Un jour mon prince...

 Que peuvent se dire cette jeune femme et ce chat dans la toile d’Auguste Renoir ?
Je suis sûr qu’il y a une histoire à raconter.
Une histoire qui commencerait, comme beaucoup de contes de fée, par « Déjà petite elle savait qu’elle allait se marier avec un prince. »
Et si elle se terminait sur « Elle sourit alors à la pensée qui la traversa. »
À Lundi j’espère…



« Déjà petite elle savait qu’elle allait se marier avec un prince. »
 
 Oui, déjà petite, elle savait. Elle passait son temps à nous cajoler, nous caresser, jouer, nous promener. Moi, j'étais tout jeune prince. Ma mère une jolie minette tricolore  avait eu une aventure avec un gros matou. Le gros Blanchou, elle l'appelait, puis avec un autre, le gros Jaunet. J'étais de couleur rousse comme,  comme elle, ce roux, qui tirait sur le blond. J'avais un frère, blanc et gris comme le Blanchou.  Petit Blanchou ils l'appelaient, moi bien sûr, mon nom c'était Petit Jaunet. Et je dois dire que j'aimais bien. Je ressemblais à mon père, tandis que Petit Blanchou ressemblait au sien. Notre mère courrait les champs et nous ramenait des proies. C'est ainsi que nous apprîmes à chasser. Mais notre plaisir, c'était d'aller avec elle à l'étable quand venait l'heure de la traite. Nous avions chacun notre ration de lait. Pendant qu'elle se régalait du lait bourru de la Charmante, nous, nous lapions notre gamelle, entre la cage des lapins et l'auge aux cochons. Puis nous guettions l'heure du biberon du petit veau, prêts à nous servir dans le grand seau.

Quand ses parents allaient aux champs, ils la laissaient à la maison, sous la bienveillante attention du pépé. Le vieil homme ne pouvait plus rien faire d'autre que de garder les petites. Il avait fait la guerre jadis et en était revenu mutilé. il avait toujours une canne pour se déplacer. maintenant qu'il était vieux, il lui en fallait deux. La gamine était maligne, elle trouvait toujours un moyen de lui fausser compagnie et le laissait en plan sans ses cannes qu'elle lui cachait, le temps de nous récupérer. Je la suivais partout, tandis qu'elle portait dans ses bras Petit Blanchou, car disait elle, lui ne peut pas sauter les rases (les rases pour les citadins, ce sont les rigoles creusées dans les prés pour les irriguer ou pour marquer les limites de propriété, souvent les deux, d'ailleurs). En effet, Petit Blanchou lui aussi avait fait la guerre. Comme nous autres chats.  Les chiens ne nous aimaient pas. Particulièrement celui de la Clémence, le Pyram. C'est lui qui nous tua, tous, les uns aprés les autres. Aussi méchant que sa maitresse, il ne nous pardonnait pas d'être en vie, d'exister  d'être aimé et d'être chats. Ce fut d'abord papa, le Gros Jaunet. La gamine en fut si meurtrie qu'on lui dit pour la consoler qu'il était parti au bois de Chaville, voir s'il y avait du muguet, puisque c'était en  plein mois de mai  qu'il était parti "au bois de Chaville". Tous les jours, la pauvre petite guettait en haut du chemin, voir si son chat revenait, demandant sans cesse, "dis quand reviendra -t-il ?" Puis quelques temps aprés, ce fut le tour du Gros Blanchou. Poursuivi par le Pyram, il tenta de se réfugier dans la cave par le petit fenestrou. Seulement celui ci était fermé et le molosse eut tôt fait de lui briser les reins. Pauvre vieux ! De lui, on dit à la gamine qu'il était parti au bois de Meudon. Les "Dis quand reviendra -t- il se multiplièrent et devinrent des "quand reviendront ils ? C'est loin Chaville ? C'est où Meudon ?"  Toujours les mêmes questions. Toujours les mêmes réponses. Chaque fois qu'avec sa mère, elle traversait le grand bois qui borde la route qui va de Charel à Lossedat, on lui disait que c'était là, Mais en dépit de ses appels, les chats ne revenaient pas. Et le temps passait. Et  ils ne revenaient toujours pas. Elle était dévastée, cette petite.  Jusqu'à ce qu'elle comprenne qu'ils ne reviendraient plus. Ne reviendraient jamais.  Cependant, l'enfance a ce pouvoir magique que celui de rire et de chanter. Avec nous, elle courrait dans les champs, jouait, riait, chantait. Mais pour les premières fois de sa vie, elle était confrontée à l'absence. La douloureuse absence. La cruelle absence. Bien sûr elle y fut confrontée d'autres fois, souvent par la suite. Mais la première, celle dont on se souvient tout le temps, c'était celle là.  Une peine est une peine. Quand plus tard,  adulte, elle se retrouva pour une longue période de sa vie, tout prés de Chaville et pas loin de Meudon, elle pensa à ses chats.   « Elle sourit alors à la pensée qui la traversa. »

