l'hiver à la neige.

 En remplacement du devoir du lundi et sur une idée-proposition d'Adrienne. 


C'est l'hiver. Je ne suis pas aller en classe, c'est les vacances de Noël. A la rentrée, si les congères ne sont pas trop hautes, je retournerai à la grande école. Celle où il faut aller pour devenir grand. Pour apprendre tout ce qu'un enfant doit savoir. Tout ce qu'on veut qu'il sache, surtout.  Apprendre l'obéissance. L'ordre. La discipline. A devenir un homme, une femme, mais ce n'est pas pareil pour les deux. Il le faut bien. 

Un homme doit être fort, ne pas pleurer, commander, diriger, mais obéir aussi aux plus gradés que lui, bien sûr, car si on l'est moins, c'est à lui qu'il faut obéir. Une femme, elle doit être docile, bonne ménagère, bien tenir sa maison, être attentive à ceux qui l'entourent, bien élever ses enfants, prendre soin des vieux parents, des siens bien sûr mais de ceux de son homme, évidemment. Elle ne doit jamais protester, jamais se plaindre et bien gérer son foyer. Enfin c'est ce qu'on m'a enseigner quand j'allais à l'école dans les années 50. Oh bien sûr les choses ont changé depuis, les femmes ont appris à se rebeller et c'est tant mieux. Encore un pas, quelques pas, plutôt et l'égalité sera... ou pas.  

Pour l'instant, je savoure ma liberté. Je n'aime pas l'école, la maitresse est méchante. Elle ne m'aime pas, ni les enfants de ma condition. Pensez, une petite paysanne ! tout juste bonne à curer les vaches (ce qui ne me déplait pas, loin de là ! ) J'adore m'occuper de mes vaches. L'hiver justement, je vais à l'étable, je me blotti contre l'une d'elle, tout contre son épaule, elle me lèche de sa langue râpeuse et j'adore ça . Elle n'esquisse même pas un mouvement quand je sors l'étrille et lui enlève les grosses crottes qu'elle a sur son pelage, à l'arrière. Brave cette vache ! Plus qu'une vache, c'est ma confidente. C'est vers elle que je me réfugie, lorsque j'ai du chagrin. Par exemple quand papa est malade. Comme quand mon pépé est mort, l'année dernière. Comme quand maman a du chagrin et des soucis.  

Cet aprés midi, comme hier, quand le docteur est venu, je reviendrai voir ma vache pour lui confier un grand secret. Depuis hier, j'ai un nouvel attelage, un char avec des boeufs. C'est la tata Paulette qui me l'a eu au père Noël. Le père Noël, j'y crois plus guère, et ce depuis que je suis allée à l'école. C'est Martine, qui me l'a confirmé. Elle, elle a une grande soeur et une cousine, la Loulou, qui vit chez elle. Ce sont elles qui lui ont révélé la chose. Oh je m'en doutais bien un peu aussi ! vous pensez, un bon homme avec une longue cape toute rouge et une barbe en coton ! vous en connaissez beaucoup vous, des hommes avec une longue barbe en coton ? C'est bien le seul que j'ai vu ! d'accord, je ne suis pas bien vieille encore, mais quand même, faut pas me prendre pour une oie blanche, non plus !

 Tiens on dirait que le temps se lève un peu. Le soleil semble percer les nuages et éclaire le grand arbre devant la maison de la Francine. Le Roger coupe du bois au coin du chêne. La neige étincelle par endroits. Quand papa ira faire boire les vaches tout à l'heure, je le suivrai. J'adore m'occuper des vaches. Cet aprés midi avec mes petites soeurs, on ira aux Enclos, si la neige n'est pas trop haute sur le chemin de traverse. J'aime aller aux Enclos. Mes prés, mes champs ! toute ma vie quoi qui est là sur ces terres rudes à travailler. C'est papa qui les travaille, avec ses vaches, la Charmante et la Blonde, et la Jaccade et la Mignone, ou la Jolie, elles se relaient. C'est mieux d'en avoir plusieurs pour le travail. Comme ça quand il y en a une qui a son petit veau, elle peut se reposer et avoir plus de lait pour lui. Des fois quand il en reste, maman fait des fromages. Ils sont rudement bons ses fromages, même en hiver ! 

