Bien alors je vais vous raconter.
Pour Ambre qui se demande encore ce que c'est que cette histoire d'empereur.
C'est ici qu'ça s'passe
Le
commencement
Tout
près d’une grande ville, dans la campagne en fleur, au lieu-dit
les Eraults (les Eraults étaient un hameau composé de deux
ethnies : les nuls, et les héroïques), Chez les nuls il y
avait une maison : celle des Cinic bien connus dans le pays pour
leur malfaisance toxique et malsaine. Rien ne résistait à leurs
turpitudes : les animaux, en particulier les chats qu’ils
empoisonnaient régulièrement, humains qu’ils importunaient sans
cesse, choses qu’ils rapinaient bien volontiers.
Les
Cinic avaient aussi des poules qui caquetaient allègrement. Avec
leurs œufs pourris, la vieille, véritable sorcière cuisinait le
dimanche, pour toute sa tribu, des plats de querelles et de
malentendus, le soir venu, le vieux, empereur de son état, pissait
en rotant dans son jardin, se tenant à la grille qui vacillait sous
son poids. Puis il rentrait en clopant, chopiner à nouveau. Ses
relents de vinasse et vapeurs d’alcool l’endormaient prestement.
Le lendemain, le soleil et Satan le trouvaient au réveil, ahurit et
hagard prêt à recommencer.
De
temps à autres il coupait au fil à tordre, son herbe pour ses
quelques moutons ingrats. La plupart du temps, il arpentait avec sa
vieille, le chemin qui borde les Eraults, insultant au passage les
matous qui se chauffaient au soleil, invectivant les Héroïques au
sujet d’une mouche qui volant de travers avait pris la direction de
leur tanière.
Pendant
ce temps, le jeune, le détraqué, le parfaitement raté, le
complètement nase, leur descendant, l’âne culotté, depuis son
mirador espionnait alentours.
Accoudé
à son balcon, il apostrophait quiconque. Si par un grand hasard,
vous tourniez votre regard dans sa direction, là où il ne faut pas
voir, vers cet empire fada, vous essuyez les foudres de ce malfrat.
Injures, insultes et invectives se succédaient en rafales, c’était
un tsunami de quelques mots bien gras
Dans
l’autre maison, Lina la mère, Lino le père, et leurs deux
enfants, Boucle de Sarasin et Bouquet de Lilas résistaient aux
assauts tant qu'ils pouvaient. Bien méritants d’ailleurs, ne
laissant apparaître qu’à peine une bribe de leur désenchantement.
Ils
avaient aussi deux très jolis chats : Flan au caramel et
Tarteau citron.
De
temps en temps, Boucle de Sarasin et Bouquet de Lilas allaient voir
leur grand-mère dans la province voisine. Ils emmenaient avec eux
leur deux si jolis chats, chacun dans un panier, au fond du coffre
bien rangé de leur automobile. Tout le temps du voyage, les chats
prisonniers, pleuraient puis arrivés dans le courtil, où on les
libérait enfin, pour qu’ils se dégourdissent les pattes, ils
découvraient à leur tour, tant de choses nouvelles, des sensations
très fortes, des odeurs délicates de campagne profonde et de
fraîcheur des bois.
.
Là-bas,
le tonton, Vermathile Rabuscon, élevait des chèvres et puis
quelques moutons. Son chien Podsos n’aimait pas beaucoup les chats,
mais il supportait Tarte au Citron et Flan au Caramel, avec qui il
cohabitait le temps d’un repas.
Toutefois,
il ne supportait pas la gourmandise de Flan au Caramel, qui comme
lui, raffolait des peaux de saucisson, ils se poursuivaient alors, le
chien derrière le chat, et Vermathile suivant, brandissant une rame
de haricots ou de petits pois, tapant le dos du chien, pour qu’il
laisse courir le chat
Boucle
de Sarasin et Bouquet de Lilas partaient ensemble voir leurs
cousins : Fleur de Papyrus et Agaric Champêtre, ou Cynopsis et
Alison Papillon.
