Je sais bien, lectrices chéries et lecteurs chéris aussi mais pas pareil, que l’automne arrive et que vous n’êtes pas tous des Parisiens forcenés.
Il m’a semblé judicieux de vous rappeler combien cette saison est belle.Je suis persuadé que vous saurez l’écrire bien mieux que je ne saurais le faire.Même si je suis sûr que l’automne n’est nulle part aussi beau que sur le Quai des Orfèvres, oui là où on poursuit si activement le criminel et l’assassin.J’admets qu’il est aussi merveilleux assis sur un banc du Jardin des Plantes ou le Jardin du Sacré Cœur.Il l’est sûrement ailleurs mais dites-moi lundi comme il est beau chez vous.
Au milieu coule la Seine, tranquille, reflétant la silhouette des platanes le long de ses quais. L'automne est une belle saison. Si on ne peut qu'admirer tous ses attraits, son calme et sa sérénité, j'avoue que pour ma part, je l'ai appréciée différemment selon les années.
C'est à l'automne de 1976 que j'ai quitté définitivement mon Auvergne natale et ses belles couleurs pour la région parisienne. Pourtant je peux dire que mon coeur y est toujours resté. Ce ne fut pas simple d'écouter mon père me dire de partir sans me retourner, comme lui l'avait fait en 1939, c'était à l'automne aussi, il avait 20 ans et ne savait pas ce qui l'attendait.
Moi non plus je ne savais pas trop où j'allais. La capitale, j'en rêvais, mais je la redoutais. Serait elle à la hauteur de mes espoirs, ou à la dimension de mes regrets ? Ce ne fut pas simple au début. Il a fallu s'adapter. Lorsque je pris le train à la gare d'Issoire, ma valise à la main, mon billet en poche et mes économies, si maigres, plaquées au fond de mon bagage à main, je laissais tout ce que j'aimais... mes soeurs à qui j'ai beaucoup manquée, m'ont-elles confié par la suite, avec cette sensation de maison qui se vide, dont elles m'ont si souvent parlé. Mes parents qui ne me l'ont jamais dit, mais dont j'ai toujours su combien ce fut dur pour eux. Mes champs, mes prés, où je n'irai plus galoper, mes vaches, particulièrement la Charmante que je ne reverrai jamais.
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le champ des Enclos |
Alors c'est vous dire si l'automne le long des quais, fut-ce celui des Orfèvres, combien je l'ai détesté, combien je l'ai maudit avant de finir par l'accepter. Il a fallu des années et que je devienne maman à mon tour, pour voir enfin combien ici aussi il était beau. C'était à l'automne de 1985. A peine hier.
Tant de choses se percutent dans ma tête. Elle en est lourde à éclater.
Vous parlerai-je de ces rentrées Parisienne, où tout se bousculait ?
Vous parlerai-je de ces automnes : ceux qui sont lourds à en pleurer ? Quand aprés tant de liberté, je dus quitter ma mère et aussi tous ceux qui m'aimaient ? Ma première rentrée des classes où je me sentis abandonnée. Ma première rentrée au collège, où là, je fus carrément emprisonnée ? Puis vint celle du lycée, si triste à en mourir, mais à laquelle je survécus sachant que désormais, il n'y en aurait plus d'autre aprés ?
Vous parlerai-je de ces automnes où un samedi sur deux, le car me ramenait à la maison, et où passant par la grand route qui borde notre champ des Enclos, j'avais envie de sauter en marche pour aller câliner la Charmante qui broutait tout à côté ? Me jeter au cou de papa et maman qui s'activaient aux pommes de terre ? de mes frère et soeurs que j'enviais d'être restés prés d'eux, pendant que moi, je suppliciais au pensionnat, ne sachant quand cela finirait ?
Je vous parlerai surtout, je crois, de cette beauté naturelle qu'offrent les fayards du bois des Barthes, les chênes des Enclos, les fougères et les aliziers du bois de la Berthe, le long du chemin caillouteux qu'on empruntait pour rentrer le bois pour l'hiver avec la Jaccade et la Mignone. De la force qu'il leur fallait pour trainer les lourds chargements jusque devant l'hangar devant la maison. De leur courage quand elles allaient chercher la batteuse sur le versant opposé. Je vous parlerais de l'odeur des myrtilles dans les sous bois des Narses à la Pinatèle et des cueillettes de champignons au gout de noisette et d'herbe séchée. De la couleur des aliziers, des sorbiers et du raisin muscat qu'on dégustait en allant garder les vaches dans quelques prés. C'était aussi celui du gout des pommes reinettes, des noix, des coings que maman transformait en gelée. Jusqu'au fleurs de chrysanthèmes qu'avec papa, on déposait au cimetière parce que c'est là qu'on avait laissé les nôtres pour leur dernier voyage, et qu'il fallait bien leur rendre visite compte tenu que c'est pas eux qui le feraient.
Je vous parlerai de la terre qui fume les matins brumeux, quand juste retournée, elle accueille le grain que le semeur d'un geste auguste va lui confier. De ces labours où elle colle à la semelle des sabots, quand lourde et grasse elle se prépare à se reposer.
Je vous parlerai de nos bavardages avec maman, les soirs à la veillée. Je vous parlerai du chien qui attend sa soupe couché sous la table dans la "maison" avant d'aller rejoindre l'étable pour la nuit en compagnie des vaches qui secouaient leur chaine pendant qu'on les trayait. Je vous parlerai des devoirs d'école fait sous la lampe avant le souper. Des matins frais où on se réchauffait en sautillant avant de prendre le chemin de l'école où on n'avait pas envie de retourner.
