Souvenirs du temps passé

Quelque chose m’est suggéré en regardant cette toile.
Mais vous ? Que vous dit cette toile ?
Si voulez bien faire ce « devoir de Lakevio du Goût », commencez-le par cette phrase « J’ai arpenté pendant plusieurs jours le XVIème arrondissement, car la rue silencieuse bordée d’arbres que je revoyais dans mon souvenir correspondait aux rues de ce quartier. »
Et closez le par « Ce fut un chagrin désordonné. »


J'ai arpenté pendant plusieurs jours le XVIème arrondissement, car la rue silencieuse bordée d'arbre que je revoyais dans mon souvenir correspondait aux rues de ce quartier.
J'avais été nommée, suite à un concours des PTT, dans le rue de Jasmin, il y avait bien longtemps maintenant.  Désoeuvrée, comme la plupart de celles qui comme moi avaient atterrit ici, je me baladais l'âme en peine dans les quartiers  huppés où rien ne m'était familier. Nous étions fin novembre. Je venais de quitter mon village, que la neige recouvrait déjà et je recherchais l'illusion de mon pays abandonné. Je marchais sans but et passais de villa en villa, de jardin arborés en jardins d'agréments sans vraiment faire attention à ce que je voyais. Ce monde n'était pas le mien. Rien ici ne me parlait, n'évoquait mes hivers sur la neige gelée quand par temps de froidure il fallait aller chercher le pain ou quelqu'autres denrées dont nous devions nous approvisionner. Ici pas un oiseau ne chantait, pas une bête apeurée. Plutôt que de s'enfoncer, légers dans la poudreuse fraichement tombée, mes pas sur le béton résonnaient. Je repensais à la grande maison qui bordait le chemin de notre école et je revoyais la propriété toute bordée de lilas, des blancs, des mauves, des violets et son hôte toujours bien habillée, nous saluer au passage. Je revoyais la vieille Francine monter le chemin jusque chez Borvo pour nous préserver des galopins et nous offrir un carré de chocolat qu'elle avait pour nous garder bien au fond de sa poche. Parfois, on redescendait jusque chez elle, où l'Ambroise, son homme, nous faisait déguster une poire cuite en guise de goûter. Ces moments chèrement enfouis au fond de ma mémoire me ramenaient inexorablement à mon enfance, que j'aurais voulu voir s'éterniser. Quand je réalisais enfin où je me trouvais, je n'avais plus de courage, j'avançais sans vraiment savoir où aller. Je repense parfois à ce temps si lointain. Il m'arrive aussi de retrouver des émotions alors éprouvées. Je ne saurais les décrire maintenant car tant d'autres les ont remplacés. Les évoquer ici ne me fut guère  salutaire, tout se mélange à présent, mais je retrouve parfois l'impression que cela me procurait. Et cela je peux vous le dire. Ce fut un chagrin désordonné.




16 commentaires:

  1. Hé bé...
    Ce tableau a plombé le moral de toutes celles et tous ceux qui ont fait le devoir.
    Tu sais quoi, Délia ?
    A part la rue Raffet qui donne dedans, je crois que je ne connais pas de rue de Paris plus chiante que la rue Jasmin.
    Sauf peut-être la rue de l'Yvette.
    Il est grand temps d'arriver avenue Mozart, là c'est vivant.

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    1. Tu l'as dit ! chiant pour l'être, il l'était et l'est sans doute toujours. Je ne sais pas si c'est le tableau ou le temps gris et neigeux qu'il évoque, le même que celui du moment présent, qui plombe le moral, mais c'est vrai que tous les textes que j'ai lu sont empreints d'une certaine souffrance.

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  2. Nous restons tous ancrés à notre enfance, à l'endroit où elle s'est déroulée. si on y reste on manque d'air, et si on part on s'en remet difficilement.. Beau devoir.

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    1. Merci Sylvie, oui ancrés à nos racines, c'est exactement cela.

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  3. Tu écris bien, et nous fais partager ton ressenti lors de ce changement radical de vie !
    Je me suis éloignée très rapidement de chez mes parents (19 ans), mais jamais je n'ai ressenti de nostalgie...
    Par contre, je n'ai jamais vécu dans une grande ville, et je crois que je n'aurais pas pu.
    Bisous

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    1. Merci Fabie, je crois que c'est le déracinement qui est terrible, plus que la taille de la ville, peut être si j'avais débuté ma vie parisienne dans un autre quartier, cela aurait peut être été différent, je ne sais pas.

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  4. Tu parles, la rue Jasmin est triste comme un jour sans pain, je ne connais pas bien le XVIème arrondissement, il est toujours aussi peu attrayant.

