Nous les évoquions ici il y a peu de temps, lors d'un échange. Hier sur Arte, un documentaire préoccupant à leur sujet m'a fait ressortir ce poème que je leur dédiais il y a quelques années. Je vous propose de le partager. Il s'appelle "Ronde des près".
Je
voudrais tant refaire la route
Voir des
frisonnes dans les prés
Ne plus
jamais avoir de doute
Les avoir
toutes à mes côtés.
Le Cadet et
la Finance
Qui depuis
ma naissance
De leur bon
lait me nourrissaient.
La brune, la
blonde et la Normande
La rousse,
la noire, la pijassée
La grise, la
blanche et la fromande
Sans que
l’on puisse m’en séparer.
Jolie,
Jacade et puis Charmante
Roussette,
Barrade, et la Ribande
Ode à la
vie du temps passé.
Les rimes,
les joies de mon enfance
Toutes, un
jour les ont partagées.
Fauvette,
Grivelle et la Mignone
Blonde,
Frisade et puis Pomponne
Brunette,
Noiraude et la Mascotte,
Cerise,
Framboise, Fleur de Griotte
De vous
j’entends encore parler.
Noisette,
Baronne et la Marquise
Je les
caressais toutes à ma guise
Leur mufle
humide dans ma chemise
Leur souffle
chaud comme la brise
Aux plus
beaux jours de nos étés.
Et le Négus
de la Francine
Qu’un jour
j’eus hâte de retrouver
Quand
j’étais loin de ma chaumine
N’avait
pour moi aucun secret.
Je veux
retrouver mon enfance
Pouvoir
encore aller au pré
Courir tout
auprès d’elles
Les pieds
mouillés par la rosée.
Gasconne ou
bien flamande,
Pie rouge ou
bigarrée
Nantaise,
belle fromande
Ou douce
blonde du Vivarais
Elles
avaient toutes une place à [prendre
Elles étaient toutes
reines des prés
Elles n’étaient pas
encore à vendre
Pour une simple bouchée.
Elles composaient de beaux
attelages
Quand terre il fallait
labourer.
L’hiver nourries de
fourrage
Pas de farines
empoisonnées
Elles nous donnaient de
bons laitages
Dont elles connaissaient
le secret.
On les gardait jusqu’à
plus d’age
On leur vouait un grand
respect.
Donnant le beurre et le
fromage
Enfin leur chaire
martyrisée :
Le fruit béni de leurs
entrailles
Que juste né, là, sur la
paille
A leur regard on dérobait.
Pas même le temps de
faire téter
Le petit veau qui batifole
Que déjà d’elles on
séparait.
Beuglant alors comme des
folles
Dans une étable, elles
pleuraient.
La rouge, la blanche, la
montbéliarde
N’étaient plus que
chair à vendre
Quand du départ venait
l’heure
De cette vie pleine de
labeur
Trahies par ceux qu’elles
aimaient
Elles ne pouvaient plus alors qu’attendre
Qu’enfin on [vienne les délivrer.
Salers, Tarine ou
Abondance
Gerseyse, Lourdaise des
Pyrénées,
Marine ou Bordelaise
Garonnaise ou Bazadaise
Aubrac parmi les gentianes
allant chercher sur la
planèze
ou sur les rives de la
Jordanne
la fraicheur du soir
étoilé.
Bretonne pie noire de
l’Iroise
Armoricaine de Morlaix
Rousse Fromand du Léon
Casta Aure et Saint Giron
Flamande de l’Anvers
Ou Villarde de l’Isère
Cotentine, Rouge des près,
Qu’elles soient dociles
Brune des Alpes,
ou bien Gasconne auréolée,
Blanche Nivernaise
Sur les mornes plaines de
l’Allier.
Ou encore robuste
Ferrandaise,
De la montagne de
l’Albasses,
Jusqu’en bas pays
Thiernois,
Et qui dans la saison
basse,
Tirait
grumes en Livradois.
Broutant en bordure de mer
La Pie rouge de Guernesey
Sa cousine la Gerseyse
Et la saonnoise de Cholet.
Elles avaient toutes
raisons d’être
Avons-nous su les
protéger ?
Je revois prés de ma mère
La Mignonne et la Frisade
Quand à Charel elle les
liait.
La Pivoine et la Colombe
Qui se tenaient là dans
l’ombre
Des grands arbres tout
l’été.
La Jolie et la Jaccade
Attelées pour les
battages,
Elles avaient bien du
courage
Quand il fallait encore
tirer
La lourde presse et la
batteuse
Jusque près des javelles
Que tous ensembles on
déliait.