Les
familles Champêtre et Papillon ne voyageaient jamais les uns sans
les autres. Ils étaient venus une année en vacances aux Eraults.
Ils
avaient pu apprécier le climat de la Cour Albert 1er et
le passage mouvementé de l’empereur traînant derrière lui son
chien sans queue, furieux de le suivre, lui qui préférait traquer
les chats.
L’empereur
était aussi un geigneur informe à tiques, il était aussi
gêneur, et avait en permanence à la sous pente de son toit, pour
éloigner les oiseaux, une série de disques laser trouvés dans
Bonux ou Frosties de Kellog’s.
Son
fils, La « tâche » à la barre du balcon de l’unité
centrale affichait le menu, (le plus souvent des frites) mais ils
n’imprimaient pas, ils manquaient de franches connections et aucun
anti-virus n’était assez puissant, tant le disque dur était
endommagé, d’un modèle très ancien, désormais introuvable, Bill
Gate sollicité, s’était avéré incapable de le reconfigurer. Ils
n’étaient pas formatés mais ils avaient de la suie dans les
idées.
Il
n’y avait plus rien à faire si ce n’est qu’attendre que le
diable alerté se déplace en personne pour régler le problème.
Il
ne se pressait pas, il préférait laisser aux humains, régler leurs
comptes, même lui, pourtant si fin gourmet à ce qu’on dit, en la
« matière » ne voulait pas de cette engeance graine de
discorde.
L’empereur,
au fond de sa cour, avait de briques et de broc, monté un refuge
pour abriter ses ouailles. Nommé de son patronyme, le refuge, annexe
de son château branlant, fissuré en façade, recouvert de quelques
tôles rouillées, complétait à merveille son patrimoine. Parfois
il s’y cachait pour débusquer les rats. Ceux-ci forts dépités
s’en allaient à côté où les chats les mangeaient avant de
mourir à leur tour, empoisonnés par ce cynique scélérat.Et le
cauchemar s’installa.
Quand
arrivait le dimanche, on aimait bien être un peu tranquille, se
retrouver chez soi, sans avoir à subir les valses de Monsieur
l’empereur, et de son altesse Irène ici même mais voilà dès 15
h sonnante, la cour Albert premier ne désemplissait pas. Une
sarabande sans fin s’instaurait et inévitablement, le cauchemar
s’installait.
Le
voisin était en bas à faire la corrida. On avait peur qu’il
explose, dès le point du jour, il était déjà grenat et pour
corser la dose, il arrosait au gros rouge, au muscat, la fin de la
semaine, avec ses gueules de rat. La vieille sous la fenêtre passait
à tout petits pas, avec sa colonie dans un grand brouhaha. Le chien
ne manquait pas comme à son habitude, de poursuivre les chats.
Face
de rat éructait, on l’entendait jusque-au salon,
Il
ruminait sa vengeance derrière son tas de bois. Ses moutons et ses
poules qu’il ne surveillait pas dans le jardin, avaient encore fait
quelques dégâts.
Il
aurait fallu pour être tranquille partir loin de là !
Vermine
et pantomime ne désarmaient pas, toujours sur le chemin à faire les
100 pas.
A
espionner, ce qu’il se passait ici et là
A
rapiner partout quand on ne les voyait pas.
Toujours
sur le qui-vive, avec ses vrais malfrats !
Il
fallait bien se défendre, pour être un peu chez soi !
Et
voici que toute l’invincible armada arrivait chez la vielle dans un
très grand fracas pendant que César courait dans tous les sens,
avec une tondeuse ronflante et rutilante. Il était bien décalqué
et même tout énervé.
Tous
complètement fous, tous jaloux de tout, ils poussaient jusqu’au
bout, jusqu’à crever les roues des voitures qui pouvaient
s’aventurer sur le no man’s land aux confins de l’empire.
Il
y avait d’abord le marquis, celui de la Grosse bedaine pareil à un
babouin qui s’épouillait en passant avant de sombrer dans un
délire d’homme très mince au fond du grand fauteuil.
