Rue Saint Vincent.

 Je suis sûr que vous connaissez tous cette rue.
Quand on est place Constantin Pecqueur – j’en garde le souvenir d’une veste monumentale… - et qu’on remonte un peu ce bord de la Butte, on arrive dans une rue célèbre dans le monde entier.
La photo est prise quand on arrive là où on voit la vigne qui donne la piquette, tout aussi célèbre, de la butte.
Sur la gauche, vous verriez au croisement le « Lapin agile » lui aussi célèbre.
Si vous me disiez ce que vous pensez de cette rue, d’abord quelle est-elle.
Si, dans vos pensées, vous y mettiez les mots :
- Fatidique
- Mère
- Planche.
- Noce.
- Aïeule
- Pantre
- Claquée.
Tous ces mots sont tirés d’une chanson immortalisée par nombre de chanteurs, ,pas tous français.
Vous avez évidemment le droit de la citer intégralement mais ce serait bien si vous en tiriez un récit autre.
J’espère qu’on se lira les uns les autres lundi…


Ah ! la rue Saint Vincent ! Sûr qu'elle est belle, c'est une des plus belle. Liée dans mon histoire à mon passé et mon présent. Rue Saint Vincent, trait d'union entre mon enfance et celle de mes enfants. Rue Saint Vincent, un carré de verdure accroché au balcon de la butte qui se perd dans ce qui est encore sans doute,  le souvenir le plus profond des souches campagnardes qui font qu'on s'y sent bien.  

Qu'en dirais -je à présent? Je me souvient de ce jour si tranquille,  où je l'ai découverte en me promenant. Mais je ne vous raconterai pas une nouvelle fois mon périple, je l'ai déjà fait tant de fois. Juste préciser que sa verdure, ses vignes et son calme chantant avaient pour moi comme un air de campagne et c'est pour cela que je l'aimais tant.

J'y revins juste peu avant mon départ, avec ma mère, elle qui n'avait connu que les cailloux  de ses champs, les pierres des chemins des Enclos à Sablonnière pour élever ses 7 enfants. Elle avait depuis toujours rêvé de venir à Paris, tout le monde en rêvait un jour.  Un demi frère de sa propre mère habitait rue Decaen, c'était loin de la butte, mais ayant vécu quelques années pas trés loin, j'en parlais souvent. J'avais même rendu visite plusieurs fois à cette cousine Maria qui se souvenait parfaitement de Génie, ma grand mère et aussi de maman.  Maman  semblait légère, le jour où nous avons pris le chemin qui monte vers le lapin Agile depuis la porte de Clignancourt.  Je ne me souviens pas si nous avions pris le bus jusque là, ou si nous avions fait le trajet en voiture, ce dont je me souvient, c'est des yeux  de maman.  Nous discutions sans fin. Ma fille nous accompagnait aussi. Elle était si petite, que je devais la porter souvent. Ma mère, elle, s'émerveillait à chaque coin de rue, en écoutant mes histoires et partageait mon quotidien. Arrivées tout en haut de la butte,  elle s'extasia. Elle découvrait Paris depuis ce qui est à mon sens mais pas seulement au mien, le quartier le plus beau et le plus enchanteur de tout Paris. Qu'on me pardonne, c'est le seul où j'ai vécu complètement libre et épanouie. Montparnasse, la Tour Effel, les Invalides, la Seine et les quais, tous ces emblèmes jamais découverts qu'à travers les chansons de rue qu'elle aimait fredonner le matin en tricottant, juste avant de nous réveiller pour l'école et avant la traite des vaches et le pansage des cochons. C'était ça la vraie vie de ma mère. Là, je lui offrais un peu de la mienne. Elle qui avait sans doute eu tant de mal à vivre mon départ de la maison. C'est quelque chose, vous savez, un enfant qui s'en va. Sans doute c'était elle pris à espérer pour moi une vie meilleure que la sienne, et là, elle le découvrait. 


