Le mot.

 Cette toile de Peter Mǿnk Mǿnsted, parfaitement de saison, me semble montrer une entreprise courante.

On dirait bien une invitation au bal, peut-être une demande en mariage.
Qu’en pensez-vous ?
Qu’en dites-vous ?
À lundi, si vous n’êtes pas sur une plage quelconque pleine d’eau, de sable, de monde et de cris.
Bref, là où il est impossible de penser à quoi que ce soit d’autre qu’à la chance qu’a eue Siméon le Stylite…




Lorsque Sophia déplia le papier qu'Emilio lui tendait, elle n'en cru pas ses yeux.

Un mot, griffonné à la hâte sur un bout de page de cahier d'écolier, qui lui disait combien elle était belle et combien il serait agréable de faire virevolter son jupon de satin blanc, dimanche soir au bal de la Saint Jean. 

Mais qui donc s'intéressait à  elle, la soubrette des Campi-Chianti ? Elle que personne ne regardait jamais. Elle à qui personne n'adressait la parole autrement que pour  lui intimer des ordres ? Elle dont la présence passait inaperçue ?  Mais elle sans qui rien à la villa ne serait en place, rien ne serait jamais prêt pour les diners et réceptions fastueux. Elle qui s'occupait du jardin, de la maison, des enfants et de l'intendance, car la villa avait des allures de faste et de prospérité, mais les Campi - Chianti étaient des gens radins et mal léchés qui ne devaient leur relations qu'à la renommée de leur vignoble (de leur vie ignoble disait Sophia, quand elle parlait d'eux à ses amies). 

Ses amies, comme elles lui semblaient loin aujourd'hui, comme elles lui manquaient ! Seul Emilio lui tenait parfois compagnie, quand madame ou mesdemoiselles n'avaient pas besoin de ses services de chauffeur attitré pour les conduire en ville ou bien sur les bords verdoyants du lac de Côme de l'autre côté, là où le faste et la mondanité se relaient pour gaspiller l'argent durement gagné par de pauvres journaliers qui n'ont eux que la sueur de leur front et la force de leurs bras pour subsister. 

Elle l'aimait bien Emilio, Sophia. Mais elle n'avait jamais songé en faire un compagnon pour la vie. Elle, celui qu'elle gardait secrètement dans son coeur, c'était Gustavino, le pâtre des montagnes. Mais il était loin, bien trop loin pour l'inviter à un bal dimanche prochain. Alors qui ? Le message n'était pas signé. Lorsqu'elle tourna la tête vers Emilio pour lui demander qui lui avait confié ce mot, elle vit qu'il tournait son regard vers le bout de ses pieds, comme absorbé par le bleuté des eaux profondes du lac en contre bas, elle remarqua aussi sur son visage, cette légère ombre rosée. 

Gravement en secouant la tête, elle lui tendit le bout de papier, sans un mot. Il comprit alors qu'il était inutile d'insister.

16 commentaires:

  1. Un espoir tué dans l'oeuf...
    Emilio va continuer à attendre une nana qui le dédaigne.
    Sophia va rêver d'un mec inaccessible.
    Bref, la litanie des amours déçues à peine rêvées.

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  2. Personne ne peut savoir de quoi demain sera fait !

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  3. J'aime bien la "vie ignoble".
    Emilio devrait insister, certaines femmes aiment bien se faire prier.

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  4. Peut être un jour son heure sonnera, qui sait ?

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  5. Pas un seul mariage en vue, chouette devoir.

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    1. Peut être une prochaine fois, la vie est pleine d'imprévus.

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  6. On dirait le début d'un scénario de film italien ou Alain Delon serait Emilio. Et Marie-José Nat : Sophia
    Donc… un vieux film !…
    Nul doute qu'ensuite Alain Delon saura comment forcer le passage…

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  7. Alain Delon pourrait être ministre de ce gouvernement présentement.

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  8. Pauvre Emilio, pauvre Emilio, vous me faites rire, vous ! et Elle, Sophia, elle devrait accepter de faire sa vie avec quelqu'un qu'elle n'aime pas ? Ben voyons !

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  9. Un amour contrarié !! C'est bien écrit !

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  10. Malheureusement, c'est monnaie courante !

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  11. et comment elle l'a connu le pâtre des montagnes ?

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  12. Ah ? C'est vrai que j'aurais pu le préciser , mon devoir est incomplet, je mérite un 7/20 comme quand j'étais à l'école. Et moi qui croyais que c'était les profs qui étaient des vieilles carnes !
    Autrefois, les jeunes filles de la campagne étaient placées trés jeunes comme domestiques dans les familles bourgeoises. C'est ainsi que Sophia à peine sortie de l'école fut placée chez les Campi-Chianti pendant que Gustavino se voyait confié les troupeaux de la plaine pour les accompagner dans la montagne, toute une saison. D'autres de leur camarades s'embauchèrent à la journée pour les récoltes ou comme tailleur de pierre , ou encore lavandières, repasseuses, cuisinières ou autres tâches ingrates. Emilio eut la chance de décrocher une place de cocher, mais pas plus que les autres employés des Campi- Chianti, il n'était originaire de la ville. Il était d'une autre campagne aussi rude que celle de Sophia, de Gustavino et bien d'autres encore. C'est donc sur les bancs de la petite école depuis leur plus jeune age que Sophia et Gustavino entretenaient des liens puissants, parfois indefectibles.

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La tarte à la "belide"