24 commentaires:

  1. Tu es en avance!
    ton texte est magnifique
    Bonne fin de dimanche, bisous !

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  2. Coucou Princesse, en fait je voulais programmer la parution pour demain, mais caprice de blog, cela a noyé le texte parmi les autres en le faisant bizarement paraitre par anticipation à la date du 7. Ce n'est pas ce que uje voulais. Voyant qu'il n'y avait pas de négociation possible avec blogger, j'ai choisi la parution automatique. Mais on n'est pas à deux ou trois heures prés ! Bonne nuit ma jolie. A demain.

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  3. Il est magnifique ton texte, maman, j'en ai presque les larmes aux yeux. Des gros bisous la ponette.

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    1. Oh, toi tu n'as pas dû dormir apaisée cette nuit ! J'espérais que tu ne le lirais qu'aujourd'hui, pour que tu te reposes un peu, mais caprice de blog, hein ! Passe une bonne journée, je t'embrasse ma princesse.

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  4. Comme Ambre, j'ai vu ton texte hier, mais j'ai attendu le jour J pour commenter :)
    Comme Ponette, je trouve ton texte très touchant, tu sais tellement bien décrire tes souvenirs d'enfance !
    Je t'embrasse ma Délia

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    1. Merci, toi aussi t'es une princesse, de coeur. Je t'embrasse.

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  5. on comprend bien qu'elle préfère l'amour des chats à celui d'un prince :-)

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    1. Surtout d'un vrai prince ! mieux vaut en effet un chat, au moins ils attrapent les rats !

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  6. je suis toujours émue quand ta fille vient commenter :-)
    Bisous tout le monde !

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    1. Merci, je vais lui dire de venir plus souvent commenter, car elle lit toujours mes textes. Mais ne commente pas tout le temps. je t'embrasse, mon autre princesse.

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  7. Toujours des souvenirs tellement intacts chez toi, j'admire !
    On dit souvent "s'entendre comme chien et chat", du négatif alors que chez nous chien et chat dormaient enlacés.
    Ton récit me fait penser à mon fils et sa famille qui n'arrivent pas à garder un chat, c'est au moins le 4ème qui disparaît, je crois et j'espère qu'ils vont abandonner l'idée d'en prendre un.
    Gros bisous ma Delia ♥

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    1. Il arrive qu'étant dans un même foyer, chiens et chats ne s'entendent pas, mais c'est rare car les humains veillent au grain et font en sorte qu'ils ne soient pas ensemble. Pourtant la Clémence avait au moins une trentaine de chats et a toujours eu des chiens méchants. On dit qu'ils ressemblent à leur maitre. Ils en sont bien le reflet de l'éducation, toujours ! Bonne journée à toi, je t'embrasse aussi.

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  8. Emouvant, to devoir.
    Tu mêles avec talent les souvenirs de chat et les souvenirs "d'avant".
    Vraiment chouette, vraiment...

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  9. En fait c'est le sujet qui est vraiment chouette. Merci Le Gout, je te charge de veiller sur ma Princesse, si tu la rencontres, elle est par chez vous en ce moment.

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  10. Quelle manière originale d'évoquer des souvenirs touchants… !

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  11. Il est superbe ton texte, c'est vrai on les pleure nos bêtes à chagrin.

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    1. Oui. Et je suis comme vous, je me dis qu'une fois que le dernier sera parti, il n'y en aura pas d'autre. Nous n'avons plus l'âge d'élever des enfants. Même s'il n'y a pas d'ordre des choses.

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  12. Nos textes ont ce point en commun : le désespoir d'une petite fille devant la disparition d'un compagnon aimé !

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  13. Oui. J'ai relevé un autre point commun : notre installation devant la cuisinière à bois, les pieds bien au chaud dans le four et un chat sur nos genoux. Belle journée à toi.

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  14. Texte profond, émouvant ... merci chère Delia ! à bientôt !

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  15. je viens de penser à toi ! Comme il y avait un vent superbe j'ai mis mon séchoir dehors ! et devine ? je viens de me dépêcher de le rentrer parce que j'ai entendu le bruit de la pluie sur le vasistas ! :-)
    ça te rappelle quelqu'un, peut être ? lol!
    Gros bisous et bonne journée !

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  16. Tu me fais rire ! c'est exactement ce qui m'est arrivé encore hier ! Je l'ai rentré trop tard, il est devant le radiateur, mais pas encore sec ! Ma mère disait toujours que celui qui le mouillerait le sècherait bien !
    Je t'embrasse

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7 extraits.