autre chose que d'être là avec eux, avec ses proches, avec ... et prolongeais donc mon séjour jusqu'aux obsèques. mais... Mais. La veille de la cérémonie, une mauvaise chute sur un mauvais trottoir d'une rue mal éclairée, me projeta en avant. Bilan, défigurée, hématomes au visage, lunettes en miettes. Je ressemblais plus à une nouvelle espèce de panda roux (Champroux) qu'à une vache Montbéliarde, une vache Abondance, ou Aubrac, voir Normande éventuellement, mais pas à l'humanoïde que je croyais être. 


Toujours qu'un peu sonnée et dans l'incapacité de me déplacer, Lionel est parti sans moi. Sans mon dernier adieu.  Lionel, tu ne méritais pas ça. Tu ne méritais pas de partir ainsi. Tu aurais pu vivre encore un peu, profiter de ta retraite, mais il est vrai que quand on est usé par les 3x8, par la chaleur des fours, par les cadences des chaines de production, par les levers dès 3 heure du matin pour prendre son poste à 5, par les couchers tardifs au lendemain d'une nuit sur la machine à produire l'acier, on n'a pas forcément les mêmes chances que dans un bureau rue de Varenne ou de l'Elysée. Bien.  Toutes ces choses qui coûte cher à la nation, qu'ils nous reprochent sans savoir ce qu'il en coûte à l'humain. 

Le temps passant, le mieux allant,  je suis rentrée à la maison à la fin de la semaine suivante, le temps de  faire quelques courses, mettre un peu d'ordre sur le chantier de la cuisine toujours bien encombrée. Accueillir mes enfants, mémé, pour qui le temps passe aussi. Et voilà que la machine à laver s'en est mélé. Choisissant à son tour de me lâcher.
Elle n'a pas supporter tant de linge d'un coup à laver. Alors, elle a manifesté, à sa façon.  Nous voici donc partis en quête d'une nouvelle à laquelle, coûtant la vie à mon pull préféré qui à son tour, a rendu l'âme.  Bref, la trêve des confiseurs s'achève, une autre année se profile. Résultats d'examens médicaux passés en décembre, vont surgir en janvier, d'autres suivront.  A quoi faut il s'attendre ? Je redoute tout autant cette nouvelle année que j'ai eu de raisons d'appréhender celle qui s'achève. Combien serons nous encore debout à sa fin ? Combien serons nous tout simplement ? 

Alors, le coeur à la fête ? Pas vraiment. 

Cela ne m'empêche pas de vous souhaiter quand même, à tous, une bonne nouvelle année, passez de bonnes fêtes. Et surtout, n'oubliez pas que ce qui est pris n'est plus à prendre. Profitez des bons moments pendant qu'il en est temps. 


Je vous aime. 



5 à 7

 Je cherchais un sujet de devoir quand j’ai repensé à une toile de Mark Keller.
Une toile qui amena aussitôt une question : Où était cette image, j’étais sûr de l’avoir rangée quelque part dans les quelques milliers de gigaoctet qui encombraient ma machine.
Et la voilà, je l’ai retrouvée.
Et je me demande encore que fait-elle, cette jeune femme ?
Qu’attend-elle ?
Qui attend-elle ?
Que pense-t-elle ?
Sort-elle du lit ?
Y va-telle ?
Bref, des tas de questions se pressent.
J’espère lire vos réponses lundi…



Elle attends quelqu'un ou quelque chose, j'en suis sûre, car son regard intense en direction de la rue insiste. 
J'imagine, qu'elle le guette, lui, son amoureux. Car en petite nuisette devant un verre de vin, la bouteille à moitié vide, personne ne croira qu'elle vient de terminer sa nuit, non plus qu'elle s'apprête à la commencer. Je dirais plutôt un 5 à 7, tant que c'est encore possible.





La tarte à la "belide"

 C'est Adrienne qui me donne le fil conducteur pour mon billet aujourd'hui. Elle a un souvenir particulier de ce que ma grand mère appelait la tarte à la "belide". Autrement dit : la tarte à la semoule. 

