Devoir 193. L'automne


J’aime particulièrement l’automne mais que vous inspire-t-il ?
Certains lieux me remuent le peu d’âme qui me reste, surtout celui-ci que j’ai parcouru tant de fois.
Êtes-vous plus « Ô bruit doux de la pluie, par terre et sur les toits »
Ou « Longue comme des fils sans fin, la longue pluie
Interminablement, à travers le jour gris, »
Êtes vous plus branchés Verlaine ou Verhaeren ?
Ou êtes vous simplement vous et vos rêves ou vos idées ?
À lundi, j’espère…



 Cette rue qui descend de la butte a quelque chose de familier. J'en ai parcouru tant de ces rues depuis qu'un jour de mai 1981 j'ai découvert pour une quinzaine d'années Montmartre d'Est en Ouest du Sud au Nord et dans bien de ses recoins. Printemps, ou été, automne ou hiver, les charmes divers  de ces quartiers, au fil des saisons m'ont envouté. Je l'ai dit 100 fois, mais cent fois, c'est pas beaucoup, c'est surtout pas assez. 
L'automne a ceci de particulier : c'est la saison des vendanges et à Montmartre, les vendanges ne doivent pas se rater. C'est aussi la saison des amours mortes aprés un été mouvementé. Mortes mais sans cesse renouvelées. Avec ses rencontres plus sereines, plus durables et rassurantes, car on le devine, on y prend des engagements qui dureront au delà du printemps. J'aime particulièrement l'automne. A Montmartre, comme ailleurs, depuis que je ne vais plus à l'école, c'est à dire depuis de bien nombreuses années. 
Tout à commencé avec mes souvenirs de quand j'étais enfant, où revenant des champs quand le soir tombait, la main dans celle de maman, on rentrait le troupeau à l'étable. Papa s'occupait des dernières pommes de terre qu'il ramassait séparant les grosses des plus petites qui serviraient à la nourriture des cochons. Puis venait les labours avec ses deux vaches liées, tantôt la Charmante et la Blonde, tantôt la Jacade et la Mignone, papa tenait le manche de la charrue pendant que maman, marchant devant, l'aiguillon à la main  guidait l'attelage et pour moi, le plaisir de suivre aux champs surveillant les 3 autres qui n'étaient pas de corvée. Bien emmitouflée dans mon manteau laineux, je me blottissais au pied du grand pin qui m'abritait du vent,  je regardais le soleil qui descend derrière les montagnes lointaines, couvrant d'or et de feu, les sapins tout proches du bois des Barthes où bientôt on irait ramasser les airelles, les champignons et les châtaignes tombées sur le chemin des Bordes, pendant que papa et maman, feraient provision de bois mort pour garnir le fourneau, unique source de chaleur  quand l'hiver viendrait.
L'automne pourtant c'est la porte à Toussaint, les vivants qui s'occupent des morts, au moins une fois dans l'année. Les chrysanthèmes et les noix, les raisins et les pommes, le cidre doux, le vin âpre, l'huile pressé au moulin, le givre et les champignons qu'il ne faut pas ramasser. Les saisons qui se suivent, le temps qui passe, effaçant les anciens, laissant place aux nouveaux sans garantie de meilleur, chaque jour offrant sa  peine aux miséreux.
L'automne c'est aussi la plainte des corbeaux volant sur la plaine quand elle est dénudée. L'aboiement d'un chien dans le soir qui tombe, quand passent les charrettes sur le chemin de pierres, écorché.
C'est le vent froid venu du Nord qui se brise dans les genêts. 
C'est la douceur d'un foyer et la soupe qui fume dans l'âtre attendant le début de la soirée. 
C'est la veillée où chacun retrouve sa place devant la longue table, une fois le labeur terminé. 
La sérénité des chaumières calfeutrées, le calme retrouvé seulement rompu par le chien sous la table qui frappe le sol en  grattant   ses puces avant d'aller se coucher. 
C'est nous tous réunis.  Nous tous fatigués mais tellement heureux d'être ensemble, même si  on ne  le savait pas encore. Ce sont les jours qui s'égrainent et qui ont la saveur d'un passé retrouvé dans les histoires racontées par les pères et grand pères et qui ne reviendront jamais. 
L'automne c'est la plénitude avec  le sentiment du devoir accompli, du repos bien mérité, enfin gagné dont on va pouvoir profiter. C'est la récolte engrangée. Le fenil bien garni. C'est l'hiver qui s'avance, les semailles prochaines pour garantir un autre automne tout autant bien rempli.    

12 commentaires:

  1. Quel beau texte ! L'opposition entre Montmartre et la campagne est réussie.

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  2. Quand je suis arrivée à Montmartre, aprés quelques petites années à Paris (en automne aussi) j'ai tout de suite eu l'impression de retrouver un peu de la vie de nos villages, c'était chouette et m'a redonné du courage. J'ai aimé Montmartre autant que ma campagne. Aujourd'hui je peux dire que je crois au bonheur, parce que je l'y est rencontré. Merci de ton passage.

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  3. On n'oppose pas Montmartre à la campagne, on l'associe. On vit avec et on en fait un tout. C'est ce tout que je veux souligner.

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    1. "Opposition" n' était pas le bon mot. " Correlation" correspondait à mon impression. J'écris trop vite.

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    2. Les deux pouvaient s'entendre, les impressions suivent souvent les sensibilités.

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  4. bon retour! l'automne est une bonne saison et le tableau, avec tous les souvenirs qu'il t'évoque, une bonne occasion de revenir parmi nous :-)

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  5. mais oui et avec plein d'images en plus. J'ai bien utilisé mon dimanche !

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  6. je suis complètement perdue ... tu as fait tes deux devoirs en même temps ?
    Ah bah oui suis je bête, tu n'étais pas là ...

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  7. Je ne pouvais pas ne pas faire celui ci, quand au suivant, malgré sa noirceur et mon manque d'inspiration, je l'ai quand même attaqué de front. C'est pas le meilleur mais l'essentiel est de participer sinon on se décourage et surtout ceux qui s'investissent dans ce genre d'exercices méritent bien notre collaboration !
    Bisous ma belle.

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  8. Très beau texte...même pour moi qui prétend ne pas aimer l'automne... du coup...je doute!

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  9. L'automne a aussi ses mauvais jours, passé toussaint, tout s'obscurcit quand ce n'est pas déjà fait avant. Remarques, avec le printemps et l'été qu'on vient d'avoir, on peut peut être dire vive l'hiver ?

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  10. Merci au hasard qui, de commentaires en commentaires, m'a emmenée à ce texte beau comme l'automne. J'ai tout aimé et surtout cette notion l'impermanence et de recommencement sans cesse renouvelé avec les souvenirs racontés qui s'enfuient à jamais.

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195ème Devoir de Lakevio du Goût