Le cordonnier de Saint Léo

J’aime beaucoup cette toile de Van Gogh.
Je pense que vous aussi vous l’aimez.
Je suis sûr que vous avez quelque chose à en dire.
Ce serait bien si, en le disant vous y placiez ces dix mots :
Désert
Retraite
Solitude.
Automne
Réaction
Fauteuil
Épouse

Chagrin
Froid
Chemise
Bon, ce n’est qu’une suggestion mais ce serait vraiment chouette.

Devoir de Lakevio du Goût_172.jpg 

 Bien sûr que oui, je l'aime cette toile. Le pauvre homme me fait penser au cordonnier de Saint Léo. 

Il y a bien longtemps de cela, vivait sur la place du village un petit cordonnier. Son échoppe était située face à la boulangerie où on vendait des massepains trés craquant. Tous les dimanches à la sortie de l'abbaye les paroissiens se précipitaient dans la boutique pour acheter leur patisserie préférée. En sortant, ils jetaient un regard furtif en direction de sa vitrine. Parfois un client entrait faire réparer un soulier, faire régler une ceinture ou bien encore repriser un cuir déjà élimé. Il faut dire que Saint Léo en ce temps était prospère. Capitale du cuir et de la pantoufle, du massepain et aussi d'un autre secret que seul le bon Dieu savait expliquer. 

C'est d'ailleurs grâce à ce secret que bien des jeunes filles rompaient leur solitude, dit on dans le quartier. Il suffisait en effet de toucher le verrou de la grosse porte d'entrée de la basilique, et on se mariait dans l'année. Enfin quand on était une fille, jeune de préférence, pas un vieux cordonnier. 

C'est ainsi que notre pauvre homme, à l'automne de sa vie, quand sonna l'heure de la retraite se trouva bien dépourvu, sans épouse, ne serait ce que pour lui repasser sa chemise, il entama sa traversé du désert et s'écroulant sur sa chaise,  la tête dans ses mains, car il n'avait pas de fauteuil, il laissa aller son chagrin. C'est ainsi que le soir le surprit, il faisait froid, dans l'âtre le feu s'étiolait, et lui était là, sans réaction. Incapable de bouger. Quand vint la nuit, il s'endormit ainsi. Il fit des rêves cette nuit là. D'abandon,  de désespoir, pour lui, c'était fini. Il allait partir, seul, sans un regard, sans une main qui se tende vers lui. Sa vie, faite de labeur était trop triste.  Personne ne mettrait  jamais ses pas dans la semelle de ses souliers.

19 commentaires:

  1. Tu exprimes magnifiquement cette vie sur le déclin, dans la solitude après tant d'années au service des gens. C'est triste !
    Gros bisous ma Delia, je retourne lire le texte de Fabie pour me redonner le sourire ! ♥

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    1. Je ne sais pas si c'est "magnifiquement exprimé" mais il me semble que la solitude de la vieillesse a quelque chose qui ressemble à tout cela. Je t'embrasse ma Praline.

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  2. toute une vie à repasser lui-même ses chemises, je n'y peux rien, ça me fait rire :-)

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    1. Le pire c'est quand on se rend compte qu'on aurait pu faire autre chose ! C'est pour ça que je ne repasse jamais les chemises.

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  3. Tu nous dis super bien que la solitude est un enfer !
    Déjà être vieux n'est pas drôle mais être vieux et seul est terrible (on devient transparent...)

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    1. transparent et vide ! on est rien, surtout quand on l'était déjà avant.

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  4. Voilà que j'apprends que le rôle principal d'une épouse et de repasser la chemise de son mec. J'ai dû me fourvoyer dans le passé en maniant le fer à vapeur ! Zut alors, si j'avais su…
    Sinon le texte parle très justement de la solitude. Enfin tant qu'on n'a pas appris à en faire une partenaire délicieuse.

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    1. Oui, alors si tu était tombé sur quelqu'un comme moi, tu aurais endossé des chemises froissées plus souvent qu'à ton tour !

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  5. J'aime beaucoup ce texte. Bravo !

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    1. Merci, je suis contente qu' Alainx ait réussi à t'arracher un sourire. C'est bon signe. Gros bisous ma belle.

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  6. ps le comm d'Alain me fait rire !

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  7. A la retraite il n'y a plus besoin de repasser !!! ;)
    Oui, la solitude ajoutée à la vieillesse ça fait basculer dans un monde obscur...
    Je t'embrasse fort

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    1. J'ai bien peur que ce soit aussi le cas pour de nombreux pas encore vieux, de basculer dans un monde obscure, il y en qui y naissent ! Je t'embrasse bien ma Fabie.

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  8. Je m'y revois, dans cette boutique...

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    1. C'est vrai que tu connais bien ! Je ne sais pas s'il n'y avait pas aussi un ou deux bistrots dans le coin ! Au fait je ne t'ai jamais dit, mais la dernière fois que j'ai traversé Sauviat sur le coup des 11 h et demi, midi, j'ai aperçu deux pèlerins qui traversaient la rue en direction du café de la poste !

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    2. bon l'anonyme, c'était Délia, évidement avec son micro qui boîte.

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    3. Le cordonnier; je me rappelle, on était voisins et je passais souvent chez lui: des odeurs inoubliables et il me donnait des chutes de cuir souple pour fabriquer des lance-pierres. Faut dire que ma mère est morte quand j'étais très jeune, alors il a contribué à faire de moi un casseur de carreaux et un tueur d'oiseaux, mais pas un délinquant sérieux. Un grand merci de m'avoir refait penser à tout ça.

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  9. Coucou Delia, ah BRAVO, j'adore ton texte et tes jolis mots... pauvre cordonnier, et oui bien triste... mais après lui, plus de cordonnier pour ressemeler les godasses et c'est bien dommage ! ah ces paroissiens, pas un après la messe pour passer le saluer dans sa boutique. Ingrats, va ! Bisous, bonne semaine.

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  10. On dit que c'est de la charité chrétienne et que bien ordonnée... mais on le dit, je ne sais pas si c'est vrai.

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