Vendredi 13.

On est vendredi 13. La Ponette s'est engagée pour son premier appartement. Ce soir elle va au ciné avec son chéri. demain sera un autre jour, peut être je la verrais, peut être pas. Je voudrais être en Auvergne et en même temps je ne fais rien pour y être. Je diffère sans cesse. Le Patou, ce cher Patou n'a encore rien entamé des travaux prévus depuis des mois. Un coup il fait trop chaud, un coup il fait trop froid. Ce n'est jamais le moment de se mettre à l'ouvrage. Et dans le garage s'entasse les objets, le matériel, les matériaux prévus pour... Une annexe de Castorama ! Cela m'agace. Cela me contrarie. Cela me démuni. Mon compte en banque, notre compte en banque aussi !
Le Romain ne donne pas de nouvelle. J'en prends, moi de temps en temps, quand le temps défile et qu'il se fait trop long.  Sœurette parfois m'appelle. Je suis la seule avec qui elle entretient ce genre de relation gratuitement. Sœurette est égoïste, sauf avec moi. Avec moi elle se montre généreuse, partageuse. En même temps, je peux le dire de chacune de mes sœurs, même si c'est maladroit parfois, même si c'est pas toujours ni comme je le voudrais, même si et malgré toutes les imperfections et incompréhensions. C'est bon d'avoir des sœurs. Je vous aime. Vous n'avez même pas idée du dixième de ce que je vous aime. Mais vous êtes si loin. Alors de loin je vous aime comme j'aime Jean Paul, Bernard, Christiane, Danielle, Michelle, Gerard nos cousins. Ils sont mon enfance, mon passé, mes racines. Grâce à  vous tous, je sais qui je suis car je sais d'où je viens.
La vie grâce à nos jeunes, s'écoule. Nous continue. Nous perpétue. Nous prolonge au delà de notre propre vie.  Aurons nous su leur transmettre le flambeau de nos racines ? De nos richesses ? De nos acquis ? Parfois j'en doute. Parfois je me dis que oui. Le peu que nous avons su faire, le peu que nous avons légué est là pour donner des repères. Ils s'en imprègneront. Ils les continueront. Jusqu'à les parfaire. Ils les adapteront. S'en inspireront pour  construire un monde meilleur  qui correspondra aux besoins d'un futur qu'ils sont prêts à construire de la meilleure façon.
Dans trois jours, c'est l'anniversaire de Marie Augustine Bory, dite Maria. Elle va avoir 140 ans.
 Je suis née le même jour qu'elle. Parfois je me dis que son destin est quelque peu aussi le mien. Alors je m'interroge. J'explore le temps. J'explore les lieux. Je refais le parcours qui fut le sien depuis ce 16 juillet 1878 jusqu'à ce 16 juillet 2018.  1998, victoire des bleus. Nous venons d'acheter les Garaudies. Alain mon beau frère, Jean Louis, Annie, Nicole et les enfants sont là. Ils nous aident à retaper le toit.
Alain et Jean louis passent à travers la toiture et atterrissent dans la pièce du dessous. Sans gravité heureusement. Nous sommes le 12 juillet. Pierrot le voisin et son épouse, Bernadette reviennent du baptême de leur petit fils. Ils entendent des clameurs. A a maison, il n'y a qu'un cri. Jean Louis, Alain, Annie et puis Nicole s'en vont  place de la Ré. Ils se joignent aux autres. La France a gagné. Nous sommes champions du monde. Vive Zidanne. Vive Lilian Thuram, Laurent Blanc et tous les autres. La France qui gagne et c'est l'apothéose ! Que j'aurais voulu la même pour défendre de justes causes !
Las ! Il n'en sera rien. Combien de déchéances ? De désillusions . 22 avril 2002 : c'est la France qui perd. Ce sont nos libertés qui sont menacées. Combien de rêves avortés ? 2003 : réforme des retraites, loi Fillon. On en prend pour 5 ans. Au bout ? Aggravation de nos régimes de cotisation. Décote, allongement de la durée des carrières, chômage intensifié. 2007 : Sarko, et c'est pire encore. France télécom fait ressortir la souffrance immense au travail, 29 suicides sur la seule année 2009, mais ailleurs, qu'en est-il exactement ? Casse toi pauv'con et en 2012 c'est  un capitaine de pédalo qui s'improvise  chef de vaisseau. Encore un tour de plus et voilà que jupiter vogue en solitaire et coule la flotte de notre histoire, de notre mémoire, de nos acquis, de nos valeurs, où va t'on ? Jusqu'en quels tréfonds ?
 Maria, ma tante, tu en as vu des drames et des misères. Demain je raconterai ton histoire. Non de Dieu, il faut que nous sachions. Savoir d'où on vient pour savoir où nous allons.

2 commentaires:

  1. Délia, un seul mot, bravo et merci! ah bah non, ça en fait deux :-)
    Submergée par l'émotion, enfin tu t'es lancée. Tu écris bien, ton texte se lit sans pause, sans respiration.
    Merci aussi pour la photo. Un avant-goût de ce qui va suivre. J'adore les photos qui parlent du temps d'avant.
    Elle est belle, ta tante Maria. Quel âge a-t-elle sur la photo?
    Pas 140 ans tout de même? Je cherche quelque chose de toi, une ressemblance. Dans le regard, peut être, la commissure des lèvres...

    "Aurons nous su transmettre à nos jeunes le flambeau de nos racines, de nos richesses, de nos acquis?" demandes-tu. Je suis persuadée que oui, la seule chose c'est que personne ne le sait encore, ni nous ni encore moins eux. N'as-tu pas remarqué que cela nous vient plus tard, avec les années qui passent? Quant on est jeunes, à quelques rares exceptions près, les aînés (à commencer par les parents) semblent d'un autre monde, et tout ce qu'ils disent, avec.
    Ce n'est que bien plus tard que les jeunes devenus "vieux" à leur tour pensent, repensent à des mots, des phrases, revivent des situations qui seulement à ce moment là prennent tout leur poids et toute leur valeur.

    Elle a dû "en voir", ta tante Maria. Elle en a connu des membres de ta famille et des histoires. Quelle richesse!
    Est-ce vraiment un hasard que tu sois née le même jour?
    Je ne crois pas, non. Je ne le crois vraiment pas!
    Encore merci Délia. J'attends la suite avec hâte.
    Très belle journée à toi, avec de gros bisous!

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  2. "Ce n'est que bien plus tard que les jeunes devenus "vieux" à leur tour pensent, repensent à des mots, des phrases, revivent des situations qui seulement à ce moment là prennent tout leur poids et toute leur valeur."

    Je me disais aussi ! c'est donc pour ça qu'il n'y a que des vieux dans les manifs !
    Trêve de plaisanterie : elle n'a pas 140 ans, non, mais peut^être la moitié. J'en ai aucune idée. Elle est décédée en 1956. Bien trop tôt pour jouer un rôle éducatif auprés de moi qui suis l'ainée. Merci de ce com qui fait du bien.

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Misère !