Une de nos cousines par alliance,   était originaire de la butte, on l'avait trouvée à sa naissance, emmitouflée dans un lange, au coin d'la rue Labat, sans doute un accordéoniste qui l'avait posé là.  Personne ne sait si elle sentait bon la fleur nouvelle, mais on était si bien chez elle, quand pour quelques jours on profitait du soleil et de son rire si chantant. Elle ne marchait pas non plus au pantre, mais c'est Arthur qu'elle épousa. On guincha tard le soir sur les planches,  comme on le faisait en ce temps là. Le soir, claquée, par le rythme fou de la noce, elle avait surement revêtu ses habits pleins de trous pour aller traire ses vaches, car chez nous, le travail n'attend pas. Puis à partir du  lendemain  c'est avec un grand  courage  qu'elle releva bien des défis.   Arthur  travaillait un jardinet pour les légumes du quotidien et aussi sa vigne, quelques arpents qui produisaient une vraie piquette, digne du Clos Berthaud de l'époque qui faisait sauter comme une chèvre et rendait gai comme pinson. La rue Saint Vincent n'était pas encore renommée pour la qualité de ses vins. Quand nous venions parfois en vacances chez elle, elle nous servait pour nos 4 heures une tartine de confiture de groseille avec un bon bout de fromage, de sa fabrication, le tout accompagné d'un peu de cette piquette qu'elle avait eu soin de couper d'eau. Ma mère et elle étaient trés liées. C'est disait maman,  ma seule famille, elle voulait dire descendant d'une  de ses aïeules et en dehors de  ses enfants. Mais elle se croyait obligée de préciser que si elle avait eu le choix, elle ne nous aurait pas eu si nombreux, à part moi, elle n'aurait pas eu d'autres enfants si  fatidique le sort qui fut le sien   eut été bien différent. je vécus ceci comme une gêne et me sentant privilégiée, me crus redevable envers elle et envers ma fratrie. 

13 commentaires:

  1. On voit que tu as autant aimé Paris que ta belle campagne !
    J'ai dû aller 2 fois à Montmartre, mais je n'ai qu'un vague souvenir, et ne connais ni la rue Saint Vincent, ni le Lapin Agile.
    Je t'embrasse Délia

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  2. Tu as encore le temps, il n'est jamais trop tard. Mais peut être que tu n'y trouverais pas autant d'éclat qu'elle put en avoir. Il en est de même pour moi. Le temps qui passe terni beaucoup les choses, il faut se souvenir des belles que l'on croise et c'est peut être en pensant à tout ça qu'on arrive à trouver à la vie un peu d'e ce parfum délicat. Je vais de ce pas m'affronter aux escaliers d'Ekla,, aprés ceux de la butte, je peux bien monter encore quelques marches, peut être en bateau en moto en roller électriques, que vais je devoir faire aujourd'hui ? Je t'embrasse en attendant.

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  3. C'est chouette, ce devoir fait remonter en toi tout plein de bons souvenirs. et je vois que ta mémoire est intacte !
    Je ne suis allée à Montmartre qu'une seule fois, lors d'une rencontre de blogueurs, j'aimerais bien y retourner... Paris quoi ! ;-)
    Gros bisous ma Délia ♥

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  4. Oui, moi aussi. On s'y retrouve ? Et on invite Fabie ? On fera un petit coucou au prof. Bien sur, si Ambre veut nous accompagner ce sera avec joie ! Bisous ma Pralinedouce.

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  5. Ah là là ! Si tu savais l'intensité de l'émotion qui m'a saisi en te lisant. Ne me demande pas pourquoi : je ne sais pas trop ! C'est beau ! Tellement évocateur ! J'ai l'impression d'être un témoin privilégié du passé, de toute une histoire familiale et de la tienne en particulier.
    Et puis ce regard de ta mère sur toi qui se mêle au regard de toi sur ta mère. Comme si tout était dit de l'envol nécessaire pour que renaissent ensuite une liberté bienheureuse. C'est cela la véritable aventure familiale, ce rapport filial qui lie les générations entre elles auquel ton texte rend tellement un beau témoignage.
    Merci, merci.

