Nostalgie

Les conserves sont terminées, les pots de confitures bien rangés. J'ai récolté ce matin les derniers haricots verts et les premières citrouilles sont bonnes à ramasser. C'est la fin de l'été. Encore un peu glaner quelques jours de liberté. Profiter des derniers instants apaisés, où réunis tous ensemble, nous allons pouvoir deviser. Demain les enfants s'en reviennent. Puis pour eux, ce sera la rentrée. Chacun dans ses occupations retrouvera son quartier. Cette année pour la première fois ils ont pris leurs ailes et volé vers d'autres contrées. Nous n'avons pas partagé autant de joies que les autres années, ni les plages, ni les coins de verdure que je leur destinais. Mes coins de montagne éloignés, nous ne les avons pas ensemble explorés. Combien me faudra-t-il attendre encore avant de retrouver cet  espace de belle complicité ? 
Je me souviens du temps où encore enfants, avec eux nous allions préparer la rentrée des classes. Les ardoises et les cartables, les habits chauds pour l'hiver et s'inscrire à quelques activités. Je me souviens combien il fallait aussi s'activer pour faire rentrer dans la journée tout ce qui devait être fait.
Quand ils étaient petits, il fallait bien calculer son temps afin de tout boucler. Et puis ils ont grandis, ce fut le collège avec ses exigences, ses difficultés. Les maths en particulier ! combien de crises passées sur un problème que la logique enfantine ne pouvait appréhender.  Combien  encore de colères pour un devoir non fait. Quand vint le temps du lycée, ce fut pour le grand, le temps du premier exil. Je me souviens de notre première vraie séparation. J'avais dû le rassurer sur son nouveau statut de pensionnaire, moi qui avais tant souffert du mien, quand c'était mon tour de quitter le foyer !  Je me souviens combien j'aimais nos discussions, dans la voiture, tout le long du trajet, combien j'étais meurtrie quand je repartais après l'avoir laissé, si seule, tellement désemparée. La même solitude que celle éprouvée quand mon père me quittait le dimanche soir au dortoir des petits exilés, dans ce pensionnat de campagne où la directrice, une femme névrosée allait s'acharner sur nous et nous infliger les pires humiliations qu'un enfant ait à supporter... 

Aujourd'hui les jours sont trop longs. Il me manque à moi quelques tâches pour finir la journée. Oh je pourrais bien m'occuper à faire du ménage, ranger les objets qui ne serviront plus avant une bonne année. Il y a bien encore assez de choses que j'ai négligées. 

Mais ne vous en déplaise, laissons tout ça de côté. Aujourd'hui j'ai envie de voir ceux que j'aime, le leur dire, vivre avec eux encore plein de belles journées. Quand demain ils seront arrivés, je les questionnerai sur leur séjour, sur leurs activités. Je prendrai des nouvelles des gens qu'ils ont croisés. Ils me montreront leurs photos et nous nous extasierons sur leur beauté. Nous choisirons les plus belles et peut être nous ferons un album qu'on aura plaisir à regarder. Ils me parleront  de la mer, des balades que je n'ai pas encore faites et aussi de celles que je connais. Nous partagerons ensemble ce temps qui m'a manqué. Je ne leur dirais pas combien  je suis contente qu'ils aient pu réaliser ensemble quelques projets, ni si la séparation, quoique nécessaire, m'a un peu désorientée.   Mais celle là ne fut rien, je ressens déjà la déchirure qui dimanche après le repas de midi me sera infligée. Je ressens déjà monter en moi l'angoisse d'attendre le coup de fil qui me dira "je suis bien arrivé". Alors en attendant, je vais imaginer pour eux, le plus beau des étés.

2 commentaires:

  1. Voir les enfants grandir, c'est aussi se voir vieillir.
    Voir les enfants partir, c'est aussi se voir seule face à soi.
    Il y aura encore d'autres souvenirs à créé, et encore d'autres nostalgies à ressentir...
    Mais en attendant, comme tu dis... C'est le présent qui compte pour vivre et savourer les moments passés avec eux...

    Bon depuis... ils sont déjà partis... mais d'autres moments de partages reviendront :-)

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  2. Je ne raisonne pas en terme de vieillir, c'est seulement en terme de manque d'eux, de besoin de leur présence, de leur complicité. Je ne refuse pas de les voir partir, j'en souffre, tout simplement.

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