Nous sommes donc le 16 juillet et c'est me semble-t-il le moment pour moi de participer au petit atelier proposé par Ambre, il y a quelques semaines. ici
Comme j'ai pris un peu d'avance pour fêter mon âge, avec la Ponette, je viens rectifier ici ma date de naissance, j'ai dit que j'avais 5 ans il y a deux jour, aujourd'hui j'en ai un peu plus, mais voyons ce que ça donnait à l'époque.
J'avais déjà 2 soeurs, et ce jour là me vint un frère. C'était un peu tard dans la journée. Le bébé ne voulait pas descendre, il se présentait mal. Ma mère a souffert longtemps pendant que nous étions entrain de jouer innocemment, nous doutant de quelque chose de particulier, sans savoir la gravité de la situation. Mon père avait interrompu ses travaux des foins. La Charmante et la Blonde étaient restées à l'étable. Peut être même les 3 autres, la Jaccade, la Mignone et la Jolie. Ou bien quelqu'un, mais qui ? s'en était occupé et les avait conduites au pâturage, avec la Laurette, notre vieux chien de berger, inoubliable chien, irremplaçable aussi. Je ne me souviens plus de ce qui à l'époque n'étaient que des préoccupations des grands... Je sais seulement que de cette journée, des séquelles en sont restés.
J'avais 5 ans et j'aimais depuis toujours, mes vaches. Je jouais, j'avais mon grand père pour me raconter des histoires, bientôt j'irai à l'école, mais le temps était encore loin. Je n'y suis allée que le printemps suivant et encore seulement quelques semaines. Je sais que cela peut vous paraître étrange, à l'heure où les bébés sont scolarisés dès 2 ans. Mais je vous rassure, j'ai fait mon chemin, tout aussi bien, je n'y serais pas allée du tout, je m'en serais encore mieux portée, je détestais l'école.
Elle me prenait ma liberté, l'affection des miens, le pépé, la maman, et surtout elle me soustrayait à mes vaches !
Et puis il a bien fallu m'y faire à cette école. Ce n'était pas rose du tout. J'étais dyslexique et eus du mal à apprendre à lire et à écrire. pourtant j'avais envie d'apprendre. Comme je ne comprenais rien à l'enseignement, la maitresse était trés dure avec moi. Cela n'arrangeait rien à l'affaire. Je n'étais pas la seule à souffrir et 2 ans plus tard, je mesurais la douleur engendrée par cette terrible épreuve, aller à l'école, quand arrivée au pont de la Maillerie, là où la côte fait mal aux jambes, ma petite soeur que je tenais par la main, me suppliait d'aller moins vite parce qu'elle avait mal au ventre. D'ailleurs ce pont de la Maillerie est pour moi, symbole de malheur. C'est toujours lui qui apparait lors de mes cauchemars et rêves prémonitoires m'annonçant quelque chose de grave.
La douleur, chez elle, n'était pas feinte et les coliques se déclaraient toujours au même endroit, dans cette côte aprés les deux cascades, là, sous l'allée de hêtre qui bordaient la route.
Parfois au retour, si les mauvais garnements qui faisaient le chemin avec nous et nous tiraient les cheveux et autres tortures, n'étaient pas là, nous en profitions pour ramasser quelques faines que nous dérobions aux hérissons.
Parfois nous faisions le chemin avec quelqu' adulte revenant de commissions, le trajet prenait alors une allure beaucoup plus sereine et la tranquillité nous était permise. Nous en profitions alors pour échanger quelques confidences au sujet de notre quotidien ou de notre journée d'école. Combien de vaches à l'étable de notre accompagnant ? Combien de bons points en lecture ? En calcul ou en conjugaison ? J'aimais bien la conjugaison, pas comme maintenant où j'écris avec beaucoup d'étourderie et des pertes de mémoires. Ma petite soeur aimait bien la lecture et aussi les exercices de calcul. On faisait nos devoirs arrivées à la maison. Papa faisait lire ma petite soeur et moi, c'est maman qui m' aidait pour l'écriture. C'est elle qui m'a appris à écrire, pas la maitresse, elle, elle me punissait parce que je faisais les lettre à l'envers. Je me souviens de cette fois, où il avait fallu courir aprés les cochons qui s'étaient échappés de leur enclos. Naturellement il était tard quand la journée se terminait. Le travail n'était pas fait. Il fallait procéder à la préparation du repas, à la traite des vaches et au pansage des gorets. Dans la précipitation, ma soeur renversa du liquide sur son livre de lecture. Cela tâcha le livre. Papa eut alors l'idée de tamponner la page avec un peu d'essence qu'il mettait dans son briquet. Cela sentait fort et le lendemain, il dut faire un mot pour la maitresse, en expliquant comment le livre avait été tâché.