J'ai moi aussi des souvenirs bien précis de ces tartes à la bouillie confectionnées par nos grands mères dans les fermes d'autrefois. 

Je sais que mon père les appréciait particulièrement et regrettait sans cesse au prés de ma mère qu'elle n'en fasse pas. 

Par contre la cousine Henriette en était une spécialiste et les cuisinait à merveille. Pas un repas de fête à la maison, où elle était invitée souvent en tant que cuisinière, d'ailleurs, se déroulait sans que nous puissions apprécier ses fameuses tartes. Il faut dire que la cousine était fine cuisinière. Le premier repas où elle nous régala était celui d'une communion, je ne pense pas que c'était la mienne, plutôt celle d'une de mes soeurs, plus jeunes. Puis elle vint régulièrement lorsque l'occasion se présentait. Soit pour une fête de famille, soit pour un repas de batteuse.  

La cousine Henriette, au premier plan, à gauche sur la photo de communion de mes plus jeunes soeurs.


C'était je pense les rares grands repas que nous célébrions à la maison. Je ne me souviens pas des menus, bien sur. Sauf des tartes de la cousine Henriette.   Elle venait plusieurs jours à l'avance et participait aux travaux de la maison. Cuisine, ménage, préparation de la fête, traite des vaches, enfin toutes les tâches à accomplir, rien ne la rebutait.  Pour ses tartes, elle faisait elle même la pâte, une pâte brisée dont elle avait le coup de main et le secret, qu'elle précuisait au four de la cuisinière à bois. Elle cuisinait ensuite une semoule épaisse boullie dans une bonne quantité de lait, parfumé d'une gousse de vanille. Quand la pâte était suffisamment résistante, mais assez souple encore, elle étalait la semoule et faisait cuire jusqu'à ce que la semoule soit bien dorée, juste ce qu'il fallait. Venait ensuite le tour des tartes aux prunes, puis de celles à la confiture. Rien de meilleur, je peux vous l'assurer, que les tarte de la cousine Henriette. Ma mère me demandait parfois de lui en cuisiner, mais j'étais loin de les réussir aussi bien. Je me souviens de la dernière que je lui avais confectionnée. Ce jour là,  il n'y avait plus de confiture à la maison. Je descendis donc vaillamment  à la ville chercher un pot de confiture, mais le goût n'avait rien à voir avec nos tartes d'antan. Plus récemment, une de mes soeurs me demanda si je me souvenais des tartes à la semoule de l'Henriette, car elle avait envie d'en faire gouter à ses enfants. Malheureusement, je n'avais pas le secret de la réussite  et ne sais pas si aujourd'hui je serai capable de le retrouver.  De toutes façons, elle ne serait pas aussi bonne. Seule Henriette savait les cuisiner !

Par delà nos souvenirs.

 Je suis sûr qu’il y a chez chacune et chacun de vous une endroit qui, bien qu’il ait peu changé a subi un changement qui, pour petit qu’il soit, a modifié grandement votre perception de l’endroit où il a eu lieu.
Et je suis tout aussi sûr que vous mourez d’envie de le raconter.
Il en va ainsi chez moi du square Nadar, en haut de la Butte Montmartre, qui a vu arriver un élément de façon étrange depuis que je suis entré en sixième au lycée situé en bas de la Butte.
L’état de quasi ruine du lycée montre qu’on accorde plus d’importance à l’état d’un minuscule recoin d’un square inconnu  que d’un établissement chargé d’amener les jeunes gens aux sommets des savoirs de l’humanité…
Bon, il faut admettre que le haut de la Butte est plus rentable grâce aux touristes que le lycée grâce aux élèves…
J’espère donc lire lundi « l’effet papillon » que de petits changements produisent sur votre vie…


Il y a prés de 30 ans que je n'ai pas revu la Butte. Sans doute elle a bien changé elle aussi. Je ne suis pas certaine d'aimer autant ce que je retrouverais que ce que j'ai laissé. Déjà mon vieux central a fermé définitivement ses portes au début des années 2000. J'étais partie déjà, non pour retrouver trace de mes ancêtre mais pour une autre contrée que j'ai vu se métamorphoser à son tour. 
La roue tourne inévitablement et laisse des traces où peu à peu tout s'efface. Mes racines sont aujourd'hui ensevelies  sous des montagnes de souvenirs qui ne me rendront jamais l'âme de ce passé. 


