A ma soeur. Le clos derrière la maison.

 De beaucoup de temps passé au téléphone, il peut naître un roman. Evocation d'une mémoire enfouie parfois au plus profond de soi, soit parce qu'il ne faut pas réveiller trop vite un passé parfois douloureux. Soit parce que la mémoire ne se contente pas d'être furtive, elle peur être fugitive. Mais elle peut aussi être fertile.


Je reconnais bien l'endroit : le clos derrière la maison, cet espace entouré de pommiers,  dont quelques uns à cidre, d'autres à couteau, rapportés de Normandie du temps où les hommes de la maison partaient à la basse saison, battre la campagne de scieur de long, était divisé en 4  parties dont 3 servaient de clos aux cochons. 



 

Partant du chemin, celle du haut, qui bordait aussi vers l'Est, la maison de la  Francine, celle du milieu bordant son clos et l'étable de ses propres cochons, celle du bas, tout contre chez la Clémence.  
Le quatrième servant d'aire de stockage pour la paille aprés les moissons. Je les imagine bien tous ceux de la photo, battre au fléau les gerbes de seigle, d'orge ou d'avoine sur le sol de la grange et venir aprés tout ce travail, entreposer les gerbes  à cet emplacement réservé pour la maille qu'ils allaient reconstituer. 
C'était surement du temps d'Antoine et de Marie les arrières grand parents, jusqu'au temps du tout juste aprés guerre, de ce temps d'avant la batteuse que j'ai connu. Ils étaient jeunes encore. Ma mémoire n'est pas assez ancienne pour pouvoir identifier chacun. 
De ce clos, derrière la maison, je me souviens de nos jeux d'enfant. Quand la Francine venait m'aider à monter des clôtures pour mes vaches, abandonnant sa besogne, pour me consacrer de bien jolis moments. Je m'y revois avec mes frère et soeurs nous chamaillant ou bien jouant. Je me revois avec notre mère, elle battant son linge à la serve juste en haut du pré. Je me souviens avoir abandonné aux cochons la seule poupée que le père Noël m'avait porté le Noël d'avant. De poupée, je n'en eus qu'une, que j'avais prénommée Isabelle,   lui préférant de loin, mes vaches, de vieux morceaux de bois que ma mère avait prélevés du tas réservé au chauffage. Mon père, un jour de colère m'en avait subtilisé une, pour la mettre dans le poêle, ce qui ne fut pas de mon goût naturellement. Je piquais ma propre colère et maman, dépitée, la retira promptement des flammes, ce qui ne fit qu'attiser la colère de papa.  Je me souviens de ce jour comme si c'était hier. Dès lors, je redoutais plus que tout ses colères et me demande encore comment j'ai bien pu faire pour surmonter cela.  Comment nous avons pu faire ? Car celle là n'était pas des plus sévères, il y en eut de bien pires encore. Mais la vie est comme ça.  Et cela ne veut pas dire qu'il ne nous aimait pas. 
A cette époque, la vie était trés dure. L'éducation qui fut celle des enfants de ce temps, était qu'il fallait obéir et ne pas discuter.  On ne peut pas et d'ailleurs il ne le faut pas, faire abstraction du contexte, d'où l'on vient, qui ils furent, et pourquoi. Mieux vaut se hater de chercher à comprendre tout ça. 
Nos jugements d'enfants, nos rancoeurs, nos peines, si lourds furent ils à porter ne pèsent  pas lourd face à l'amour que l'on reçoit. Enfin je le crois et je parle pour moi, car pour les autres, je ne sais pas. Chacun sait pour soi.  Que chacun fasse comme bon il croit.

 

18 commentaires:

  1. c'est un très beau texte que tu nous offres là, des histoires de l'ancien temps comme je les aime tant ! la vie était tellement différente alors, nos parents ne savaient pas nous montrer leur amour. Mais comme tu dis ce n'est pas pour ça qu'ils ne nous aimaient pas...
    Merci et gros bisous ♥

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  2. Merci Ambre, il ne savaient pas le dire. Une question que je me pose toujours : et nous le savons nous ? Je ne pense pas le savoir mieux qu'eux, pour ma part. Par contre, une chose dont je suis certaine, et ma certitude je la tire de trés nombreux exemples et témoignages qu'ils m'ont livrés, de lettres qu'ils ont écrites, que leurs parents ont pu écrire également : ils n'avaient pas besoin de le dire, ils le montraient. Dans chaque gestes ils le montraient. C'est notre grande richesse à nous les gueux, c'est probablement la seule, mais elle est immense.
    Je t'embrasse.