Et puis le temps passa, les autres frère et soeurs devinrent potaches à leur tour. Nous avions pris de l'âge et fréquentions la cour des grands. Pour nous ça allait un peut mieux, les plus grand étaient partis et les trajets se passaient bien.
Les rentrées se succédaient, bientôt, j'allais quitter la cour des grands pour rentrer au collège. Nouveau supplice. Ce collège ressemblait à une prison. Prison = privation. J'étais interne et ne revenait à la maison que tous les 15 jours. La semaine se déroulait selon les enseignements, de manière assez irrégulière et perturbée. Pendant trois ans, j'ai connu le martyr. Je déprimais sérieusement, mais personne ne voyait rien. Je passais mes soirées d'étude à m'arracher les cheveux par touffes entières, et mangeais mes ongles jusqu'au sang. Je faisais crises d'angoisse sur crises de larmes. Jusq' au jour où redoublant ma quatrième pour cause de mauvais travail, je pris conscience que je grandissais maintenant plus vite et que tout cela se terminerait bientôt, qu'il fallait se mettre au boulot pour que tout cela finisse le plus tôt possible. De ce jour ma vie changea. Je ne pleurais plus puisque jusque là cela n'avait servi à rien. Au contraire, je devins une élève chahuteuse et provocatrice. Et puis il y eut mai 1968. La grande prise de conscience. L'année d'avant déjà j'avais suivi les aventures du Ché dans la Cordillère des Andes. Pour la radio, c'était le pire bandit de la terre, pour moi c'était un héros.
Mes autres héros, c'était Poulidor, Rick Van Loy et Fédérico Bahamontès, l'aigle de Tolède. Si jusqu'alors je ne parlais que de Claude François, mon univers avait radicalement changé, je m'étais ouverte, presqu' épanouie.
Je commençais à tomber sous le charme de quelques jeunes hommes, sans pour autant succomber, tout cela restant du domaine virtuel. Pour les choses sérieuses on verrait plus tard, ce n'était pas l'heure encore, quelques années de plus seraient nécessaires.
J'avais 16 ans, il se présenta en la personne d'un jeune homme venu faire des travaux d'adduction d'eau au village. C'était la première fois que j'embrassais un garçon.
Puis je quittais l'école, une amie de la famille se mit en tête de me trouver un mari. En avais je besoin ? Naturellement, il ne me plaisais pas. La démarche non plus. Il vint cependant plusieurs fois dans l'idée de me conter fleurette. Mais pas si vite mon gars ! tu n'es pas au siècle précédent, là ! Je suis peut être assez grande pour trouver moi même, non ? Pendant qu'il faisait son cinéma, moi, je m'occupais de mes vaches. Je n'avais pas de boulot en sortant de l'école. Une tentative de reconversion du côté Limousin m'occupa durant 2 ans encore. Mais pas plus que la première fois, je ne trouvais d'emploi. Je partis quelques mois, du côté d'Ambérieux en Bugey. Mon père me raconta sa démobilisation à Ambérieux, précisément. Nous avions de grandes conversation tous les deux, au sujet du monde qui n'allait pas si bien. Nous restions tard le soir, quand la maisonnée s'en allait dormir. Nous refaisions le monde, plus juste, avec moins de malheur et de pauvreté. Il m'expliquait. Il parlait et moi j'écoutais. C'était des moments forts, riches, intense. Il avait beaucoup voyagé de la Sambre à la Meuse, du bois de Maucher à la forêt d'Eu. De la Bourgogne à la Champagne et de la Suisse Romande à la Normande. Il faisait pour moi le professeur de sciences humaines et sociales et de géographie. Pendant ma période de chômage, qui dura longtemps, il acheta une vache de plus et ensemble nous besognions à la ferme. La Roussette était brave et docile. C'était ma vache. Quand elle eut son premier veau, ce fut une petite vêle, une petite Montbéliarde. Naturellement, je la gardais. Fauvette me suivait partout, comme un chien, comme Lionceau aujourd'hui, elle était ma compagnie, mon amie pour la vie. Cette vache exceptionnelle vous en aurait dit long sur mes amours échouées et sur les stratagèmes que nous montions, elle et moi pour échapper au coup de foudre du prétendant dont la maitresse voulait se débarrasser.
Mais la vie n'est pas toujours un fleuve tranquille, si long qu'il soit. Les enfants sont faits pour quitter le nid.
Entre temps, il y avait eu ce fléau pour les petites exploitations agricoles, je veux dire le remembrement. Notre propriété fut démembrée de pièce en pièce. Nos champs des Enclos furent attibués à d'autres, plus gros, plus influents, qui étaient là pour se servir. A la place on nous donna des joncs et des marais. Cela ne faisait pas le compte. Nous n'étions pas riches, nous le serions encore moins.