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    1. Je trouve mon texte assez mal écrit en le relisant. Parfois on veut aller trop vite ou dire trop de choses en même temps. Mais je suis contente qu'il reflète au moins des émotions. Merci de ton commentaire qui me fait énormément de bien (je crois que j'en avais besoin). Quant au rapport filial , fil des relations entre les générations, je me pose souvent la question à propos de celui qui me relie à mes enfants. Comment mes parents ont vécu et avant eux, les leurs, le départ de leurs enfants, même si avant on ne s'éloignait pas autant, est ce qu'on se voyait plus souvent ? Et surtout pourquoi je n'arrive pas moi, à accepter sans souffrance que mes enfants ne soient plus dans mon giron ? L'être humain a un drôle de fonctionnement, non ? Enfin. Je te remercie à nouveau et te souhaite une bonne journée.

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    2. Existe-t-il des mères, je veux dire des vrais, qui ne ressentent pas de la difficulté, voire de la souffrance, lorsque les enfants s'en vont vivre leur vie, autrement, ailleurs, loin parfois. Je n'en ai pas rencontré beaucoup qui restent insensible à tout ça.
      L'enfant devenu adulte n'a plus besoin de ce « côté protecteur toujours et partout » de la mère. Les mères vivent cela au quotidien durant de longues années. Alors il faut une deuxième fois couper le cordon ombilical un jour ou l'autre. Je crois que cette souffrance peut se transformer en joie de les voir « parti dans leur vie, sans nous » et affronter le monde tel qu'il est, vivre à leur tour des bonheurs et des peines, tout en sachant que les parents seront toujours là, même lorsqu'ils seront partis voir ailleurs si l'eau est fraîche et l'herbe tendre dans un éventuel « au-delà ». En attendant poursuivons l'aventure de la Vie…

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    3. Merci de ce retour. Tu expliques bien ces choses qui nous tourmentent. Tu nous rassures. Tu nous instruis. C'est toujours un plaisir de te lire sur ce registre, comme sur d'autres d'ailleurs (je sais, je pourrais être plus régulière dans mes lectures !) Bonne journée à toi.

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  6. C'es drôle comme on ressent cette rue selon qu'on est parisien du coin ou que l'on est venu de la campagne.
    C'est à la fois très différent et très proche.
    C'est une rue qu'on vient arpenter du monde entier pour son atmosphère qui n'est jamais sortie de l'époque d'Aristide Bruant.
    Merci de vision nouvelle de cette rue.

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  7. Je pense que ce ressenti est propre à chaque personne et sans doute même, différent à chaque instant. Enfin dans ce temps là, aujourd'hui, je ne sais pas.

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  8. Moi qui ne connaissais pas du tout ce coin, tu me le fais découvrir avec beaucoup d'émotions, y mêlant ton histoire personnelle et celle de ta maman ! je me sens proche de ce que dit Alain ! Un vrai plaisir de te lire, merci ! et arrête de penser que ce que tu écris est mal écrit (cf ce que tu réponds souvent). Crois moi, les émotions que tu fais passer sont elles, bien vivantes, et je me réjouis déjà que tu penses à reprendre ton recueil de textes.
    De gros bisous Délia Jolie
    PS qui dit encore "pour mon 4 heures" ? :-)

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  9. Ma bien chère soeur de tout ce que tu es, plus personne à part quelques vieux comme nous n'emploie ce genre d'expression, à tel point qu'on les oublie. Et c'est dommage ! Alors quand certaines me reviennent je me fais un grand plaisir de les faire revivre. C'est aussi ça notre culture avec les fromages, le bon vin, les bonnes tables, les belles vaches (surtout les belles vaches, 43 races différentes recensées en France) et notre patois. Alors, oui, je ne me prive pas.
    Pour le reste, tout le monde a ses failles. Je t'embrasse ma douce, je n'ose pas le dire, mais je pourrais aussi faire de l'inclusif, sauf que je m'y refuse, ce n'est pas dans ma culture.

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  10. ah! bien sûr, si c'est du vécu!
    j'ai bien fait de me taire, cette semaine, qu'aurais-je pu dire ;-)

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La tarte à la "belide"