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  3. Émouvant ton texte...
    Ma mère ne m'a jamais dit "je t'aime" mais je sais qu'elle m'aimait, par ses bisous, ses regards, ses gestes, ses actions... Mon père ne m'a jamais dit "je t'aime"... il me le montrait par des taloches :-(
    Je le dis et le montre à mes enfants et petits-enfants... je m'étais juré de ne pas reproduire...
    Gros bisous ma Delia ♥

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  4. Je crois qu'on est tous victime ou prisonnier de notre éducation. En tout cas influencé. Certain vont reproduire ce qu'ils ont vécu, connu, d'autres au contraire vont faire le contraire et peut être même lutter contre eux mêmes pour ne pas reproduire ce qu'ils ont connu. Cette lutte contre soi même a parfois de lourdes conséquences. Savoir doser entre le trop et le pas assez... La génération qui est la notre se situe à la croisée de ces deux chemins. pour moi ce fut un tourment quotidien dans l'éducation de mes propres enfants. Je pense que je n'ai pas prononcé souvent le verbe aimer. L'ai je souvent pratiqué ? Je ne sais pas. Je me suis efforcée de la faire en suivant le chemin montré par mes parents. On est une des générations qu'on dressait, pas de celles qu'on éduquait.
    Je t'embrasse ma douce Praline.

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  5. Délia, je suis certaine que tes enfants savent que tu les aimes. Nous avons la chance de vivre à une époque où montrer ses sentiments n'est pas "tabou" et on nous incite même plutôt à le faire et à exprimer ce que l'on ressent, même si ce n'est pas par la parole ;-) tu sais, il ne suffit pas de dire "je t'aime", que ce soit dans un couple ou à ses enfants ... c'est plutôt dans la vie de tous les jours qu'on ressent l'amour !
    Je pense que tes enfants ne doivent pas avoir attendu de lire ton blog pour réaliser à quel point tu es pleine d'amour, pour eux et pour les tiens ♥

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    1. Bonjour Ambre. En fait, c'est moi qui aurais voulu faire mieux parce que je pense qu'ils méritaient mieux. Tu te rends compte qu'aujourd'hui, je parle mieux à mes chats et suis moins dure avec eux qu'avec mes enfants ? La vieillesse peut être où on prends conscience de nos défauts et de nos ratés, pourtant e n'ai jamais été frustrée, en tout cas je ne m'en souviens pas. C'était comme ça pour tout le monde, en ce temps là, on se posait pas ce genre de questions, je ne me souviens pas avoir souffert, ça n'a pas laissé de trace voilà ce que je retiens de mon éducation. Je ne compare même pas avec aujourd'hui, c'était un autre temps. L'éducation a changé, l'école a changé, le monde a changé nos rapports ont changé, tout à changé. Et tu as raison c'est dans la vraie vie qu'on ressent l'amour et qu'il se manifeste sous différentes formes. Je ne pense pas non plus que mes enfants aient attendu de lire mes écrits pour se rendre compte de tout ça. Sinon nous n'aurions pas les rapports que nous avons aujourd'hui. Je t'embrasse trés fort et pour ton jeu, sur ton blog, je te promets ma participation.

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  6. Tu te rends compte, quand j'étais gamin, en vacances en Bourgogne je suis monté sur des meules comme ça !
    Je n'en ai jamais revu depuis...

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    1. Je me rends bien compte, oui, et je me rends compte aussi qu'il y a des lustres de ça. On n'en reverra jamais, en tous cas sous nos cieux, c'est certain. Vous avez retrouvé l'internet ? C'est super, on va pouvoir vous lire, ça nous manque ! Belle journée

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    2. Non, pas de connexion, juste je vide mon smartphone avec une connexion minable en 4G... ;-)

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    3. Ah mince, j'ai cru que ça y était. Et dire qu'il y a...35 ans ! on nous disait "vivement que vous soyez privatisés !" quand une panne de quelques heures survenait sur le réseau. Et bien voilà au moins un des voeux d'une certaine population, 'exaucé. J'espère qu'ils ne le regrettent pas et sont aussi satisfaits !

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  7. J'ai tout fait pour faire l'inverse avec mes enfants que ce que j'ai subi !
    Alors j'ai sûrement été trop laxiste sur certains points.
    Bon, rétrospectivement ils ne s'en sortent pas trop mal, et je pense qu'ils savent combien je les aime.
    Concernant mes parents, effectivement c'est bien plus compliqué, et on ne va pas s'attarder sur le sujet, d'autant que nous vivions nous "dans un milieu dit privilégié", et force est de constater que cela ne fait pas tout !
    C'était loin d'être le cas chez toi, et c'est la première fois que je lis que tu as pu avoir peur de ton père, généralement tu partages plus l'attachement que tu avais pour ta famille, c'est ce que tu as retenu et le reste a été enfoui parce que ce n'était pas ce qui t'a marquée le plus, j'imagine !
    Je t'embrasse très fort ma Délia