Au retour d'Ambérieux, je trouvais de l'embauche au central téléphonique d'Issoire, pour l'été. Cela dura deux ans. Je passais le concours des PTT avec succés et il mit fin à mon emploi Auvergnat. Il fallait partir, définitivement partir. Ce que je fis. Aprés plusieurs mois de galère je faisais péniblement mon trou à la capitale. Quand je rentrais pour la première fois, il manquait une vache : ma Charmante. Une trahison de plus pour moi. J'eu du mal à l'accepter. Comment avait on pu en mon absence se séparer de ma vache sans même oser me le dire ? Je n'ai jamais compris. J'en ai beaucoup voulu à mon père. Plus tard il la remplaça par une autre Charmante, mais ce n'était pas la mienne. Je l'aimais bien, elle aussi, mais pas pareil. Quand elle donna naissance à une petite vêle, un mois aprés la naissance de mon fils, j'insistais pour qu'on la garde. Chez nous, les veaux sont fait pour partir, c'est à peu prés la seule source de revenu. Celle là, on allait la garder. Noisette, ma vache fétiche.
La vie est compliquée quand on quitte le nid avec un tel changement. Je me sentais abandonnée. C'est à ce moment que Je rencontrais un garçon sans l'aide de la traine savate (c'est comme ça qu'on appelle les marieuse, par chez nous !). Cela marcha quelques années, puis ce fut la rupture. De grâce ! Et bien m'en prit. Je le quittais pour un autre, avec qui cela dure depuis 43 ans, aujourd'hui, précisément. Même si l'enthousiasme est loin d'être le même, le temps ne faisant pas que rider les fronts, il brise aussi souvent les rêve et ajoute bien des complications. Je quittais donc mon appartement de la rue Stendhal dans le 20ième (que j'avais eu bien du mal à obtenir) pour un petit studio dans le 18ième. Je crois que ce fut la période, aprés ma prime enfance, la plus faste de ma vie. Nous étions heureux, le Patou et moi. des projet on en avait plein (cela c'est bien calmé depuis !)
Le 18ième est l'endroit que je préfère de Paris, c'est celui où j'ai les meilleurs souvenirs.
Au cours de l'année qui suivit notre rencontre, un collègue à nous quitta son appartement pour une ville de province. Nous en avons profité pour prendre sa place. C'était la rue des Rosiers à Saint Ouen, à quelques pas du marché aux puces. Bien que n'aimant pas beaucoup le quartier, on était bien à Saint Ouen, et quand Romain s'annonça on déménagea pas trés loin, dans une tour de l'avenue Michelet, à une demie heure de mon travail au central téléphonique Montmartre (on dit un central téléphonique, pas une, qui est réservée à d'autres énergies). Là j'appréciais l'esprit fraternel et convivial. Ce fut la période la plus riche et la meilleure de ma vie. La naissance de mes enfants y contribua grandement. Manon suivit quelques années aprés son frère. Puis ce fut le déclin. Pas le mien, non, mais celui de la grande maison commune à la poste et aux télécommunications, concrétisée par la privatisation. La fermeture des services, la débandade organisée, orchestrée par un pouvoir compromis et à la solde du capital (fallait que je la place, celle là ! ouf, c'est fait) Militante syndicale à la tête de la section depuis quelques années, je multipliais les réunions pour sauver ce qui pouvait encore l'être. Les grandes grèves de 1995 suivies de l'arrêt du plan Juppé sur le démantèlement de la sécurité sociale (et oui, déjà, mais on n'en n'a pas fini, il faut encore la défendre, et plus que jamais), avaient ouvert des portes à l'éveil de jeunes militants qu'il fallait épauler pour qu'ils s'aguerrissent. Merci Serge, Fred, Laurent, et bien d'autres, merci d'avoir secoué le cocotier et nous avoir remué les fesses !
Mais cela n'a pas suffit et 1996 voyait la fin du central Montmartre. Les anciens avaient baissés les bras. Les jeunes devraient trouver leur voix. Ils le firent brillement, mais non sans difficultés. La résistance n'y suffit pas.
Pour notre part, ce fut l'opportunité de repartir vers la province. Fini Montmartre, Saint Ouen et le 18ième. Bonjour Limoges, la jolie gare la plus belle du monde, mais j'héritais du service le plus pourri des télécoms !
Les enfants eurent bien du mal aussi, l'un qui se prenait des heures de colle pour un gland lancé dans la cour du collège, pendant que l'autre se trouvait mise au rebut parce que trop timide et dépaysée, par une institutrice qui avait plus de la marchande de parfum que de l'enseignante et plus de compassion pour son chien que d'intérêt pour nos enfants. Ah je l'ai maudite, celle là, la garce ! Une pétition eut lieu à son encontre parce qu'elle amenait son chien à l'école (en maternelle) et qu'il pissait en classe. Ma fille avait 4 ans.
