Quel temps faisait-il ce jour là ?

 Un rapide coup d'oeil à la météo, du passé nous indique qu'une vague de chaleur secouait déjà la France et même l'Europe avec des records de températures allant jusqu'à 40° à Prague nous dit on.  36° à Clermont Ferrand, cela nous fait un peu sourire aujourd'hui. 

Je me souviens, moi, que c'était l'été. Etions nous en milieu d'aprés midi ou bien en fin de matinée ? Je ne sais plus. 

J'étais l'ainée et le suis encore, ton ainée, comme tu aimes à me taquiner parfois. D'autres fois plus sérieusement, quand une décision est à prendre et concerne l'ensemble. Car nous sommes cet ensemble, à jamais. 

Ce jour là, il faisait chaud en effet. Je jouais au ballon devant notre maison. Mes deux petites soeurs vaquaient à leurs occupations. Enfin, une surtout, car l'autre  devait dormir dans son berceau, ou bien assise sur une couverture, elle se balançait pour oublier qu'elle, on l'avait laissée quelque part, éloignée. Elle avait un an passé, déjà. A la maison, les choses se compliquaient. Les foins, les bêtes à s'occuper, une quatrième grossesse qui ne se passait pas bien comme il fallait. Le docteur était venu, il venait parfois voir le pépé qui vieillissait. Maman ne manquait pas d'activités. Les unes s'ajoutant toujours aux autres déjà nombreuses. Cette fois là, le docteur était venu avec sa grosse mallette en cuir verni, marron foncé. Sa fille qui s'appelait Françoise l'avait accompagné.  Il me semble que cela avait duré, longtemps, cela m'intriguait plus qu'inquiétait.  La gamine dans la voiture s'impatientait. Au bout d'un moment je lui proposais de venir jouer avec moi, mais elle déclina l'invitation. Les grands autour de nous s'affairaient davantage encore cela sentait l'orage. 

Ce jour là, les vaches étaient allées au pré, au Ruisseau, là où on les conduisait quand on avait pas trop le temps ou qu'il pleuvait, ce qui n'était pas le cas pour cette fois. C'est la mémé qui avait sans doute gardé. Papa n'était allé faner, Maman était alitée, elle souffrait.  Les douleurs de l'enfantement étaient redoutables, l'accouchement se passait mal, tu ne te présentais pas comme il fallait. Tu aurais pu ne pas vivre, mais tu t'es accroché. 

Nous,  on ne savait pas bien ce qu'il se passait. Des choses étranges cachées par les grands, on n'en découvrirait les mystères bien assez tôt. J'avais 5 ans en ce 16 juillet, je n'allais pas encore à l'école et je ne me souciais que peu de savoir si un autre monde existait. Pour moi, la Jaccade, la Blonde et la Charmante ou la Mignone et la Jolie étaient tout mon vaste univers. Il y avait bien aussi mes chats, mes petits, les seuls qu'il me restait. Blanchou et Jaunet, car le méchant Pyram, le chien de la vilaine Clémente, toute aussi méchante que lui, m'avait tué mon gros Blanchou, puis mon gros Jaunet, de magnifiques chats qui n'avaient rien à envier à mon P'tit Lion d'aujourd'hui.


Pour me consoler on m'avait dit qu'ils étaient partis, Jaunet au bois de Chaville, là où il sentait bon le muguet, et Blanchou au bois de Meudon là où une certaine Marie Antoinette avait fait beaucoup jaser. 

Ainsi le temps passait et à chacune de mes visites au village de Charel, en compagnie de maman, elle me disait que c'était ce bois là, le bois de Chaville et cet autre plus loin, celui de Meudon mais de ne pas m'inquiéter si je ne voyais ni Blanchou, ni Jaunet, car l'un et l'autre étaient sans doute occupés et puis c'est grand le bois de Chaville, et encore plus grand celui de Meudon ! Je nourrissais donc à chaque fois que nous les traversions, un nouvel espoir. Celui de revoir enfin mes chats. 

Le 16 juillet 1957, c'était un mardi. L'étape Barcelone - Ax les Therme du tour de France vit le Français Jean Bourles franchir en tête le col de Puymorens avant de remporter l'étape devant Queheille et Padovan.  Jacques Anquetil finit dans les profondeur du classement. il a remporté le contre la montre la veille et porte le maillot jaune qu'il emmènera jusqu'à Paris.


Un grand champion est né. Toi aussi, tu es né.  Mais ton destin sera bien différent. Ta vie ne sera pas de patachon, mais non plus un long fleuve tranquille. Faite de joies, de peines de labeur et de ténacité. Contre la maladie, contre la souffrance, contre la solitude. Ton courage, en rien pareil au sien, mais non moins grand,  néanmoins t'aura permis de traverser des lourdes épreuves. Depuis l'enfance jusqu'à aujourd'hui. 

Déjà, tout jeune tu fus séparé des tiens, pour une longue année sans nous, loin dans ce centre hélio marin, où pourrait-il, on allait te requinquer. Sans doute en tiras tu quelques bienfaits, mais les dégâts, qui donc te les compensera ? 

Puis vint le temps de l'apprentissage, tu ne fus pas bien guidé. Toute ta vie tu t'en ressentiras.  Tu as dû te débrouiller par toi même, découvrir tout seul ce qu'on aurait pu et dû te montrer. Ton passage dans le monde du travail ne fut pas non plus une porte ouverte vers la chance. Au bout de peu de temps, Ducellier qui t'employait ferma ses portes, l'occasion de faire descendre tout Issoire dans la rue. Plus de 5 000 personnes venus des alentours, Issoire, ville morte avait baissé ses rideaux.  