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  8. Faire l'inverse ne veux pas spécialement dire être trop souple. Mais je comprends que pour toi cela soit au niveau de ta souffrance donc du rejet du modèle que tu avais éprouvé.
    J'aurais détesté avoir ton enfance, j'en aurais gardé de graves séquelles. Comme toi j'imagine.
    Par contre concernant ma propre enfance, c'est en effet la première fois que j'évoque les colères de mon père, qui était aussi un bon père, je ne les occulte pas car je sais aussi les expliquer. C'est une chance car cela me permet de comprendre bien des choses. De relativiser et surtout de savoir combien par opposition son autre facette était importante et forte. Je dirai en toute conscience et lucidité, l'heure du bilan si on peut parler ainsi, qu'il est plus que largement positif, alors oui, il prédomine.
    Je t'embrasse fort moi aussi.

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  9. j'ai fait comme Fabie, le contraire de ce que j'ai subi càd qu'on m'a souvent traité de "laxiste". Mais un jour, ma seconde fille m'a fait une belle déclaration, me disant que tout le monde me jugeait laxiste alors qu'en réalité j'avais su (bien) les éduquer fermement mais en douceur (enfin, l'inverse). Cela fait plaisir d'être reconnue ainsi car ce que ne dit pas Fabie c'est qu'on manque totalement de confiance en soi quand on se lance sans modèle et sans soutien là dedans ! car ne parlons pas du "père" sur qui on ne peut pas compter !!!!
    Bisouxxxx, je n'écris pas tout ce que je voudrais dire ce serait trop long !

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  10. Il faut toujours se méfier des jugements hâtifs d'autrui. Les conseilleurs n'étant pas les payeurs, sachons trier le bon du mauvais. Chacun a fait comme il a pu avec les moyen qu'il avait. Les souffrances, les excès, les affres du passé en font partie, mais pas qu'eux.
    C'est dommage que tu n'écrives pas tout ce que tu voulais dire, cela m'aurait fait plaisir de le lire. Je te répondrai plus tard sur ton gentil message. La journée n'est pas finie, j'ai encore mille et une choses à faire.
    Je t'embrasse.

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  11. Dans mes archives, j'ai presque la même première photo que toi. Une meule de foin, avec toute la famille devant. Ma maman adolescente, sa sœur, mon pépé de la Bastide. En saison morte, l'hiver, donc, il travaillait à Paris, comme étameur, pour améliorer l'ordinaire.
    Départ de mon Cantal, une petite gare à 4 kms de leur ferme ; une ligne qui n'existe plus. Un train à vapeur direct jusqu'à Paname, plus rapide qu'un train d’aujourd’hui. Les retards de la ligne Clermont/paris sont légion ; dont un record, de vingt heures de retard. Bravo.
    Je n'ai que de vagues souvenirs de mon pépé. J'avais cinq ans quand il est parti. C'est la seule fois que j'ai vu ma maman pleurer. C'est lui qui lui avait appris à lire et à écrire, car handicapée, ma maman n'a pu aller à l'école avant l'âge de dix ans.
    Cela ne l'a pas empêchée d'être première en tout. Elle n'a pas eu son baccalauréat pour cause de seconde guerre mondiale.
    Je crois que j'ai "hérité" de sa plume. C'est ce que me dit ma petite sœur. J'ai en ma possession le manuscrit de l'histoire de sa vie, depuis son plus ancien souvenir. Elle écrivait vraiment bien.
    Tu vois, le pouvoir évocateur d'une vielle photo...

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    1. Tout un pan de notre histoire, de cette vie qui fut celle des nôtres, de la nôtre aussi, que tu résume si bien. Il suffit de te lire pour remonter ce temps qui n'est pas si lointain. Passer du temps des trains comme moyen de transport accessible à presque tous à celui de la dégradation de tous les services de proximité en particulier des services publics en moins de temps qu'il n'en a fallu pour les mettre sur pied, à la vitesse grand V, en moins de trente ans ! Dudesclin et sa suite, Mais oui, ils l'ont fait !

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  12. J'ai connu la vie à la campagne quand je partais en vacances dans le Limousin chez mon arrière grand mère. On partait tous les soirs avec le pot à lait chercher le lait à la ferme......Direct du pis de la vache au pot au lait !!

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  13. Moi j'y ai vécu à la campagne. Le lait c'est moi qui le trayait. J'ai aussi nourri la vache et fait têter son veau. J'ai participé à la production de sa nourriture et à la confection de la nôtre. J'ai travaillé la terre qui nous a nourri. Et j'ai entretenu le sol pour qu'il soit plus productif. Pas toute seule, il est vrai. mais j'ai fait partie de ceux qui ont été acteurs et artisans de cette vie à la campagne.

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La tarte à la "belide"