Peut être une belle journée en perspective ?
Libellés
Mars attaque. Jour 2
Aprés une nuit de sommeil apaisée nous avions préparé le petit déjeuner, prêts à attaquer la journée. C'était la première fois que nous revenions depuis l'automne dernier et j'avais besoin de me reposer.
Soudain le téléphone sonna. On ne nous appelait jamais à la campagne. Il fallait que l'heure soit grave, pour qu'à une heure aussi matinale on nous dérange. Et elle l'était. Nous étions samedi 2 mars 1991 à 8h du matin et une heure plus tôt mon père s'éteignait suite à une grave maladie.
On me raconta sa fin difficile et douloureuse.
Que ces souvenirs lointains sont douloureux ! Comme fut mouvementé notre retour !
Passer dire au revoir aux voisins. Rentrer sur Paris, prendre quelques affaires et confier notre bambin à une copine qui se chargerait de le conduire à l'école. Comme fut déchirante notre séparation et comme j'ai regretté de ne pas lui avoir permis de nous accompagner !
Au prétexte que la mort n'est pas un spectacle pour un enfant, ne lui avons nous pas volé ces moments de partage intense, si nécessaires pour faire un deuil ? N'avait il pas besoin d'être avec ses parents pour affronter ces douloureux instants ? Il avait 5 ans. Je n'aurais pas dû écouter ni les uns ni les autres, qui savent mieux que nous même ce que nous devons et comment faire en pareille situation.
Le 2 mars 1991, je n'ai pas su écouter sa douleur. Je n'avais pas su écouter non plus celle de mon père. La dernière fois que nous nous étions parlé, ce fut pour me dire que j'allais lui manquer. Quand j'ai fermé la porte en repartant, il neigeait. Mon coeur saignait, je savais que je ne le reverrai pas. Mes yeux s'étaient mis à couler.
Mon père a redouté toute sa vieillesse de partir comme était parti son père. Allant jusqu' à transposer sa propre fin de vie sur la sienne.
Mars attaque. Jour 1
Février est fini désormais. Nous revoilà en mars soudainement. Pareil à la veille. Pareil à ces jours qui se suivent depuis la nuit des temps, le cycle des saisons s'enroule et nous englouti comme une machine à broyer. Mais broyer quoi, au juste ? Nos vies, ? Nos souvenirs ? Nous mêmes ?
Il y a 34 ans, c'était un vendredi. Lundi n'avait pas était serein, mardi non plus ni mercredi, mais jeudi, un mieux s'était amorcé... Ce jour là, notre collègue avec qui nous partagions nos repas à la cantine arriva fort énervée. Plutôt que de se soucier des problèmes du service, pour désamorcer un conflit naissant, son chef de service avait proposé de leur faire des crèpes, comme on promet à un enfant s'il se tient tranquille, de lui offrir des bonbons. Pendant tout le repas, elle nous prit la tête avec ses histoires de crèpes et de service qui n'allait pas. Pendant tout le repas elle ronchonna, monopolisant tout l'espace et l'attention d'un auditoire qui ne me concernait pas. Moi j'avais la tête ailleurs. Quelque part en Livradois. Je pensais tout bas :" si tu savais ce que je vis, là en ce moment, ma pauvre fille, je te plains, va". Nous étions jeudi et le lendemain aprés une semaine chargée, comme tous les vendredi, dès les premiers beaux jours, nous avions pris la route sans savoir que nous devrions la reprendre en sens inverse dès le lever du jour suivant.
Oh si je m'en souviens ! C'était aux premiers beaux jours et le printemps s'annonçait déjà. Les premières jonquilles pointaient le bout de leur corolle. Dans le jardin de Sognes les cognassiers du Japon ouvraient leur jolie fleurs, appuyant d'un rouge intense le vert foncé de leur feuillage.
L'auvergne était encore sous la neige mais ses cristaux étincelaient sous les premiers rayons d'un soleil qui bientôt allait se coucher.
La suite on me l'a racontée.