Je me souviens de ce coin où j'ai grandi. C'était un petit coin de terre où il faisait bon se reposer. Nous étions enfant et notre passe temps favori était de faire des roulades, on disait des "rondelous", sur les pentes gazonnées jusqu'à la rase en contre bas. Là un tapis d'herbe rêche amortissait notre course depuis le haut du pré. Située en contre bas de la route, la partie la plus haute restait en friche et abritait quelques faune sauvage, que nos vaches ne dérangeaient qu'à peine lorsqu'elles y pâturaient au milieu des genêts.  Bordé par une tuvelle (bordure qui limitait l'espace entre deux natures de terre) un champ s'étendait sur une belle surface où cultiver seigle et pommes de terre était aisé. Pendant que nos parents le travaillaient, nous surveillions nos bêtes pour qu'elles n'ailles pas s'égailler dans l'herbe grasse réservée aux foins dès l'été. Parfois, l'une d'elle venait nous lécher les pieds ou renifler notre goûter fait d'une tranche de pain bis et d'une barre de chocolat meunier. 

Au printemps, dès que les dernières neiges disparaissaient, un tapis de jonquilles le recouvrait. C'était le moment de remettre en état les prairies. Papa, muni de son taille pré désengorgeait la rase pour rendre à l'onde claire sa trajectoire et éviter les ornières que les vaches avaient creusées.  Le frais cresson bleu réapparaissait alors, prêt à nous régaler de bonnes salades dont tout le monde raffolait. 

Nous, pendant ce temps, nous nous occupions à tisser des joncs pour en faire des colliers et des bracelets. La Lorette, notre chien de berger chassait les mulots et autres rats des prés. Bientôt, l'herbe serait assez longue et nous pourrions, elle et nous, nous adonner à notre activité préférée (faire des rondelous ) en gardant à nouveau notre maigre troupeau.   La rase était bordée de pommiers que mon père et mon grand père avaient soigneusement plantés. Pommes à cidre et pommes à couteau formaient un petit verger qui donnerait à l'automne de quoi nous occuper. Pour l'heure, leur floraison était du plus bel effet et nous nous enivrions telles des abeilles, à respirer l'air embaumé. Plus bas, là où la rase faisait un coude afin d'irriguer une autre partie du pré, se dressait une rangée de cerisiers. L'été mes soeurs et moi, chapardions les premières cerises qui noircissaient nos lèvres de leur jus acidulé. C'était notre aire de jeux et nous, tous les enfants nous en donnions à coeur joie, le chien Lorette ou un autre à nos côtés. C'était l'endroit magique où beaucoup de   nos souvenirs  s'enchaînaient.

Mes Enclos vus du fond de la Pinatelle
En haut la route
 au même endroit, sous le grand pin en haut la route, avant qu'il n'existe plus.

nos champs des Enclos à l'ombre des pommiers, des cerisiers et des sorbiers au coeur des paturages, en premier plan, la Bretonne (dite Plancouët) la Charmante, la Blonde et la Nono

