La surprise de Jojo.

 Mais qu’a donc vu ce gamin qui le fait courir si joyeux ?

Le petit Jojo est tout fier ce matin. Sa maman lui a donné 5 francs pour payer les commissions. Tu ramèneras le pain a-t-elle dit. Tu passeras aussi chez le teinturier voir si le costume de ton père est prêt et puis en revenant, tu t'arrêteras chez Lavaurs, la mère Lavaurs doit te donner quelque chose, mais tâche d'être sage et bien poli avec les personnes que tu rencontres. 

Bien sage et bien poli ! Oh ça oui ! il l'était le petit Jojo !

D'ailleurs, on lui avait appris tout petit. Dire merci, ne pas réclamer, ne pas faire de caprice, dire bonjour, dire au revoir, ne pas bousculer les gens dans la file d'attente devant la boulangerie, l'épicerie ou la pharmacie. 

A l'école, il ne se faisait jamais remarquer si ce n'était par ses bonnes notes et une conduite irréprochable. Il ne répondait qu'à la demande de la maitresse, une femme sévère mais juste. 

Dans la cour de récréation, il jouait sagement à chat ou aux billes avec ses camarades. Il n'embêtait pas les filles en tirant sur leur nattes comme le faisaient les autres petits garçons. Mais le soir en rentrant à la maison, il oubliait parfois de rapporter le seau de charbon dont on lui confiait la garde afin de le garnir en récupérant le long de la voie de chemin de fer, les quelques morceaux échappés  de la loco. En ce temps là se chauffer était une épreuve pour les gens de son quartier où tout se comptait, tout se payait au prix fort de la pauvreté. 

S'il s'attardait parfois à écouter le merle chanter dans la haie qui borde la petite ceinture, c'était pour profiter des derniers rayons du soleil avant de rentrer dans la deux pièce mal éclairé, mal chauffé, humide en hiver et trop sec en été. 

Chez lui pas de choses inutiles comme dans les beaux appartements de la porte Dorée où parfois le dimanche on se hasardait à se promener.  

Il pensait à tout ça en revenant des commissions avant d'aller chez la mère Lavaurs qui devait lui donner quelques chose...

Oh, il se doutait bien de ce que contiendrait le petit panier d'osier qu'elle allait lui confier en lui recommandant bien de la rapporter. 

Sans doute un reste de ragout qu'elle n'aurait pas voulu jeter. Ou bien une bouteille à demi entamée. Pour le père, lui dirait elle. 

Jamais elle n'oubliait de rajouter sur le dessus du panier un petit quelque chose pour lui, rien que pour lui. Parfois c'était une part de tarte aux prunes qu'elle faisait si bonne, ou bien une boite de crayons de couleur avec quelques feuilles blanche où il aimait dessiner. 

Il dessinait bien, Jojo. Il reproduisait souvent quelques scènes de rue illustrant son quartier. Des enfants qui jouaient ou qui se balançaient aux branches d'un cerisiers. Les chats errants aussi l'inspiraient. Il aimait la nature et les choses  simples qu'il voyant autour de lui. 

Plus tard, il serait peintre ou photographe et afficherait dans une grande vitrine, des portraits, comme il en avait vu dans la rue en bas de chez Ronis.

Mais avant, il devait continuer de bien travailler en classe et d'être sage à la maison. 

Soudain il la vit à l'autre bout de la rue. Elle était là devant lui qui l'attendait. Il couru alors vers elle, oubliant la mère Lavaurs, le costume du père et le seau de charbon planqué derrière la haie. 

Lison ! Lison, attends moi !

8 commentaires:

  1. Tu connaissais l'entrée du zoo de Vincennes près de la Porte Dorée ?
    Avant qu'il y ait le périph' !
    L'enfance des "fifties" et du début des "sixties" a été un peu partout la même on dirait.
    Même à la campagne...

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    1. Oh non, pas avant qu'il y ait le périph !
      Je pense qu'on vivait mieux à la campagne que dans les bidonvilles quand même, même si on vivait chichement.

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  2. J'adore, le seau à charbon, c'était le travail de ma cadette, pas à la cave, on avait la chance d'avoir un grand cagibis au rez-de-chaussée, bon elle nous reproche encore d'être la seule d'avoir fait cette corvée.

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  3. Il en fallait bien une ! même si les corvées pourraient être partagées, cela ne ferait pas de mal aux uns et soulagerait les autres.

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  4. Déjà un amour de jeunesse ? Une belle histoire qui évoque le temps d'avant !

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  5. Pas d'age pour les braves !
    J'aime bien évoquer le temps d'avant... Il y a toujours un avant mais l'aprés parfois déconne.

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