Je ne sais plus. Je ne sais pas. Ce que je voulais te dire. Ce que je ne te dirai pas. Ne te dirai plus. Tu vas nous manquer. Terriblement nous manquer. Tu semblais éternel, avec ta démarche gauche. Ton pas marquant le sol, trainant les pieds plus que les posant. Jamais hésitant, pourtant, et tant de fois marchant devant. Tu nous as montré le chemin à tous. Résonne encore ta voix pour nous dire. Nous dire la vie. Nous dire la dure vie. Nous dire la lutte et la dignité. Celle des travailleurs pour reprendre une expression de toi. La voix de ce peuple qui est le notre qui fut le tien depuis de longs combats. Celle de 36 qui te vit voir le jour. Celle de 44 à la Libération, quand tout jeune gamin tu acclamas Guingouin, aux portes de Limoges le jour de sa libération le 21 aout 1944. Tu avais 8 ans. 8 ans, guère plus, et déjà, un bel engagement. Hérité de tes oncles, de tes père et mère qui avant toi avaient usé déjà bien des sabots sur cette terre de résistance. Terre Limousine de tes ancêtres. Que Pierre Basile défendit lors de l'attaque des troupes du roi Richard dit coeur de Lion, de la citadelle de Chalus Chabrol, un endroit que je connais bien. Tu fus notre maître à tous. Nous tous. Par ta droiture. Par tes analyses pertinentes des situations politiques les plus scabreuses, comme les plus inattendues. Tu nous disais toujours "méfions nous de tout ce qui est à gauche du Parti Communiste. (Je mets une majuscule à Parti et une autre à Communiste, car ses valeurs communes que je partage, le valent bien et tu les défendais si bien !
Je me souviens des réunions de nos Commissions Exécutives Départementales, comme lors de toutes réunions où tu brillais par tes interventions. Combien celles ci furent riches d'enseignements ! Combien celles ci furent appréciées par les participants ! Et combien, ô combien elles vont nous manquer ! Comme va nous manquer ta bonhommie. Ta prestance. Ta culture autodidacte, ton analyse toujours si juste et la fraternité qui fut la tienne durant toutes ces années si vite passées. tu vas retrouver Daniel, Petit Paul et tant d'autres si regrettés. Jérôme, c'est Odile qui t'avais ainsi nommé. Ton prénom, c'est Jean Pierre. Et nous ne t'oublierons jamais.
Et moi je n'oublie pas non plus le camarade toujours à l'écoute, prenant des nouvelles des uns des autres, présent lors de toutes les étapes de la vie, les plus pénibles y compris. Je te revois au syndicat venir nous rejoindre et partir ensemble aux " Quai des Brumes" manger une tête de veau ou un autre bon repas. Tu prenais en désert, toujours une pomme. pourtant on te savait gourmet. Une pomme ! emblème de notre Limousin si cher à ton coeur. Tu nous parlais de l'auberge de Bousseroux, qui te vit facteur, qui t'accueillit gourmet, fin gourmet, et toujours dans la convivialité. Tu me parlais de ce grand père qui fut le notre, que tu avais bien connu et même que tu appréciais. Tu me parlais de tous ces gens que je découvrais un peu grâce à toi, moi qui n'étais qu'une pauvre pièce rapportée. J'en appris plus par ta voix que par celles de ceux qui auraient pu me renseigner. Me documenter. Tu as connu tant de monde aujourd'hui disparus. Des arrières arrières grands parents qui avaient côtoyés tes propres grands parents.
Un monde de misère depuis le début de notre siècle, le 20ième, jusqu'aux temps présents. Un monde oublié qui n'intéresse plus personne et que tout le monde feint d'ignorer.
J'aurais pu. j'aurai dû. Pardon. Le temps passe trop vite. Il n'est plus question que de regrets. Nous ne rattraperons pas ce temps perdu. nous ne réparerons pas les lacunes du passé. Bon voyage, Jérome, si on savait ! Adieu et à bien tôt.