Et puis un jour, des gens avides de bonnes terres ont fait venir de la  ville, des ingénieurs qui d'un coup de leur crayon ont tout réagencé. Pelleteuses, bulldozers, ont  saccagé nos haies, nos chemins, nos fruitiers. Le remembrement était passé par là, de notre jardin d'Eden, plus rien n'a subsisté. Déracinés les pommiers. Abattus les cerisiers.  Détournée la rase et son eau claire. Finis les rondelous sur la pente inclinée, elle aussi fut rabotée. Plus de sorbiers. Plus de genêts. Plus de cresson dans la rase engorgée.  tout cela, dégagé ! Le remembrement pour les uns, le démembrement pour les autres. Nos prés et nos champs, "l'empire" (cinq malheureux hectares) que mon grand père et avant lui son père, s'étaient constitué, fut  dépecé. Nos bonnes terres furent  attribuées à d'autres qui les ont massacrées.   A la place on nous attribua quelques tourbières  difficiles d'accès et  assez improductives pour qu'on puisse en vivre et les exploiter. Le chemin qui desservait le grand champ des Enclos fut englué sous des monticules de remblais. Les terres arables manquaient et on les compensa par de mauvais  sentiers improvisés en champs, impossibles à cultiver. Les  Mêmes se partagèrent un gâteau bien amère pour ceux qui en firent les frais, même notre vieille Charmante fut sacrifiée. 

Il ne restait plus rien de nos jeunes années. La vie ici ne serait plus jamais pareille, plus rien ne subsistait.
Ce fut un rude coup pour mon père qui ne s'en remit jamais. 

aprés le ravage, mais cela avait moins de sens

nos bonnes terres remplacées par des joncs !


Elle était pourtant jolie ma campagne. Mais c'est partout pareil, un monde disparait, un autre se crée pour le meilleur ? Le plus souvent pour le pire, et disparaissent avec lui nos jours d'antan, où nous étions heureux. Ce coin d'Auvergne m'a rendue heureuse et mon père fier de moi. Je crois que mon grand père aurait aimé savoir qu'il a guidé mes pas. Les enfants ? Ils y ont implanté leur souche. Se sont imprégnés de ces lieux  et les aiment autant que moi. La boucle se boucle malgré soi mais les graines semées ça et là ont pris racine et je suis contente de voir que parmi la fratrie, je ne suis pas seule à défendre nos souvenirs enfouis. 
  



Et maintenant, que fait-on ?

 Je suis tombé sur un dessin d’Alcide, artiste dont j’ignorais totalement l’existence.
Ce dessin, probablement inspiré par le risque de voir l’extrême droite arriver à l’Élysée
m’a rappelé l’époque où les Algériens vivant en France étaient l’objet de remarques
racistes quand ce n’était pas d’agressions ou d’accusations diverses.
Ce dessin m’a rappelé quelques scènes vécues dans l’enfance.
Mais à vous ?
Je sais d’expérience que parmi les premières choses dont on avertit « l’étranger » qui arrive à la
Gare du Midi à Bruxelles est souvent « Faites attention aux Marocains ».
Les saints étant une petite minorité de la population, il est probable que le dessin donne une idée de ce que risque de devenir la société sous peu, vu la façon dont s’étend la pensée qui a mené à ce dessin…
Que vous ayez été témoin ou qu’un souvenir plus ancien vous revienne, on verra bien lundi ce que vous en pensez…

Oui maman, d'accord maman ! 

La blondinette s'en va en cours cartable au dos. 

La mère part faire son jogging en forêt avant d'aller au boulot. 

Pendant ce temps, Farid quitte tranquillement son logis sous les toits et aprés avoir accompagné sa petite soeur à la maternelle, et laissé deux de ses frères l'un en CP et l'autre au CE1, il regagne la cour de sa classe, dans l'école d'à côté. Là il retrouve, Tariq un autre enfant de la cité, qui joue aux bille avec Romain, David, Julien et Malick, quelques filles font cercle  autour d'eux, un autre groupe plus loin tente de les interpeller, parmi eux, Léopold et Pierre-François, les deux plus grands. Ils sont à l'affut de la petite Caroline qu'ils voudraient bien embrasser. D'ailleurs, ils ont fait un pari : lequel lui volera le premier baiser aura le droit d'intégrer la bande à Jacques-Marie, le fils du notaire, bien connu pour être le chef du gang des midinettes, car c'est lui le don juan du quartier. Il fait fureur auprés des étudiantes de la faculté. 

