Lettre à mon frère

J'ai rangé la maison, trié le linge, fait les lessives et remis la vaisselle en place. J'ai fait ma confiture et passé la serpillière. Passé 2 ou 3 coups de fils pour m'assurer que tout allait bien. Et puis j'ai attendu. Attendu que l'on m'appelle pour me dire ce que je voulais entendre. Que tout allait bien, que tout s'était bien passé et que la route a été bonne.
Seule à présent dans la grande maison vide, j'ai tout le temps pour penser à ces quelques jours passés ensemble. Ces quelques jours au goût d'enfance inachevée, celle que l'on a toujours plaisir à retrouver.
J'ai aimé parler avec toi. J'ai aimé parcourir la campagne à la recherche du passé en ta compagnie.  Ce passé d'ici, mais si semblable à celui de là bas, celui de notre campagne qui nous a façonnés qui nous a endurcis mais qui nous a donné ces belles racines dont nous sommes  fiers. J'ai aimé ces fois où tu m'as faite rire. J'ai aimé tes mots d'humour. Celui qui est le nôtre. On parle ici et même ailleurs de l'esprit des Mortemart, celui dont la comtesse de Montespan, soit disant, était pourvue. Chez nous pas de comtesse, la seule que nous connaissions c'était la vache du cantonnier, allant brouter sur les chemins. Mais j'ai retrouvé dans tes phrases et dans tes mots, ces quelques traits qui nous caractérisent à notre façon. Cet humour simple. Cet humour fin. Notre patois mis à contribution, nous avons rigolé des quelques uns, dont quand nous étions petits, nous rions parfois de leurs fadaises. Ont défilé à notre table, le pépé Jean, le Grenouillou, le pépé Labbaye et le docteur Fréjafond dont nous craignions les horribles piqures, la cave à ra où on nous enfermait et parfois nous oubliait, à l'école, la brave Marie Darterre qui venait rappeler à l'instituteur ou à sa femme chargée de l'école aux plus petits,  qu'ils nous avaient enfermés et qu'il serait peut être temps de nous libérer... Ont défilés aussi, le Mourette avec ses boeufs, nos oncles et tantes et tous ceux que nous avons connu et avec qui, avons partagé des moments merveilleux, tant qui sont partis, ne laissant plus trace d'un passé profondément enfoui.  Nous avons aussi abordés les jours plus sombres, ceux qui rappellent que parfois l'enfance déraille et que tout n'est pas toujours trés gai. Les affres les remords et les regrets font partie du lot qu'il nous faut accepter. Que le passé est le passé et que quel qu'il soit nous n'y pouvons rien changer. Moi et mon enfance dorée, toi et la tienne désarticulée. Nous n'avons pas choisi. C'était ainsi. Si j'ai beau jeu, moi aujourd'hui, cela ne doit pas me faire oublier la souffrance que  d'autres, vous en particulier, avaient eu à endurer. J'y pense parfois mais ne pouvant rattraper ces bonheurs d'enfance déchirés, je m'efforce de donner un peu de ce que j'ai. Ces quelques jours trop vite passés, tu le disais ce matin, ont été de vrais moments de fraternité. De celle qui se construit jour aprés jour et pour cela je voulais t'en remercier.

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