Au coin de la rue là bas.

Mais que vous raconte l’image de cet homme penché sur son journal ?
Je suis sûr que c’est une histoire très prenante.
Ça vous dirait de raconter une belle histoire pour inaugurer cette année nouvelle ?


C'est un vraiment joli tableau que nous avons là du côté est de la butte. Je le connais bien ce coin avec ses arbres dont la ramure s'étend jusque sur la rue Del Sarte en contre bas, passant la rue Rnsard jusqu'à la rue Steinkerque et la rue des Saules qui redescend vers le nord,  j'y venais souvent lors de mes balades parisiennes. Bien plus tranquille que la place du Tertre et les rues des cabarets j'en appréciais le charme et la douceur des soirs d'été. Tel ce jour , un des dernier de notre épopée dans la capitale. Nous étions revenus de la campagne, terminer les cartons car le grand jour approchait et s'en serait fini pour moi de cette belle vie faite de liberté  et de douceur. Maman m'accompagnait, c'était la première fois qu'elle venait à Paris. Elle m'avait souvent dit son regret de ne pas connaitre Montmartre dont je lui parlais souvent, et dont sa tante, la Maria, lui avait souvent décrit la beauté et la majestuosité. Je lui fis donc les présentations. Le Sacré Coeur, sa basilique,  son parvis et ses marches  d'où l'on voit tout Paris. De la place du Tertre, nous étions redescendues vers le marché Saint Pierre empruntant ces allées dont la fraicheur nous rappelait notre jardin. Je lui racontais mes promenades, ici même et lui parlais de ces rues dont je connaissais les contours et les détours dans tous  leurs recoins. Je lui parlais de mon travail qui consistait à attribuer des chantiers à "mes hommes" sur chaque secteur avec précision. Je lui parlais de ce que j'aimais et qu'elle ne connaitrait jamais.  Nous n'y avons pas vu ce lecteur solitaire qui semble perdu dans les pages de son journal, à tel point qu'on a l'impression qu'il ne sait par quel bout le lire, peut être cherche- t- il La bonne nouvelle, celle qui le fera frémir, ou bien le récit de ce crime monstrueux dont chaque détails éveillera en lui le sanguinaire qui somnole. Allez donc savoir. Il y a tant de gens qui ne paient pas de mine et qui pourtant sont loin de mériter notre confiance. Personnellement, je penche pour un rendez vous galant. Il a donné rencart à une belle suite à une annonce parue dans ce journal et il en apprend les moindre détail de façon à ne pas se tromper de cible lorsqu'elle apparaitra au coin de la rue là bas, car la rue Labat, bien que non loin n'est pas par là. 
Elle lui a bien précisé pourtant, à quel endroit il faudrait qu'il se trouve, avec son journal ouvert et à quelle page, mais il est tellement impatient qu'il a peur de la manquer, alors, nerveusement il s'occupe en feuilletant les pages d'une gazette qu'il ne lit même pas. 
Tout à l'heure, je me suis dit qu'il avait l'air d'un financier avec ses lunettes à grosse montures. Mais il a l'air tellement empoté avec les grosses coupures que ce ne peut être qu'un novice, un de ces fils à maman qui n'ose pas. Timide et gourd, il deviendra rouge comme une tulipe quand elle se plantera devant lui. Elle je l'imagine : la cinquantaine, ayant du mal à se caser, grosse blondasse au décolleté profond, robe en mousseline, bleu canard. Par dessus ses épaules dénudées, elle aura jeté un châle de dentelle mauve, comme celui de Madame Serfati. Provocante et vive, elle l'abordera et lui, déçu de sa conquête, restera couard comme une poule qui a trouvé un couteau. Elle l'invitera dans sa chambrette, il n'osera pas dire non et se fera plumer comme un jeune dindon en moins de temps qu'il ne lui en aura fallu pour réaliser ce qui vient de se produire. La belle bien satisfaite repartira joyeuse vers un autre banc et la journée sera prospère. Elle ne regrettera ni son temps, ni le voyage. Tout le monde ne pourra pas en dire autant, et ainsi continuera de tourner la terre. Dommage, c'était un bel endroit.