Je citerais aussi Joyeuse,
Toutes les vaches du
Charles,
La Pige, la Jasse et la
Poupée
La jolie petite Nourse
Qu’avec mes sœurs, on
promenait
Mais aussi la Demoiselle
Dont il faut bien ici
qu’on parle
Si on ne veut pas en
oublier.
Cottentine, et Limousine
Parthenaise sa voisine
Vaches Nantaise ou
Maraîchine
Béarnaises ou Vosgiennes
Et la Brune Valaisienne
Camarguaise vache altière
Les grands bœufs de la
Francine
Qu’elle campa à la
Maudière
Après une course folle
Dans la neige de février.
Les grands boeufs du Louis
des Bordes
De blanc et de
roux habillés
Et pour les nommer dans
l’ordre
Le Charmant et le Damiant
Le Bruno et le Brillant,
Chacun jouant son rôle,
Toujours prêts pour les
corvées.
La Nono, la Marguerite
La Lunette et la Ponnette
La Mignonne de l’Henriette
Et les vaches de la Berthe
La Moutonne et la Coquette
Lo
grands bius do Mouretto
Le Clairon, le Papillon
A qui il disait « peito »
En creusant droits les
sillons.
Toutes les vaches de Parel
La Marquise et la Grivelle
La Brune, la Rouge, la
Barrée
Les vaches de notre tendre
enfance
La Calode et la Barade
Le Pompom et le Riband
La Jolie, Petite Blanche
La Contesse et la Frisade,
La Marguerite et la
Roussette
Et puis pour finir la
ronde
Pour la Charmante et pour
la Blonde
Ma toute dernière pensée.
Un bien joli poème pour une passion inhabituelle..Il est chouette ton dessin..
RépondreSupprimerMa grand-mère (la Suisse) gardait les vaches quand elle était gamine, elle adorait ça!
Bonne journée à toi Délia
Merci Ambre, tes mots sont les bienvenus. Ils sont précieux et me touchent beaucoup Je ne dirais pas que la passion des vaches est inhabituelle, car je l'ai rencontrée chez beaucoup de gens. La mienne est inhabituelle, car démesurée et irrationnelle ! Comme ta grand mère, j'ai gardé les vaches avant que les clôtures électriques ne fassent leur apparition. C'était dans les années 50 et début 60. Je garde d'excellents souvenirs de ces moments. Quand j'avais une quinzaine d'années, cela ne m'amusait pas plus que ça. Par contre quand j'étais petite et que ma mère m'emmenait dans la remorque, garder avec elle, c'était magique et incontestablement les meilleurs moments de ma vie. Je peux le dire aujourd'hui. Pour le dessin, je ne sais pas dessiner, mais pour les vaches, je me sens des ailes. Ce sont les miennes que j'ai voulu reproduire. La Charmante et la Blonde, la Jacade et la Mignone et aussi la Jolie. Elles avaient toutes un noms et n'étaient pas encore des numéros sur un registre à la chambre d'agriculture. Pour ta grand mère, sans doute de la génération de celles et ceux qui à 6 ou 7 ans étaient "placés chez les autres", comme ma voisine, la Francine, dont j'évoque ici le nom, grder les vaches était un travail agréable et reposant comparé à des travaux bien plus pénibles, mais il engagé une lourde responsabilité vis à vis du troupeau. Il fallait éviter qu'il ne s'égare, qu'il s'égaie dans la patûre voisine et surtout, il ne fallait pas qu'une bête se blesse ou se "gonfle" c'est à dire mange trop de regain de trefle et revienne ballonnée au point d'éclater et bien sûr d'en mourir. Cela arrivait souvent, et là gare aux petites fesses ! Les enfants de ce temps là n'avaient pas beaucoup de temps pour l'insouciance. Je lis et j'ai commenté" dans VDM des choses qui font état d'avancées et heureusement qu'il y en a eu, pas suffisantes à mon gout et pas assez rapides, mais comme tu le soulignes sur un de tes coms, pas pour tout le monde non plus. Merci d'être venue.
RépondreSupprimerInhabituelle cette passion car au contraire de toi je l’ai rencontrée chez peu de personnes... :-) Mais peut-être parce que cela me "passionne" moins que toi, même si j’aime beaucoup les vaches. Mon autre grand-mère en avait peur !