Arrivait
ensuite son frère, le vicomte de Bourse enflé, avec sa grosse
rousse. Celui-là aimait la bière, il en faisait une cure. A peine
la porte de l’empire franchie, le voilà qui s’écriait :
Tiens
bon ! Tiens bon, v’là qu’ça tangue, on dirait qu’ j’ai
la dengue ! La dengue ! La dengue ! Et qu’ça
m’démange, y Fo qu’ j’mange !
En
fait de dengue, c’est la danse de Saint Guy qu’ils avaient tous,
mais les meilleurs spécialistes du monde médical s’étaient
avérés impuissants à mettre un terme à l’épidémie. Alors
d’année en année, les ravages s’intensifiaient, si bien que
cela avait fini par entrer dans les habitudes et chacun considérait
l’affaire avec un certain dédain.
Dans
la cuisine, attablés devant un canon, ils sortaient le château de
cartes puis tapaient une belette belote, à faire trembler les murs, et
frémir les arbres du jardin. A 19 h tapante, ils repartaient en
pétaradant, pour une semaine dans leur royaume respectif. Le vieux,
calé contre la clôture régurgitait par le haut et pissait par le
bas, ce trop-plein de vinasse pendant qu’impassibles, moutons et
poules regagnaient leur enclos jusqu’au lendemain.
César,
le benjamin, pointait son nez et fermait ses persiennes avant de
disparaitre derrière ses carreaux où il guettait la première ombre
de la nuit.
Cet
ourang outang, parfois se grattait le gland on savait alors qu’il
ne ferait pas beau temps. Parfois il ne se le grattait plus, et il ne
faisait pas beau non plus. Installé sur le mur, là juste en face,
il ne perdait pas une miette de ce qui se passait dans la maison
voisine.
Parfois,
Cléopâtre s’aventurait jusqu’à sa devanture.
Ou
bien son jeune lui faisait une visite avec princesse conasse,
tranquillement ils bavassaient et devisaient gaiement sur le temps
qui passe.
On
dit à l’époque, que l’empereur l’avait installé là pour
avoir à sa portée un homme de main. Il fallait bien préparer
l’avenir. Un jour viendrait où le pouvoir lui échappant, il se
verrait seul, à la merci de la sentence des justes.
Devant
répondre de crimes et châtiments, personne ne le défendrait plus,
il devrait confier à plus jeune et plus alerte, l’accomplissement
de ses tâches ingrates qu’il ne pourrait plus assumer qu’à
demi.
Et
puis il y avait les filles de la tribu :
La
comtesse de Sigüe le château : poissonnière, tantôt
charretière, son rire caractériel et son langage châtié en
faisait une figure de proue dans la galerie du saint empire
maléfique.
La
duchesse de Dent-Zing : future héritière du trône, empêtrée
dans des histoires sombres, elle n’était pas en odeur de sainteté
auprès de l’impératrice, à ce qu’on disait.
Quand
elle venait en visite, elle arrivait en se dandinant et caquetant au
fond de la cour avec une péronnelle qui la chaperonnait lors de ses
déplacements.
Ne
parvenant pas à choisir, elle possédait plusieurs carrosses.
Le
matin la voyait toute en bleue, l’après-midi elle voyait rouge et
le soir enfoncée.
Enfin,
il y avait le tableau de la fratrie, la princesse Josiconde, noire et
velue
C’était
une vraie gorue, issue du croisement d’un gorille et d’une morue.
Les
soirs en tenue de gala, elle aguichait un peu les hommes en
promenant Charlotte, une roquette qu’elle avait récupérée sur
les remparts de Varsovie où elle allait au bal à fraie. Elle
intriguait aussi les femmes avec ses longs poils sur la crête, ses
longues jambes marquées de brun, sa bouche torve et son visage aux
micro-sillons. Ses yeux incandescents s’allumaient dès que la nuit
descendait. Et quand le jour se levait, c’est son nez qui
s’allongeait pour mieux sentir le vent.
