Ce vendredi nous sommes le 22 mars.
Ce fut un moment important pour moi.
Mais pas que pour moi.
Mais pour vous ?
Je suis sûr que nombre d’entre vous se rappelle quelque chose d’un 22 mars.
Le mouvement du 22 mars est donc le début du mouvement de mai 68. Mais antérieurement à cette date, de nombreux évènements ont émaillé la vie politique française. Les 16 et 17 novembre 1966, devant le restaurant universitaire de Nanterre, où Cohn Bendit est étudiant, une trentaine de militants du groupe d'extrême droite Occident ont attaqué un meeting de gauche déclenchant une violente bagarre à coups de barre de fer et de manches de pioche. Bilan : deux blessés graves parmi les manifestants de gauche et une dizaine de blessés légers. Ces attaques sont suivies par celles contre le lycée Jacques Decour et le Lycée Voltaire le 11 décembre 1966, blessant gravement Pierre Rousset, militant des JCR puis celle du sur le campus de l’université de Rouen où un autre militant JCR est aussi gravement touché, au début de 1967, 13 interpellations parmi les factieux d'Occident ont lieu, affaiblissant le mouvement, ce qui ne l'a pas empêché de renaître et permis à certains de ses membres de faire de belles carrières politiques, jusqu'au plus haut niveau de l'état et d'animer encore aujourd'hui la vie politique française, au sein d'autres partis.
Au cours des années 60, déjà, se profilait un grand malaise au sein du monde du travail. La grande grève des mineurs de 1963 alors que le monde de la mine vit ses dernières années avant le début d'une crise fatale, en est un exemple. Un nombre important de grèves se tiennent aussi entre 1966 et 1967, en région parisienne comme en province.
Dés la fin de l'année 67, la réforme Fouchet enflamme le monde étudiant et la contestation se déclenche. A cela s'ajoutent dès la mi décembre d'autres mouvement sociaux, en particulier contre les ordonnances sur la sécurité sociale avec un appel de la CGT et la CFDT pour une journée de grève le 13 décembre, dans tout le pays. Le mécontentement général va s'amplifiant.
Et puis, Nanterre c'est aussi le plus grand bidonville de France, les populations, pour beaucoup immigrées n'en peuvent plus de misère et de dénuement. La guerre d'Algérie n'est pas si loin, nombre de rapatriés sont logés à la fortune du pot dans des baraquements à la périphérie des grandes villes, Nanterre, Sarcelle, Massy, Champigny...Lyon, Lille, chaque ville a son bidon. L'essor économique des 30 glorieuses ne profite qu'à certaines couches de population, en particulier aux plus riches, le monde du travail croule sous les crédits et le mal vivre. La jeunesse n'en peut plus d'une société autoritaire où elle n'a que le droit de se taire. Tout cela contribue et s'inscrit dans le processus de contestation de mai et juin. La France compte alors prés de 500 000 chômeurs, soit à peu prés 2% de la population active, les jeunes sont les premiers impactés. Deux millions de travailleurs sont payés au SMIG qui est de l'ordre de 400 F par mois. 5 000 000 de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté dont beaucoup d'ouvriers des usines, de femmes ou de travailleurs immigrés et sont exclus de la prospérité. Les salaires réels commencent à baisser et les travailleurs s'inquiètent pour leurs conditions de travail.
Le monde est partout en ébullition. Des courants porteurs de perspectives nouvelles émergent et fascinent la jeunesse en mal d'espérance et de liberté. Les leaders de ces courants, tel Che Guevara, Fidel Castro, Martin Luther symbolisent un monde nouveau, basé sur des principes d'égalité, de liberté. On veut y croire, alors on se donne les moyens d'accéder à cet inaccessible dont on a tant rêvé.
Alors que tout le monde bouge, vit dans la crainte ou dans l'espoir, que partout monde des cris de colère et de désespoir, le gouvernement lui s'enferme dans un mutisme, fait de mépris et d'indifférence. Il faudra une nouvelle nuit d'émeute, le 25 mai pour que le premier ministre, Georges Pompidou, accepte de répondre à l'appel des syndicats, pour entamer des négociations et convoque une réunion tripartite entre gouvernement, patronat et syndicats. Les négociations vont durer plus de 25 heures, sur 2 jours.
Ces 25 heures vont changer bien des choses. Ainsi, Elles aboutissent le 27 mai au matin à des décisions essentielles.
La lutte de prés de 10 000 millions de grévistes, l'occupation de nombreuses entreprises, des manifestations de rue quasi quotidiennes et un blocage de l'économie, ont eut raison de l'entêtement du gouvernement, les accords de Grenelle actent des droits nouveaux pour les salariés :
augmentation du SMIG, des salaires, semaine de 40 heures, âge de la retraite assoupli, projet de loi sur les libertés syndicales…- une augmentation du SMIG de 35 %, qui passe à 3 F (3,50 € environ),
- celle des salaires, de 10 % (7 % au 1er juin et 3 % en octobre),
- une réduction du temps de travail (objectif de ramener réellement la durée du travail à 40 heures, maximum abaissé de 2 heures à 48 heures).