SupprimerRevenons à ma grand-mère (la Suisse). Née en 1901, elle a passé une enfance triste : orpheline de père elle a été placée chez sa grand-mère qui ne l’aimait pas, et qu’elle s’est empressée de quitter le jour même de ses 16 ans. Garder les vaches étaient son seul moment de plaisir, elle adorait ça, et ce que tu décris (éviter qu’une vache ne s’égare, se blesse ou "gonfle") elle me l’avait raconté. Sûr que c’était moins pénible, peut-être, que certains autres travaux, mais je me dis que le temps devait sembler long de rester comme cela à côté des vaches. Mais c’est la vision que j’ai de la chose! comme je te le disais précédemment ma grand mère, elle, me racontait le genre d’anecdotes que tu évoques.
Je te remercie d’avoir commenté VDM. Il est vrai qu’il faut se réjouir des choses sur lesquelles on a avancé, mais ne pas oublier le nombre d’enfants qui, encore de nos jours, travaillent et sont exploités comme ont pu l’être nos aïeux...
C'est vrai Ambre que les citadins aiment moins les vaches, par méconnaissance, souvent.
SupprimerJe comprends pour ta grand mère, que ses seuls moments de bonheur n'aient été qu'en compagnie des vaches et cela n'est pas anodin. Les vaches sont des animaux paisibles et tranquilles, la plus part du temps, très doux. Contrairement à l'homme, elles ne font de mal à personne, elle ne sont pas agressives, seulement si elles se sentent menacées, elles ou leur petit. D'autant plus à cette époque où elles avaient un contact avec les humains. Sans doute, même, exerçaient-elles une protection vis à vis de leur petite gardienne, d'autant plus si elles la savaient triste et maltraitée. Les vaches sentent tout cela. J'aurai bien es anecdotes à ce sujet. Pour ce qui est des distractions, elle devait bien en trouver ta grand mère ! Le propre de l'enfant est de toujours être occupé, ne serait ce qu'à rêver. Et puis la vie aux champs a bien des côtés fabuleux. Un papillons, une fleur, un bout de bois un caillou, et l'imagination fait le reste. Et puis les vaches sont d'une compagnie agréable. On a de la complicité avec elles, surtout quand on les connait. Je me souviens particulièrement d'une qui venait régulièrement "prendre de nos nouvelles" en nous reniflant les pieds ou le dos et nous frôlait de son mufle humide, puis voyant que tout allait bien, elle repartait brouter avec ses copines. D'une autre aussi qui me suivait partout. Le jour où nous l'avons laissée au près avec les autres, elle n'a pas compris ce qui se passait, elle a franchi les barbelés et est venue me retrouver ! Quand tu dis qu'il faut se réjouir des choses qui ont avancées, oui, d'autant plus quand elles sont remises en cause. De par le monde et chez nous. Hier, je regardais un reportage sur les nouveaux esclaves Libyens et Africains. La façon dont les hommes traitent d'autres hommes est révoltante et nous avons encore beaucoup de choses à combattre, je suis persuadée que c'est en lutant ici pour améliorer notre vie que nous aiderons les populations les plus maltraitées à avancer aussi et non l'inverse. C'est pourquoi, je parle souvent de ne pas tirer les choses vers le bas . Ce n'est pas en se satisfaisant de notre sort qui serait meilleur que nous les aideront. Je pense que tu comprends ce que je veux dire.
Oui, je comprends mieux ce que tu veux dire à présent que lorsque tu l'as écrit sur mon blog. Je trouve en effet important qu'on n'oublie jamais tout ce qui a été acquis à la sueur du front de nos aînés (quand ce n'est pas dans le sang); nos enfants, petits-enfants sont nés avec "tout" et cela leur est "normal"; pourtant, nous faisons partie des privilégiés, même au sein de notre propre pays, et je trouve que c'est important d'y penser de temps en temps, et "d'être satisfait". Pour autant, quand je pense à toute la misère dans le monde, j'avoue que je ne sais pas trop comment faire pour que ça change. Lutter ici pour améliorer notre vie, afin que ça les aide? Voudrais tu développer cette idée?