12 commentaires:

  1. Ha ha, tu me fais penser à mon ex qui nous raconte, lors des repas de famille (anniversaire de nos petits enfants communs)ses exploits lors de ses multiples rencontres via des sites dédiés.
    Notamment, dernièrement où il nous a dit avoir rencontré une "dame" c'est comme cela qu'il les nomme, qui ne l'inspirait pas, et qu'il avait du mal à "honorer", il n'y est parvenu, nous a t il dit, que dans le noir...
    Il se ridiculise, et ne s'en rend même pas compte. J'ai su par la suite que le beau père de nos fils ( leurs compagnes sont sœurs jumelles)avait été très gêné. D'ailleurs nous nous sommes tus, Zhom, lui et moi, les autres n'ont pas entendu...
    Je sais pourquoi je l'ai quitté...

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  2. Tu as bien fait et ne le regrettes pas. Ta vie est surement plus équilibrée même avec des hauts et des bas, que ce qu'elle semblait être avec lui. Je crois que j'aurais été génée aussi, probablement que même j'aurais eu honte.

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  3. Un humour un peu gris pour ce pauvre homme au rendez-vous raté... Tu racontes bien!
    Le passage que j'ai préféré c'est quand tu présentes Paris à ta maman...
    Moi non plus je ne suis jamais allée à Paris avec la mienne, sauf qu'elle, elle l'avait connu dans sa jeunesse, elle travaillait du côté de République, "la Répu" comme elle disait
    gros bisous à toi Délia, belle journée!

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  4. Bonjour Ambre, peut être que la première partie aurait suffit, j'aurais pu la développer davantage et ne rien écrire de la seconde, mais ce pauvre homme perdu dans les pages dez son journal qu'il semb le avoir du mal à déplier m'a fait penser à mon frangin et à son premier rendez vous avec sa Juju, alors...
    Bisous Ambre, aujourd'hui, il fait gris et il pleut chez nous. Bonne journée à toi.

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  5. Tu aimes vraiment Montmartre, tu n'as jamais eu envie de revivre à Paris.

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    1. Bonjour Heure Bleue, j'espère que vous allez bien tous les deux. Pour te répondre, j'ai souvent eu envie de faire demi tour depuis ma province lointaine. J'ai fait une grosse connerie en quittant Paris. Et peut être que si j'étais restée, je l'aurais regretté aussi et j'aurais trouvé que c'en était une aussi. Les choses ne sont pas simples autant qu'il y parait. Il faudrait pouvoir vivre plusieurs choses différente simultanément pour pouvoir comparer. Quoi qu'il en soit, j'ai gardé un excellent souvenir de Montmartre, le meilleur temps que j'ai vécu mis à part la petite enfance, naturellement, dont c'est en poids, surement l'équivalent.

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  6. J'adore !
    Tu m'as bien fait rire avec la "shalala gourmande", "fausse blonde à forte poitrine", le piège à bêta parfait...
    En même temps, on sent bien que tu aimes ce quartier.
    Presque autant que moi. ;-)

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  7. Presqu'autant que toi, et c'est peu dire ! Merci Le Goût.

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  8. De nouveau une belle évocation parisienne. J'ai bien aimé « maman à Paris ». Je pense que tu aurais dû développer cela et y introduire l'homme au journal, même si ce ne fut pas un élément du réel, parce que la deuxième partie fait un peu comme « rajoutée » parce qu'il fallait bien…
    ce n'est pas une critique, juste une remarque…
    je n'aurais pas voulu vivre dans la durée à Paris. Je n'y allais qu'occasionnellement plusieurs jours de suite pour raisons professionnelles. Mais j'adorais ! Alors toutes ces évocations me vont bien…
    Belle journée à toi.

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    1. Merci Alainx pour ce conseil. Il faut savoir apprécier ceux qui ne peuvent qu'enrichir et améliorer. En tout cas c'est comme cela que je le perçoit. Un regard extérieur est toujours le bien venu.
      Pour Paris, je crois que si je n'y avais pas vécu, je n'aurais pas été celle que je suis devenue. Je ne dis pas que c'est ce qu'il faut pour tout le monde, mais pour moi, cela m'a ouverte aux autres et mon état d'esprit a évolué à leur contact. Même si cela fut difficile au tout début, (il faut bien prendre ses marques)je ne retire que du positif de tout cela.

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  9. le pauvre homme :-)
    (ma mère dirait qu'on est toujours puni par où l'on pèche ;-))

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  10. La mienne le disait aussi. Et d'ailleurs c'est ce qui a fini par arriver à la JU-Ju. Après mon frangin, elle s'est branchée sur un plus malin qu'elle et c'est lui qui l'a plumée !

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5 à 7