Je vous parlerai aussi de ce calme retrouvé aprés les longues journées d'été où on avait beaucoup travaillé.
Aprés les moisson, à la fin de l'été, on attendait l'automne que l'orge et l'avoine soient récoltés, pour faire les battages. On confectionnait alors un gros tas de gerbes qu'on appelait la maille, en attendant la venue de la batteuse dans chaque ferme, pour séparer la paille du grain. Tout cela se déroulait à l'automne et faisait partie des travaux les plus pénibles, mais il y avait l'entr'aide où familles, voisins parfois lointains, prêtaient main forte, à charge de retour sur investissement. La richesse s'appelait les bras.
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la confection de la maille dans le pré derrière notre maison. |
Je vous parlerai des dernières récoltes, des battages, des semailles, des longues soirées et des difficultés à se chauffer.
Je vous parlerai de tout ce qui fut nous, de ce temps lointain qui ne reviendra jamais, de tous ceux qu'en chemin on a croisé, qu'on a laissé et qu'on ne reverra jamais.
Je vous parlerai des derniers rayons qu'un soleil oblique darde encore avant de disparaitre derrière le Sancy au loin, ou plus loin encore tombant comme une boule de feu, dans la mer sur une côte Bretonne que j'aime tant à retrouver.
La mer et son écume mouillant mes pieds, je le regarde sombrer puis disparaitre sur l'horizon lointain pour éclairer une autre partie du monde où je n'irai jamais.
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la plage de Plougrescant un soir d'octobre.
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Automnes de mes amours, automnes de mon enfance, automnes de mes errances. Je vous aime et le proclame.
Automne dernière saison avant l'hiver. Dernière ligne, dernier virage avant la fin ...
Pour vous montrer qu'il n'y a pas que là où on traque les criminels et les assassins et pas qu'eux, et sans vouloir contrarier notre prof émérite et bien aimé, voici quelques unes des vues que j'ai eu l'occasion d'apprécier lors de mes errances.
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Chambon sur Dolore
| le col du Fossat sur les hauteurs d'Ambert |
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Echandelys, le moulin neuf |
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Aix La Fayette, Ladoux |
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la vallée de Chaudefour |
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La Pinatèle |
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Echandelys, les Enclos |
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myrtilles et gentianes sur le plateau du Guerry |
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Echandelys La Pinatelle |
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les vignes de Saint Maurice es Allier un matin ensoleillé |
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La mer Bretonne |
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La route de Sallède en rentrant sur Clermont un soir de novembre avant le soir qui tombe |
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le talus en face de chez moi |
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mes envies de champignons |
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Ronaye |
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Le puy Chopine et le puy des Gouttes avec leurs troupeaux de moutons. |
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petits villages accrochés aux montagnes qui bordent la Comté |
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Fournols sur le plateau des Andes. |
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La plaine de Billom, aprés la moisson, juste avant les labours.
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et bien! on en prend un fameux, un vrai grand coup de nostalgie :-)
RépondreSupprimermagnifique série de photos!
Je voudrais bien en faire d'autres cet automne, mais il faut patienter !
SupprimerQuelle multitude de souvenirs !
RépondreSupprimerDes bons, des moins bons, mais tous bien présents dans ta mémoire.
Je ne saurais être aussi précise que toi, j'ai beaucoup trop enfoui mes souvenirs...
Très très belles photos !!!
je t'embrasse ma Délia
Il y a les bons et les mauvais souvenirs comme tu dis, j'ai sans doute plus de chance que d'autres car j'ai pu garder beaucoup de bons. En même temps on ne peut pas se souvenir de tout. Et dans ton cvas, ça peut se comprendre, on n'a pas forcément envie de retirer le moucvhoir qu'on a posé par dessus. Je t'embrasse ma douce.
SupprimerComme toujours, tu ponctues tes histoires d'images magnifiques de ton coin préféré.
RépondreSupprimerC'est vrai que comme certains ont leurs têtes, moi j'ai mes coins !
SupprimerQuel magnifique texte, j'en ai la gorge serrée... et ces photos, toutes plus belles les unes que les autres. Bravo pour exprimer aussi joliment tes souvenirs... des douleurs, des bonheurs, la Vie quoi !
RépondreSupprimerGros bisous ma Delia ♥
Je crois que c'est pour tout le monde pareil, même si certains ont plus de mauvais que d'autres. Je fais partie de ceux qui n'ont pas à se plaindre ! Gros bisous ma douce.
SupprimerTu n'es vraiment pas parisienne et c'est pour ça que tu parles si bien de ta campagne.
RépondreSupprimerJe ne crois pas, non. J'aimais Paris aussi, je n'y serais pas restée si longtemps sinon. Et surtout je n'aurais pas eu autant de regrets d'en partir non plus.
SupprimerEn quelque sorte tu nous parlerais de la vie, la vraie !
RépondreSupprimerCelle qui se vit au cœur de la nature nourricière
Pas la vie qu'on interrompt pour la surgeler et la vendre dans les zones de la consommation entourées de silos à bagnoles.
Et merci pour les photos vivantes !
Notre intelligence qui n'est pas artificielle, nous fait en effet apprécier, en bien ou en mal, ce qui fait la vie. Et c'est tant mieux. Nous serions de robots sinon. Bonne journée à toi.
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