Dites quelque chose sur ce printemps magnifique dans une ville déserte.
Une histoire qui commencerait par :
« L’air était moins étouffant que la veille et j’ai même cru sentir la caresse d’une brise, en marchant sous les arcades, jusqu’à la place de la Concorde. »
Et dont les derniers mots seraient :
« Malheureusement je ne crois pas qu’il suffise de traverser la Seine. »
Patrick était parti en province chez sa mère, cochant la case numéro 4 "pour motif impérieux et porter assistance à personne vulnérable". Cela faisait maintenant 5 semaines que nous étions confinés, chacun de notre côté. Nous coincés ici dans cet immense bordel sans nom. Les enfants chacun à leur travail. L'un à son domicile en Auvergne, l'autre à l'hôpital où elle exerçait ses fonctions et la grand mère chez elle avec son genoux en panade, ses poules et son chat comme unique compagnie. L'herbe qui poussait dans la cour envahissait son esprit au point qu'elle ne pouvait trouver l'apaisement que son grand age nécessitait pourtant.
Nous l'appelions tous les jours, ainsi que nos proches, l'inquiétude gagnait chaque jour du terrain et c'est avec angoisse, que Patrick se décida à partir bravant tous les interdits et traversant la France, pendant que moi restée ici, je n'avais d'autres choix que de me promener dans Paris. L'air embaumé de ce printemps guilleret me donnait comme une envie de pleurer.
Qu'elles étaient loin mes montagnes avec leur ciel bleuté, leurs fleurs nouvelles, leurs chants et leurs cris familiers. Qu'elles sentaient bon l'herbe fraiche, les feuilles dentelées des chênes, vert tendre des hêtres et musquée des sous bois ressuscités. Qu'ils me manquaient mes bois et mes champs, mes crêtes et mes vallées. Quand reverrais-je enfin mes ruisseaux où se reflétaient dans l'onde claire la silhouette de chacun des arbres de mes forêts ? Et mes pâturages, couverts de tâches blondes, brunes, rousses et barrées ? Que j'avais hâte d'entendre chanter les cloches dans les prés !
Je pensais à tout cela, aux enfants que j'espérais en bonne santé. Que j'avais envie de serrer si fort dans mes bras, qu'à cette simple pensée, je ne pouvais qu'avoir envie de crier. De hurler de douleur, du manque de pouvoir les rassurer. Qu'ils me manquaient tous ! Quand serions nous enfin délivrés ? Il ne suffisait pas d'une simple date au bas d'un laisser passer pour retrouver un peu de sérénité. Le discours larmoyant autant que doucereux du grand chef de guerre, président des financiers, n'était ni sincère ni réconfortant.Plutôt angoissant on comprenait bien que nous avions mangé notre pain blanc. Que demain, ceinture serrée, gorge nouée, échine ployée, il nous faudrait payer. Payer pour expier toutes leurs fautes et leur incompétence à gouverner. Car si qualités ils avaient c'est au service de leur caste qu'ils les mettraient. Pour cela ils ne manquaient pas de moyens ni d'inventivité.
Beaucoup de gens autour de moi râlaient, se plaignaient, maugréaient, rechignaient, même se révoltaient. Cette année nous serions privés du droit de manifester le premier mai.
Comme j'aurais voulu voir véritablement les choses changer, que des leçons soient retenues de ce noir passé, qu'enfin les gens comprennent qu'ils ne fallait compter que sur nous mêmes et qu'il était temps de s'emparer enfin de nos affaires pour voir le monde s'améliorer. Pour cela beaucoup de route restait à faire j'étais prête à m'emballer, mais "malheureusement, je ne crois pas qu'il suffise de traverser la Seine".
"malheureusement, je ne crois pas qu'il suffise de traverser la Seine"
RépondreSupprimerC'est parce que tu as mal écouté notre Président à tous : Il suffit de traverser la rue.
Bref, on fait partie de "ceux qui ne sont rien"...
Traverser la rue, mais oui, c'est bien sûr, mais moi je ne cherche pas à travailler, seulement à profiter de ce pour quoi j'ai été confinée pendant plus de 40 années (je ne compte pas les années d'école, elles comptent double !)
SupprimerNous sommes doublement (sinon plus) rien, puisque nous coûtons :
RépondreSupprimer1) Pour nos retraites
2) Pour nos "affections longue durée"
Alors nous pouvons rester confinés longtemps...
C'est cela, oui !
RépondreSupprimerOn va même essayer de nous faire tranquille en nous empêchant de sortir.
RépondreSupprimerPour le moment ils réussissent assez bien. C'etait bien le but du jeu. Ne pas prendre les mesures nécessaires que d'ailleurs on n'avait ni anticipé, ni même les moyens de prendre, ayant mis à mal les différents services de santé, de proximité de recherche et d'industries garants de notre indépendance. Laisser la situation pourrir et se dégrader de façon à nous enfermer pour nous contraindre. Voilà, un mal qui vient à point. La bonne aubaine, du pain béni pour eux !
RépondreSupprimerBonjour Delia..
RépondreSupprimerCe que je crains, c'est le prix qu'il faudra payer pour revenir à la normale, c'est à dire au moins avant le confinement...Combien d'entreprises ne se relèveront pas. Ca fait vraiment flipper. Quant aux mouchoirs en papier, parait qu'on trouve aussi des masques sur le sol. Faudrait qu'un flic zélé les prenne la main dans le sac, enfin, en train de jeter le mouchoir..Et paf, 200 euros d'amende...