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    1. Tu as dis le mot aussi peu attrayant, chiant, mortel, je ne comprends pas que de tels quartiers puissent exister !

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  5. On ne peut pas appeler cela « monter à la capitale » !
    Déjà, rien que les PTT…
    ;-)

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  6. Non, on ne peut pas monter à la capitale quand on vient de la montagne ! c'est certain !

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  7. J'avais été nommée, suite à un concours des PTT….tiens, comme de nombreux provinciaux, content ou pas content, c'était là qu'était le travail...comme je l'ai fait aussi presque un an, juste avant de me marier, comme l'a fait ma sœur, ma belle-soeur, mon frère entré à la SNCF..et dire qu'on veut leur enlever tous leurs avantages acquis durement..Bon, la gratuité du train pour les parents, grands-parents à vie, ce n'est pas ça qui va ruiner la SNCF, ce ne sont que des économies de bout de chandelles, d'autant plus que peu s'en sont servis de cette gratuité. Bref, c'est un autre sujet. Quand j'étais jeune, j'étais contente de "monter à la capitale", par la suite, pas eu envie d'y remettre un pied ou alors, avec le grand confort, les bons hôtels, les taxis..surtout pas le métro..Ah l'odeur nauséabonde du métro ! Que je les ai plains, les pauvres en été avec la canicule..J'en ressentais l'odeur..
    Bref, passons...J'aime comme je te l'ai déjà dit ta façon de raconter tes souvenirs..

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    1. Tu as raison de le souligner Julie, les acquis enviés des uns ou des autres ne sont pas venus tout seuls. Il a fallu des luttes et des larmes, parfois, trop souvent, du sang, aussi. Personne n'a monnayé notre désespoir d'avoir du partir de chez nous un jour, content ou pas comme tu le dis. Quand je suis revenue en province, ceux et celles qui n'étaient jamais partis nous en ont fait voir de toutes les couleurs à nous qui étions revenus !

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  8. Joli texte, tendre et émouvant.
    En ce qui me concerne, j'ai levé l'ancre sans difficulté ! :-)
    Bisous

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  9. Tu as levé l'encre aussi et tes 2 textes étaient eux aussi "enlevés" Pas un hasard de trouver chez certaines plumes les mêmes sensibilités, on est tous fait du même bois, nous les ex ruraux.

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  10. Bonjour Délia, perso je ne peux pas faire ce "devoir" car je 'aimes pas Paris et les Parisiens, et je suis pas la seule en province. Donc le peu où j'y suis allée j'en suis revenue pleine de boutons et malade, alors plus jamais je n'y retournerai.
    je peux juste commenter ce à quoi que ce tableau me fait penser: De la tristesse, on s'en va le dos tourné pour aller où, Faire les course peut-être? je ne veux pas donner une note triste à ce tableau. Partir pour plus vite revenir. Bisous.

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  11. Personne n'est obligé de faire un devoir. Pour moi l'intérêt est de partager, d'explorer des pistes d'écriture où je ne me serais pas aventurée spontanément. Quand il arrive que les consignes me parlent, je pense que j'écris différemment, car je le fais aussi avec mon ressenti. Ce qui est intéressant, je trouve, c'est surtout de voir à travers les écrits de chacun, comment les choses peuvent être abordées, avec les sensibilités des uns et des autres. C'est du partage, c'est de la découverte et c'est de l'enrichissement, car on l'est plus des autres que de soi même. La note triste n'est pas donnée ici par le tableau, mais par l'excipit, à chacun de le voir selon sa propre sensibilité. Se plier à une consigne, quelle qu'elle soit, est un exercice nouveau à chaque fois. C'est un travail sur soi même.
    J'ai lu chez un participant ou une participante, je ne sais plus, que rien que l'odeur du métro lui était insupportable. pour moi, les odeurs sont comme toutes les sensations. J'aime celle du métro, car elle est évocatrice de moments de bonheur et de souvenirs heureux. J'ai été heureuse à Paris et le métro, comme les odeurs de vie des différents quartiers en sont des illustrations. Cela je ne peux pas l'oublier. Le XVI arrondissement était pour moi le symbole de la négation de moi. Je l'ai détesté. Mais j'ai adoré beaucoup des autres arrondissements, mon préféré et de loin restant le XVIII, bien entendu, et puis tu sais, Paris est fait de tellement de cultures et de civilisations. Tant de provinciaux s'y sont retrouvés après s'y être perdus ou exilés. Enfin merci de ton commentaire qui suscite échange et réflexion. Bonne journée Marie et gros bisous.

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