Quand vint le temps du service militaire, c'est à Verdun qu'on t'envoya. Là bas tu fis une grave dépression. Un obstacle de plus à surmonter. Au retour,  petits boulots et stages alternent. Sur ta route un certain Dédé* va te redonner confiance, enfin quelqu'un pour t'aider à franchir le pas. Ce sera une chance pour toi. Enfin. Mais le sort s'acharne une nouvelle fois. La précarité, la maladie, toi, tes proches... de nouvelles épreuves qui n'en finissent pas. 


L'étoile qui brillait ce jour là sous la latitude 45 547 n'était pas la bonne. Une de celles qu'il ne fallait pas. Pourquoi ? Nul ne le sait, nul ne le saura.  Et moi, ta soeur, je suis fière de toi. 

Nous sommes le 16 juillet. Et jusqu'à ce soir,  où un autre jour commencera, un autre anniversaire pour toi, chaotique, aussi, contre lequel il te faudra trouver la force de lutter, trouver les armes, pour combattre les larmes. Nul doute que tu le feras. Quel temps faisait-il ce jour là ? 

Je me souviens qu'il faisait froid.  Bien décorée, la première voiture du convoi, rutilait et votre bonheur étincelait. 




Tragique fut celui de l’an dernier, aux premières loges, c’était encore toi.  

As tu repiqué tes betteraves, ?  Les salades ont elles poussé ? Comment vont tes doigts ? 

Michel est-il venu te voir ? Pépette est - elle par là ? As tu revu ton chat  ? 

Et aujourd'hui, quel temps fait- il là bas ? 


 J'aime bien cette photo de vous 3. Bon anniversaire mon gars.

*Dédé, c'est André Chassaigne, ici on ne demande pas qui est Dédé, tout le monde l'appelle comme ça. Et chacun sait pourquoi, chacun sait ce qu'il lui doit. 

12 commentaires:

  1. Il est superbe ton texte; très émouvant.
    Mais j'essaie de comprendre .. ton frère aussi s'est marié le 16 juillet, comme toi ?
    J'espère que tu as passé une belle journée d'anniversaire ma Délia, et que tu as pu oublier tes tracas ne serait ce qu'une journée. Plein de gros bisous !

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  2. Merci ma belle ! que d compliments ! je me suis mariée le 16 en effet (j'avais oublié cet évènement !) et mon frère s'est marié le 17. moi c'était il y a plus de 40 ans, lui, il y a 3 ans.
    Sinon, oui, la journée fut calme mais on est en semaine, le Patou est sorti hier et là ça commence à s'affoler ! on va rejoindre la Ponette pour une soirée pizza, car demain il y a boulot. Bisous à trés bientôt.

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  3. Bonne nouvelle pour ton mari !
    j'espère que la soirée pizza fut bonne !
    De gros bisous Délia Jolie !

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  4. Pas de pizza, des chinoiseries à la place. Pour mon mari, oui, bonne nouvelle, mais je crois qu'il faudra aussi éviter les chinoiseries ! Je t'embrasse, j'ai bien reçu ta carte aujourd'hui, presqu'hier (c'était avant que je me lève ce matin !) Va voir ta boite de message. Merci pour la surprise.

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  5. c'est beau, c'est bien dit, c'est touchant...
    bonne santé et bel été à vous tous!

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  6. Merci Adrienne, on va tâcher. C'est pas gagné !

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  7. Il est émouvant, ton texte, un brin nostalgique.

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    1. Ce sont des faits. Ils sont ce qu'ils sont, on peut regretter de n'avoir pas dit, pas fait au bon moment, ou pas du tout, on n'y peut rien changer, il faut les accepter. Rien de plus, en atténuer la portée ? Pas sur qu'on le puisse encore. Merci de ton passage.

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  8. Ton frère est né un 16 juillet comme toi ?
    Pas simple sa vie à ce que je lis...
    Je me souviens de ton chapeau porté pour le mariage de ton frère ! :)
    C'est super que ton mari soit revenu à la maison, j'espère que sa convalescence se passe bien ?
    Je t'embrasse très fort ma Délia

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    1. Oui, comme moi mais 5 ans plus tard, et aprés 2 autres soeurs. Il était bien beau mon chapeau !
      Pour mon mari, c'est un peu compliqué, pas mal en dent de scie, mais que faire qu'endurer et être vigilant ? Tu connais cette maladie, je ne t'apprends rien sur sa sournoiserie ni sur les dégâts qu'elle cause. Irrémédiables et aux conséquences graves.
      Je t'embrasse.

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  9. Je fais un peu de rattrapage de lecture...
    Comme il est émouvant ton récit... de gros problèmes de santé chez ton frère, dès la naissance... fallait-il avoir vraiment envie de vivre. Mais que d'épreuves traversées ! il s'est marié "sur le tard", enfin un bonheur bien mérité.
    Gros bisous ma Delia ♥

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  10. Coucou ma Praline, je crois que les épreuves n'épargnent pas grand monde, on a tous nos croix, plus ou moins lourdes, pour lui, un peu plus que pour d'autres sans doute et pas finies non plus. Aprés deux ans de relative tranquillité, où il a quand même affronté deux opérations graves, plus 3 ou 4 hospitalisations de sa tendre et chère dont la dernière sur une longue durée pas encore terminée, oui, on peu dire que sa vie fut bien chargée en épreuve et qu'il n'a pas eu beaucoup de répit. Je t'embrasse ma douce.

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Belle et riante