Je n'ai pas que de bons souvenirs de mon retour en province, loin s'en faut. Comme je n'ai que de mauvais souvenir d'école, pareil à bien d'autres, et y compris à ma fille, d'ailleurs, mais aujourd'hui, je suis apaisée. Je sais que la vie nous réserve encore bien des affres, cependant en regardant loin dans le rétro, je crois avoir eu une vie heureuse.
Voilà la boucle se referme, on va partir un jour, comme tout le monde. Sachons apprécier les bons moments, négligeons en aucun. Laissons les cons de côté, il y a assez de braves gens pour ne pas s'encombrer des autres. Bonne journée à tous qui viendraient me lire.
Une petite image peut être ?
Tiens ! la Fauvette pardi, ici avec sa maman et la Pomponne qui nous tourne le dos.
Aujourd'hui c'est ton anniversaire (et aussi ton anniv de mariage, ça me revient maintenant) (et pas celui de ton frère ?) bon, j'arrête avec mes parenthèses ! Aujourd'hui c'est ton anniversaire et c'est toi qui nous fais un cadeau ! et quel cadeau ! Quel texte magnifique ! J'adore !
RépondreSupprimerMERCI beaucoup Délia, ta vie n'a pas été un long fleuve tranquille mais c'est une jolie vie, avec des hauts et des bas. J'espère que le cours du fleuve sera pluôt apaisé à partir de maintenant.
Je t'embrasse encore !
Mais si bien sûr, celui de mon frère aussi. D'ailleurs je viens de lui souhaiter au téléphone, puisque je suis loin. Pas terrible non plus pour lui qui les accumule les unes aprés les autres. Sa Marie a encore des problèmes de sante, aujourd'hui c'est les poumons. Décidément, elle me fait penser à Ouvrard, le chanteur des années trente qui est toujours patraque (https://www.bing.com/ck/a?!&&p=1b8ec9355f600687fc66941f804846f1780e5ab20ca9dcff3dbd158a5714ed93JmltdHM9MTc1MjYyNDAwMA&ptn=3&ver=2&hsh=4&fclid=0a796b97-972e-6daf-3c6a-780996976cb4&u=a1L3ZpZGVvcy9yaXZlcnZpZXcvcmVsYXRlZHZpZGVvP3E9b3V2cmFyZCtjaGFudGV1ciZtaWQ9MzU3MTYxMzgzNzMwNERBMDM3NjgzNTcxNjEzODM3MzA0REEwMzc2OCZGT1JNPVZJUkU&ntb=1)
RépondreSupprimerPas un fleuve tranquille mon frère, non !
Merci à toi en tous cas pour ton petit message. Je t'embrasse.
Que de souvenirs bons et moins bons…
RépondreSupprimerAh ces institutrices pas du tout faites pour exercer le métier de soutenir leurs élèves plutôt que de les punir… J’en ai fait l’expérience moi aussi avec mes deux fils… Plutôt que d’appuyer sur les progrès, elle appuyaient sur les faiblesses..
Toi aussi on a voulu te caser 😉. Moi c’est ma grand mère paternelle qui le voulait lorsque j’ai loupé mon BAC…
Comme toi je me suis débrouillée seule 😂, plus ou moins bien d’ailleurs…
Bon j’ai tenu 20 ans.
Là maintenant j’en suis à 22 ans… Et comme chez tout le monde rien n’est simple!
Bon anniversaire de nouveau (une carte est partie il y a une semaine), à toi à ton frère qui cumule lui aussi les soucis à ce que je lis 😞.
Je t’embrasse très fort ma Délia 🥳😘
ça fait du bien ces petits messages. Je sais bien que ce n'est facile pour personne, hélas, enfin pour ceux qui sont du bon côté du manche, on ne se fait pas trop de soucis, ils gavent bien assez sur notre dos !
RépondreSupprimerJe crois que l'école était une arme des puissants pour effectivement casser les résistances dés le plus jeune âge. Certains s'en sont mieux sortis que d'autres. Dans la jungle, c'est la loi du plus fort. Merci pour ta carte que je n'ai pas encore reçu (mais que fait la poste ?) Je t'embrasse.
Mais quel magnifique texte ! émouvant de souvenirs tellement précis !
RépondreSupprimerMa fille habite Ambérieu et oui la gare de Limoges est superbe.
Non, la vie n'est pas un long fleuve tranquille et j'ai bien peur qu'il devienne incontrôlable...
Encore heureux anniversaire ma Delia, je t'embrasse fort ♥
Merci Praline. Situ connais la gare de Limoges, tu connais Limoges. belle ville s'il en est. où coule une rivière paisible qui rejoint le long fleuve qu'est la Loire pas si tranquille que ça. je t'embrasse moi aussi.
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