Caro, la petite blondinette passe devant le groupe de Farid au moment où une bille mal contrôlée roule devant ses pieds et manque de la faire trébucher. Comme sa maman le lui a conseillé, elle se précipite auprés de la maitresse en faisant semblant de boiter tout en chouinant que Farid l'a faite tombée. 

Aprés avoir examiné le prétendu bobo, la maitresse qui n'a rien vu, promet de punir le coupable qui dès la récréation devra copier 100 fois, je ne dois pas faire tomber mes camarades. Un lettre verte, une lettre bleue, une lettre noire et une lettre rouge, s'il vous plait !

Farid, lui qui n'a rien fait, essaie de se défendre et plaide sa cause : "j'ai rien fait m'dame,  z'avez qu'à demander aux autres, on jouait aux bille, on l'a même pas vu  Caro !"

Veux pas savoir dit la maitresse, exécution, sinon, je double  la sentence ! 

Penaud, le pauvre Farid regagne sa place pendant que Romain, témoin de la scène et prêt à intervenir à la moindre injustice, se précipite pour innocenter son copain. Malika qui n'aime pas l'injustice non plus intervient à son tour. 

Je ne veux rien savoir, dit la maîtresse, vous êtes punis aussi ! Et puisque c'est ainsi, je supprime les billes , interdites dans la cour !  Exécution !  Rompez ! 

La semaine dernière, c'est le ballon qu'elle avait confisqué. Avant hier, c'était les  Pokémons, source de dispute entre deux clan. Mais que reste-t-il à ses pauvres enfants ? Et comment vont-ils se divertir à la récréation ? Avec des lignes à 4 couleurs ? Voilà comment on fait aimer l'école ! 

Mais là n'est pas le sujet, n'est ce pas. 

Le sujet, lui traite d'un sujet bien plus grave et bien plus sérieux qui dès demain (nous sommes lundi 4 novembre 2024, veille du mardi 5 novembre 2024) embrasera, le risque est grand, le monde entier. C'est déjà loin d'être la joie partout où l'on va...

Farid, Malik et les autres ont déjà la vie dure. Bien dure, hélas !

La suite de mon histoire, c'est qu'encouragées par le dénouement de la scène précédente, Caroline et quelques autres, garçons et filles se sont plaints d'autres faits dont Farid et sa bande auraient été coupables. Au bout du compte, Farid fut renvoyé de l'école. N'étant coupable de rien, les méfaits on continué. Les parents d'élèves sont intervenus au prés du directeur qui promit d'être vigilant, il faisait toujours la même promesse au parents qui venaient se plaindre, mais n'intervenait jamais. 

Un climat délétère s'installa rapidement. Dans la rue, certains parents s'insultaient, parfois même se bousculaient en venant même à des actes  de plus en plus violents. La violence engendre tours plus de violence ? Que resta-t-il alors à ces enfants pour s'exprimer ? A ces parents pacifistes, car il y en a n'est ce pas, pour lutter contre cette haine rampante et ce désastre lié à l'inculture et au rejet de l'autre ? 

* Ce texte est une fiction, bien entendu !

Et si la maitresse avait été comme moi ? Elle aurait renvoyé Caro à ses prétendues écorchures et bleus de nulle part, aurait, dès la cloche sonnée, entretenu ses élèves d'une leçon de tolérance, expliqué que   même si le droit le permet, il n'est pas toujours légitime. Qu'il ne doit pas être au détriment de certaines catégories de personnes. Que celui ci n'est pas un droit, parce qu'il est discriminent et, pire, c'est du racisme, ce qui est un crime.  Que la vie est faite d'imperfections et qu'il incombe à tous de faire en sorte que la vie ensemble ne soit pas un calvaire pour les uns et marche pied pur d'autres. 


Et maintenant que fait-on ? Bon courage, les amis ! 

Destins tragiques ou croisés.