Aux
Eraults, dans la famille Héroïques, on ne savait plus que faire
pour retrouver un peu de calme et de sérénité. On dépêcha des
émissaires, des commissaires. Les ministres eux-mêmes se
déplacèrent, Mélenchon en personne vint aux nouvelles avec le pape
François. Les Gilets jaunes se mobilisèrent, la Brigitte vint aussi
depuis sa résidence du Toupet. Seul Manu Fracture s'en contre
fichait.
Chacun
tenta des solutions, fit des propositions.
Rien
ne put venir résoudre ce délicat problème déco-habitation
La
situation empirait de jour en jour. Les Héroïques étaient
désemparés. Leurs chats ne survivaient que rarement à la cruauté
impériale. Le jardin se rétrécissait sous l’effet des conquêtes
guerrières. Les fruits produits par les arbres allaient remplir les
paniers des Cinic. Il s’installait au royaume une disette infâme.
Pourtant
la roue tournait. Un beau matin l’impératrice se décida enfin.
Elle pris la tête d’un cortège funèbre et monta en grandes
pompes sous le nom d’Ana Stasia une entreprise perfectionnée dans
le recyclage des CD.
L’empereur
ne parût plus en public que lors des manifestations dominicales de
sortilèges.
Un
jour il décréta qu’il fonderait sa propre maison d’audition. Il
partit pour Isle d’Elbe placer ses capiteux. Il abdiqua en faveur
de César qui fit rénover le château à grand bruit et grand
fracas.
Cela
ne lui coûta pas une blende. Déclassé monument hystérique La
communauté paya.
Il
continua l’œuvre du vieux roi d’Eque. Son temple devint pompeux.
Princesse connasse prit ses aises, La duchesse de Dent-Zing vint
journellement avec sa dame de compagnie. Ensemble, elles éduquèrent
(mal) un chien. Celui-ci fit fuit moutons et chats et le roi tout
content prit ses fonctions advita. Le vieil empereur se décida enfin
à aller gouverner ad patres et le sacre de César devint officiel.
Trois fois par semaine il fait des essais de formule1 avec tondeuse
motoculteur, débroussailleuse et sulfateuse en bande oulière.
Habillé en treillis comme un vieux dictateur, il continue l'oeuvre
de ses ancêtres, à volonté, exerçant représailles et
incivilités, et la terre tourne toujours du même côté...
J'irai lire tout à l'heure, je vois la pivoine odorante.
RépondreSupprimerj'aime beaucoup la tonnelle rafistolée ! ;)
RépondreSupprimerTout d'abord excuse moi de ne venir que maintenant commenter ce texte écrit exprès pour moi.
RépondreSupprimerJ'ai adoré ton récit, plein d'humour malgré ce que tu décris, avec les jeux de mots presque à chaque ligne, les "images" et les comparaisons qui donnent une excellente idée de la chose.
"Son fils, La « tâche » à la barre du balcon de l’unité centrale affichait le menu, (le plus souvent des frites) mais ils n’imprimaient pas, ils manquaient de franches connections et aucun anti-virus n’était assez puissant, tant le disque dur était endommagé, d’un modèle très ancien, désormais introuvable, Bill Gate sollicité, s’était avéré incapable de le reconfigurer. Ils n’étaient pas formatés mais ils avaient de la suie dans les idées. " super bien trouvé LOL
J'ai trouvé quelques mots que je ne connais pas, comme "j'ai la dengue"
Ceci dit, et pour redevenir sérieux, ma soeur a (eu) des problèmes similaires de voisinage, au point qu'elle avait songé à déménager!
Je te souhaite une belle journée. Merci encore d'être si attentive à mes demandes!
Je confirme que c'est l'horreur. Nous avons tout essayé, rien à faire, la bêtise est la plus forte !
RépondreSupprimerJe voulais mettre les dessins avec, mais impossible de les scanner. Pour la dengue, je crois que c'est la maladie provoquée par les fameux moustiques tigre. Voilà voilà, aller je te bise, à bientôt.