SupprimerSi je me souviens bien, lorsque j'ai répondu sur ton blog, c'était en réaction à un com de quelqu'un qui laisser entendre que nous ferions la fine bouche à n'être pas content de notre sort je cite : "Heureusement que parfois on rappelle de telles histoires, tellement ordinaires pourtant, pour réaliser la chance que nous avons, et notre culot de nous plaindre pour des bêtises... "
SupprimerJe n'ai voulu blesser personne c'est la raison pour laquelle, je n'ai pas rebondi ni développer ma pensée. Il n'y a rien de plus compliqué, je trouve que la communication via internet, où on ne connait pas les gens et où on suit souvent sa propre pensée. Un autre blogueur l'a très bien expliqué, c'est Reynald, je n'avais alors rien à rajouter. Je suis consciente de la chance que j'ai. Je suis consciente aussi de la situation de désespoir dans laquelle se trouve beaucoup de gens autour de moi et ne changerai pas ma vie pour la leur. Pour les enfants, oui, ils n'ont pas connu autre chose et certains sont très inquiets aussi par rapport aux dérives que prennent les choses. Par contre préserver nos acquis et un haut niveau de qualité de vie est pour moi un sujet de lutte quotidienne. Je pense qu'en ne laissant pas les puissants nous en déposséder, nous aidons à ce que de plus faibles, de moins bien lotis que nous puissent accéder à du mieux pour eux. C'est un peu, comment dire ? comme si on leur donnait la possibilité de dire : moi aussi, je veux vivre mieux et je vais me battre pour avoir la même chose. Il est vrai que beaucoup de gens raisonnent de la façon suivante, je l'ai constaté autour de moi : "pourquoi eux ont ça et moi pas, je veux qu'on leur enlève !". On n'est pas dans un schéma de vases communicants et le bien être des uns ne se fait pas au détriments de celui des autres. Les puissants, sont une minorité à tout posséder et à piller les ressources de la planète. Ils sont une minorité à s'enrichir sur le dos de l'immense majorité des autres. Mais si un jour, les plus conscients, les mieux lotis d'entre nous, qui se trouvent souvent être aussi les plus déterminés, baissaient les bras, les choses s'aggraveraient pour tout le monde car il n'y aurait plus alors de protection, de barrière morale, de par- feu , de modèle, d'exemple auquel se référer, de repère ou de point de mire, si tu préfères. C'est en cela que je dis que tirer tout le monde vers le bas ne fait progresser personne et qu'au contraire avoir des exigences de haut niveau, permet de tirer l'ensemble vers le haut. Je ne sais pas si je me suis bien expliquée et si j'ai été assez claire, mais je crois que le progrès doit servir à tous. En disant cela je ne me donne pas bonne conscience, je me dote des moyens de réfléchir à comment aider l'autre. C'est une philosophie en quelque sorte.Voilà pour mon quart d'heure réflexion sur le monde dans lequel je vis.
Merci de cette longue réponse.
SupprimerTu as raison dans ce que tu dis au début, la communication via internet n'est pas toujours évidente et je te remercie de n'avoir pas rebondi sur mon blog par rapport à une réflexion un peu hâtive. C'est déjà arrivé que des gens (qui ne se connaissent que "par blogs interposés" autrement dit, pas du tout), se crêpent le chignon et alors là, difficile de réagir? Il devrait y avoir aussi sur les blogs des règles de savoir-vivre qui ne se pratiquent pas forcément ;-)
Je suis d'accord avec ce que tu expliques par la suite. Le problème c'est que, concrètement parlant, comment faire, que faire pour tirer les choses vers le haut? ou ne pas les tirer vers le bas? Reconnaître le "bien" de ce que l'on vit, être content de ce que l'on a (je n'ai pas dit "se satisfaire" mais être content, enfin: conscient) est-ce tirer les choses vers le bas?
Je ne sais pas; personnellement je vis dans une situation plutôt modeste, mais ayant connu la précarité la moitié de ma vie (et à une époque où le RSA n'existait pas) j'ai appris à apprécier ce que j'ai. Cela me permet aussi de relativiser. Mais j'avoue que je me sens bien démunie et impuissante quand je vois toute la misère autour de nous, avec la sensation qu'il n'y a pas d'issue..
Waouh!C'est ce qui s'appelle l'amour vache...
RépondreSupprimerJ'ai reconnu des noms que nous avons eus en commun:Fromande,mignone et un autre nom qui me revient à l'instant:Parise(non,elle n'était pas parisienne)
"Je ne suis pas parisienne, ça me gêne, ça me gêne", on fait dans la chanson ces temps ci ! Autrement, c'est quand même mieux de leur donner un nom qu'un numéro. Mais quand on en a plus de mille évidemment, cela se complique ! Je voudrais cependant revenir sur le côté maternelle de nos vaches. Nous les enfants étions sans arrêt pendu à leur cou, jamais aucune d'entre elle n'a eu le moindre mouvement qui nous mette en péril, au contraire, elles faisaient attention à nous et faisaient preuve d'une délicatesse particulièrement auprès des plus petits. Elles étaient proches de nous et nous aimaient aussi. J'ai vu pleurer des vaches, de chagrin. On m'a dit que mon père qui n'était pas un tendre, pourtant, avait pleuré le jour où "sa" vache est partie. Alors oui, j'ai l'amour vaches.
RépondreSupprimer