Quand on sera aux Enclos tout à l'heure, on ira voir le souterrain, prés de la maison de l'Erneste. Il parait qu'il y avait un château autrefois. Bien sûr je ne l'ai pas connu, moi, ce château. Il a brulé dans les années 1900, papa nous l'a raconté, un soir à la veillée. Il était petit, mais il s'en souvient. Bien sûr des choses comme ça, ça ne s'oublie pas, ça marque ! Les Enclos était un village relié aux châteaux alentours, celui de Montboissier, d'Echandelys, de Médat  de La Fayette et probablement d'autres encore. J'aime bien les Enclos parce que c'est tout prés du bois, et qu'il y a plein d'endroits pour se cacher, quand on garde en été (j'aime bien m'occuper des vaches ). Là les arbres sont sous la neige, comme sur le tableau que j'ai trouvé chez l' Adrienne. 

Mais pour l'instant, il faut que j'aide maman, il faut s'occuper des petites, faire à manger, panser les cochons, faire boire les vaches,  s'occuper des poules et des lapins.. Tiens je vais commencer par eux. Aprés je m'occuperai de balayer un peu la maison.  Et puis j'irai m'occuper des vaches, peut être qu'il faudra casser la glace pour les faire boire au bac,  là, elles n'ont pas encore fini de manger (j'aime bien m'occuper des vaches).  

9 commentaires:

  1. je comprends mieux pourquoi tu aimes les vaches! Tu étais bien vaillante (je crois que ce texte est ancien, en tous cas je ne l'ai pas lu avant) je ne suis pas une de tes lectrices depuis très longtemps. J'ai moi aussi souffert gamine de la méchanceté de certaines institutrices car j'étais issue de famille nombreuse et pauvre...

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    1. Bonjour Emilia, non, non, ce texte a été écrit ce matin pour la première fois, aprés avoir lu le billet d'Adrienne. Mais il est vrai que les souvenirs, eux sont trés anciens et sans doute je les ai déjà évoqués plusieurs fois. Par rapport aux instits, c'est dingue comme quand on est maître du jeu, du moins quand on croit l'être, l'importance qu'on se donne. Pourtant Victor Hugo, qu'elles (ils) auraient dû étudier plus en détail, le disait : "la vie des humbles vaut bien celle des grands". Bonne fêtes à toi et à tes proches, passe une bonne fin d'année reste au chaud, il fait si froid dehors. Je te fais la bise.

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  2. j'ai un ami fils d'agriculteur qui est comme toi, plein d'amour et de respect pour les vaches (au point qu'il est devenu végétarien ;-))
    j'aime ces souvenirs, merci!

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  3. Ton tableau était trop beau pour ne pas lui rendre hommage. Merci à toi. Le fils de ton ami est bien plus courageux que moi. Je ne suis pas végétarienne, je tente seulement de m'en approcher le plus possible. Personne n'est parfait, n'est ce pas. Bonne soirée à toi, à demain surement de te lire chez toi.

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  4. Je t'admire d'avoir tant de souvenirs, et de savoir si bien les partager avec nous.
    On m'a interrogée à Noël sur le plus beau cadeau de Noël que j'aurais eu, incapable d'en citer un, aucun souvenir... Si ce n'est le "cérémonial"...
    Je t'embrasse ma Délia ♥♥♥

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  5. Et je peux aussi te citer le pire des cadeaux que j'ai reçu ! Mais je le garde pour un prochain billet ! Je t'embrasse.

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  6. Un plaisir de lire tous ces souvenirs, intacts ; et ton amour pour les vaches est magnifique, je pense qu'elles te le rendent bien.
    Je n'ai pas de souvenirs agréables des Noël de mon enfance.
    Gros bisous ma Delia, finis bien cette année, c'est du peu ! et bonne année 2025, on espère, on y croit... même si on se ment ♥

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  7. Bien sur qu'on se ment. On sait bien que tout cela ne dépend pas de nous. Si on pouvait, il n'y aurait que du bonheur, car comme le disait Eluard, il ne faut pas de tout pour faire un monde, il faut du bonheur et rien d'autre. C'est en tout cas ce que moi je vous souhaite à tous. Je ne sais pas ce que sera 2025. On vieillit. On a mal au dedans comme au dehors. On espère que ceux qui nous suivent s'en sortiront, mieux que nous, mais on sait aussi que ce n'est pas gagné. Bonne fin de soirée, d'année, bon début de la suivante, on voit en marchant. Je t'embrasse.

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