- un engagement sur le droit syndical qui se traduit dans la loi du 27 décembre 68 par la création de la section syndicale d’entreprise et du délégué syndical dans les entreprises de 50 salariés et plus,
- un traitement des jours de grève par une possibilité de récupération dans l’année, avec une avance de 50 % du montant, acquis au 31 décembre en cas de non récupération. L'un des groupes de travail lancés par les accords de Grenelle aboutira à l’accord du 9 juillet 1970, instituant la formation professionnelle continue dans toutes les entreprises de 10 salariés et plus.
Un essor nouveau fait jour. J'ai 16 ans, dans la cour de notre collège, j'entreprends d'expliquer à mes camarades, que ce mouvement que nous vivons est juste et qu'il est aussi notre. Je prends faits et causes pour les manifestants. La directrice qui passait par là, me fait un sourire en coin assorti d'un petit clin d'oeil, je viens de faire mes premières armes pour un combat qui ne me quittera jamais. Mon père, ce militant déterminé a posé les premières pierres des fondations d 'un édifice solide que je suis fière de contribuer à entretenir. Déjà, l'année précédente, la cousine Henriette, avec qui j'échangeais beaucoup sur l'ordre du monde, voyait chez moi, une conscience naissante et bien marquée. Elle m'avait promis une belle carrière d'avocat. Je ne le serais jamais. Je fus syndicaliste et demeure engagée auprés des hommes et femmes de modeste condition. Pour un monde juste, fait de paix et de fraternité.
Aujourd'hui, tout fou le camp. Sont à reconquérir beaucoup des acquis de mai 68, du CNR, du Front Populaire. Comme me le rappelait Heure Bleue, lors d'un échange blogguesque, les patrons se sont engagés à tout reprendre. Ils sont entrain de le faire, et même au delà. Nous aurions pu, à plusieurs reprises, reprendre le flambeau de la lutte de classe. Nous ne l'avons pas fait. Pas suffisamment. Sous l'effet d'un bien être collectif qui est issu de nos combats passées, le peuple s'est endormi. Que restera-t-il dans peu d'années ? Combien de mars pour que ça reparte ? Le vautour royal qui trône à l'Elysée et sa bande de charognards oeuvrent tout les jours pour détricoter ce que tant de générations ont construit. Dans la nature, ce sont les hyènes qui parfont l'ouvrage. Elles ne sont pas loin et brunes ou blondes, on les voit partout, dans l'ombre, qui s'agitent.
Tu as été une vraie syndicaliste, et telle que nous te connaissons tu as été droite !
RépondreSupprimerA l’hôpital nous avons eu un syndicaliste pantin, qui jamais n'a su nous défendre, sa principale activité était la réunionite en costard, et en déplacement avec l'unique véhicule de l'hôpital...
J'ai comme toi manifesté tôt, j'avais 14 ans (loi Debré), par la suite j'ai défendu tout ce que je pouvais défendre là où je travaillais, mais en électron libre, et au bilan on a profité de ma maladie pour au retour me mettre dans un placard, un vrai de vrai environ 9 m2, sans fenêtre, qui servait aussi d'archives, où les autres membres des bureau allaient et venaient pour consulter ces archives...
Gros bisous ma combattante
On ne vient pas à nos âges sans avoir fait l'expérience du monde salarial sans le connaitre. Des syndicalistes de pacotille on en connaissait tous et je crains que l'espèce se soit bien développée. Nous ne sommes que des hommes aprés tout. Comme toi, j'en ai rencontré, combattu aussi et aujourd'hui je me dis que l'essentiel est de rester attaché à des valeurs humaines qui nous poussent vers la justice, l'égalité, la paix, la fraternité et la liberté, car sans cela, tout combat reste illusoire. Chacun de nous peut s'emparer de ces valeurs et les faire vivre, pas besoin d'être syndicaliste pour cela. Le syndicat n'est qu'un outil qui sert à être plus fort pour se défendre. Gros bisous ma douce et généreuse Fabie.
RépondreSupprimeroh! quelle leçon tu nous donnes! bravo!
RépondreSupprimerLoin de moi l'idée !
RépondreSupprimerouah !!! je vais tenter de copier ce texte mais dégourdie comme je le suis ce n'est pas gagné d'avance! :)
RépondreSupprimerTu n'as pas besoin de copier, tu vas sur le net, tu trouveras toutes les infos voulues en bien plus détaillées. bon courage pour la tâche que cela représente.
RépondreSupprimerChaque ligne de ton texte évoque des souvenirs ! Ça ne nous rajeunit pas! Je n'ai pas de nostalgie de ce temps-là. Il est des libérations qui n'en sont pas. Le combat est permanent, à chacun de le vivre à sa mesure là où il est. Sur le terrain du quotidien. C'est ce que j'essaye de m'efforcer de vivre. Ça ne fait pas de bruit, ça ne fait pas le buzz sur les réseaux sociaux. Tant mieux.
RépondreSupprimerNon ça ne nous rajeuni pas, mais je ne sais pas si être jeune aujourd'hui ça me tenterai beaucoup, je ne crois pas. Je suis de ton avis, le combat est permanent et c'est au quotidien, tous les jours un nouveau, mais comme disait Victor Hugo, ceux qui vivent sont ceux qui luttent. Dans la vie, toutes les luttes sont un pas en avant, chacun fait comme il peut. Je me demande si les réseaux sociaux ne sont pas plus une prison qu'autre chose. Je te souhaite une bonne journée.
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