Elle était belle, elle était douce.

Elle était belle, douce et grise. Elle avait un poil soyeux, lisse et velouté. Elle venait parfois frôler nos jambes, se frotter à nous, cherchant caresses et attention. Elle n'était pas difficile à vivre. Sa satisfaction lui venait des parties de chasses qu'elle entreprenait du temps de sa jeunesse. Elle n'était pas si vieille pourtant.  11 ans.  Que cela passe vite, onze ans. Onze ans déjà. Onze ans que nous avons poussé la porte de la cabane où elle dormait prés de ses frères, seule fille de la portée. Onze ans que  la Ponette, qui n'était pas encore Ponette, mais une Boucle de Sarrazin avait apprivoisé cette tribu qui n'a cessé de nous donner bonheur et joie. Jour après jour, du premier soleil à la dernière lueur, au dernier souffle de leur vie. Frimousse, en tête. Mais aussi Jaunet le vagabond, Ti-Gris le sauvage, Chaussette le peureux mais néanmoins très pot de colle et caressant  et elle la discrète.
Elle que ses frères et tous les autres s'amusaient à poursuivre dans les pièces de la maison, dans les allées du jardin, dans les prés, sur les chemins. Parce qu'elle était peureuse et parce qu'elle n'aimait pas certaines familiarités qu'ils lui imposaient.
Si le harcèlement sexuel était reconnu aussi pour les chats, elle aurait été une bonne cliente pour les tribunaux pour chats.
Nous la défendions quand nous la voyions en détresse. Elle avait choisi une place où personne ne pourrait l'importuner, tout en haut dans un carton perché, mis là exprès sur la bibliothèque, mais où ils finissaient tout de même par la déloger.
D'elle il ne reste rien. Rien. Rien qu'un petit corps recroquevillé, posé sous un tapis de fleurs  qu'à l'endroit  j'ai eu soin de repiquer. Rien que ce carton où elle avait fini par ne plus aller.
Elle était malade, son mal ne pouvait avoir de remède, et nous avions choisi de ne pas l'embêter avec quelque traitement hasardeux qui ne retarderait pas l'échéance et ne serait pour elle qu'un supplice de plus à supporter. Nous nous étions employé à soulager ses douleurs et à rendre moins rude son existence. Je ne sais dans quelle mesure nous y sommes parvenus. Elle est partie par une après midi ensoleillée. Elle nous suppliait de l'aider. Son regard insoutenable nous disait autant que ses cris son supplice et qu'il fallait la délivrer. La Ponette était là pour la réconforter. Nous l'avons doucement emmenée jusqu'au cabinet vétérinaire où une main douce et secourable l'a prise en charge pour ses derniers instants, qui de toutes façons n'allaient plus tarder. La soirée s'est terminée sans elle. La Ponette avec moi est restée. Nous avons parlé.  Parlé.  Et encore parlé. D'elle. Des autres. De tous les autres et des peines. De nos peines et du chagrin que leur départ nous a causé. Mais aussi des joies qu'ils nous ont procurées. Des joies immenses, surtout.
Frimousse, mon beau Frimousse, toi qui fut le premier. Le premier, le volontaire, l'intrépide, le courageux, le téméraire. Accueille la, protège la  comme tu le faisais, en bas sur la terre. Je l'ai posée prés de toi, juste à deux pas. Près de la cabane où nous vous avions trouvés et où, parfois, vous vous réfugiez.
Je l'ai posé en terre par une fraiche matinée. La brume se levait sur la vallée. Le soleil n'éclairait qu'à peine la rosée. Et moi, mon coeur saignait.
Toute la nuit la Ponette  a pleuré.

* Je sais que c'est désuet de vous confier cette peine. Quand tout va mal. Quand le monde va mal. Quand partout autour de nous se jouent des drames et dont certains d'entre vous ne sont pas épargnés. Je vous soutiens comme je le peux. Avec mes mots. Rien de plus, mais puis je faire plus ? De toutes façons ni vous ni moi n'y pouvons rien changer. Une douleur est une douleur, une peine une peine.  Mais il n'y a rien de comparable. Des drames, il en est de toutes les natures. Quand il touche à l' humain, il est plus dur, tellement plus dur mais seulement plus dur. Celui là n'est pas démesuré. Il est.

4 commentaires:

  1. J'ai eu de nombreux chats, malgré l'allergie mais la mort de Balagan, que je pleure encore, fait que je n'aurai plus jamais de chat, l'âge aussi mais le chagrin surtout.

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour Heure Bleue, Je suis contente de te retrouver, car c'est que tu vas mieux. je suis comme toi, je me dis que je ne prendrai plus de chat après le dernier , pour ne pas qu'il se retrouve seul après moi. Mais on a le temps,n'est ce pas, en tout cas c'est ce que je nous souhaite. Tu parles beaucoup de Balagan, j'imagine qu'elle avait un caractère trés marquant. Il y a des animaux comme ça aux quels on s'attache plus particulièrement. Ils méritent bien notre chagrin. Je te souhaite une belle journée.

    RépondreSupprimer
  3. oh bah dis donc tu me fais re-pleurer... enfin ne t'inquiète pas c'est juste le temps de te lire, mais tu décris tellement bien.. Tu exprimes tellement bien.... et tes photos sont trop jolies, tes petites roses sobres, là, à la fin du message... J'ai du chagrin pour vous.
    je te dis à bientôt Délia, dès que je peux, en messagerie, comme promis. Merci de ta présence et de ton amitié. Belle journée à toi et de gros bisous

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Ambre, je ne voulais pas te faire pleurer ! Avec la Ponette on a fait le bilan : moins 4 en 13 mois ! ça commence à faire du vide ! Les autres sont tout drôle avec ça. Ils cherchent et semblent désemparés, perdu dans tout cet espace qu'ils partageaient à plusieurs. Merci de ton com, bisous et à bientôt.

      Supprimer

5 à 7